Le théâtre est le lieu où les humanités s’actualisent : où elles s’incarnent en actes, pour des contemporains. Cette réalité n’a que peu à voir avec le folklore mythologique et ne s’arrête pas à Jean Giraudoux. On ne sera donc pas surpris-e que, sans asservissement présentiste, les articles et documents proposés dans cette page soient les résonateurs d’une brûlante actualité, qu’ils servent un art « beau comme un sismographe », à l’image du cœur humain défini par Breton dans Nadja.
Composés et réunis pour être utiles au professeur de lettres : français, latin, grec, en dialogue avec les autres langues vivantes et les autres disciplines, ils prennent pieds, par une tension productive, à la fois dans la recherche artistique et dans les textes originaux. La lettre de l’œuvre-source est l’origine et l’horizon qu’ils servent en permanence, non pas contre les diverses adaptations ou mises en scène qui s’en réclament, mais grâce à elles. Déjà, dans sa Bibliographie historique et critique d’Eschyle et de la tragédie grecque, 1518-1974 (Paris, 1978), le respecté André Wartelle décidait explicitement d’intégrer les travaux des gens de théâtre, persuadé de leur force éclairante et de l’importance de les unir à la recherche philologique, dans une égale dignité. Pierre Judet de la Combe, dans sa collaboration avec Ariane Mnouchkine et Hélène Cixous, a depuis illustré cette conviction de manière emblématique.
Une triple unité organise donc le premier dossier qu’on pourra découvrir ici, étape par étape.
Une unité historique : en 2019, année baptismale pour Odysseum, le théâtre vibre encore du mot « odyssées », au pluriel, lancé par le Festival d’Avignon : d’où la matinée inaugurale du 12 octobre à la Villette, à Paris, qui a réuni metteurs en scène, traducteurs et éditeurs autour de l’enjeu artistique et sociétal : « Dire Homère ».
Une unité thématique et problématique : nous avons choisi, dans la continuité de cette réflexion, mais aussi en remontant à ses nombreux antécédents, de saisir le fil conducteur de l’hospitalité : l’hospitalité dans quelques œuvres théâtrales-clés, et l’hospitalité du théâtre qui les met en scène. La question de l’hospitalité est celle du surgissement du visage de l’Autre : ce n’est pas une question qui va de soi, d’Eschyle à aujourd’hui. L’histoire théâtrale de l’hospitalité, c’est aussi l’histoire du refus, et même de la perversion de l’hospitalité : au lecteur-spectateur, au « spectacteur » (Pavis) de juger si cette question le regarde.
Une unité méthodologique, enfin : articulés aux ressources sur le lexique qu’on pourra découvrir dans l’ensemble d’Odysseum, les trois articles inauguraux de Daniel Loayza, de Françoise Gomez et de Renaud Guillaume, font le choix de s’en remettre aux mots du Poète et à leur circulation. Ce faisant, les réseaux sémantiques et syntaxiques qu’ils dégagent révèlent chaque fois dans l’œuvre une dynamique dramaturgique qui est comme le double anticipé d’une dynamique pédagogique. Mais c’est aux professeurs, à leurs élèves et étudiants, qu’il appartient de s’en faire les acteurs libres et inventifs.