Texte à traduire - Grandeur et décadence de Rome
En 63 avant J.-C., Rome traversa une grave crise politique : un groupe de conjurés, menés par un jeune patricien nommé Catilina, fomenta une révolution. Pour l’historien Salluste, qui, vingt ans après les faits, écrit La Conjuration de Catilina, la cause profonde de cette crise serait la décadence de la société. Remontant aux origines de l’histoire romaine, Salluste montre comment les vertus de l’ancienne Rome et le mos majorum ont cédé la place, après les succès militaires et l'essor des conquêtes, à une société corrompue.
Igitur domi militiaeque boni mores colebantur ; concordia maxuma, minima avaritia erat ; jus bonumque apud eos non legibus magis quam natura valebat. Jurgia, discordias, simultates cum hostibus exercebant, cives cum civibus de virtute certabant. In suppliciis deorum magnifici, domi parci, in amicos fideles erant. Duabus his artibus, audacia in bello, ubi pax evenerat aequitate, seque remque publicam curabant. […]
Sed ubi labore atque justitia res publica crevit, reges magni bello domiti <sunt>, nationes ferae et populi ingentes vi subacti <sunt>, Carthago, aemula imperi Romani, ab stirpe interiit, cuncta maria terraeque patebant, saevire fortuna ac miscere omnia coepit. Qui labores, pericula, dubias atque asperas res facile toleraverant, eis otium, divitiae, optanda alias, oneri miseriaeque fuere. Igitur primo pecuniae, deinde imperi cupido crevit ; ea quasi materies omnium malorum fuere. Namque avariait fidem, probitatem ceterasque artes bonas subvortit ; pro his superbiam, crudelitatem, deos neglegere, omnia venalia habere edocuit.
Ambitio multos mortales falsos fieri subegit, aliud clausum in pectore, aliud in lingua promptum habere, amicitias inimicitiasque non ex re, sed ex commodo aestumare, magisque voltum quam ingenium bonum habere. Haec primo paulatim crescere, interdum vindicari ; post, ubi contagio quasi pestilentia invasit, civitas immutata <est>, imperium ex justissimo atque optumo crudele intolerandumque factum <est>.
Caius Sallustius Crispus, De Conjuratione Catilinae, chap. 9-10.
À traduire : Igitur dormi militiaeque... omnia ventila habere edocuit. (...)
L’ambition conduisit bien des hommes à devenir des menteurs, à penser secrètement dans leur coeur d’une façon et à s'exprimer ouvertement d'une autre, à régler leurs amitiés et leurs inimitiés non d'après la réalité mais d’après les conditions d’intérêt, et à avoir plus un visage qu'une âme honnête. Ces vices progressèrent d’abord insensiblement, parfois même ils étaient réprimés ; puis, lorsque la contagion se répandit comme une épidémie, la cité changea ; le plus juste et le meilleur des gouvernements devint un pouvoir cruel et intolérable.
Exemple d’introduction :
- Présentation de l'auteur, du contexte et de l’œuvre
- Situation de l'extrait et résumé ; mise en perspective par rapport au thème du chapitre (« décadence et mythe de l'âge d'or »
- Annonce du plan qui sera suivi dans le développement
Salluste, homme politique et historien du Ier siècle avant J.-C., est l'auteur d'une monographie intitulée La Conjuration de Catilina, dans laquelle il fait le récit de la tentative de coup d'État du patricien Catilina, en 63 avant J.-C., qui se solda par un échec et par la mort des conjurés. Mais l'historien, dans cette œuvre, ne se contente pas de raconter les faits, comme le faisaient ses prédécesseurs : il s'efforce d'expliquer les causes des événements politiques et les motivations de leurs protagonistes. Dans les chapitres 9 et 10, il analyse cette grave crise politique comme étant le résultat de la décadence de la société, provoquée selon lui par la perte des valeurs de l'ancienne Rome après les succès militaires et les premières conquêtes. Nous verrons tout d’abord comment l’historien oppose deux époques, puis comment, adoptant une démarche d’historien, il analyse les causes de la crise ; enfin, nous examinerons en quoi il s’agit d’un texte moralisateur et polémique.
Exemple de développement :
I. L'opposition entre deux époques
Ce passage repose sur l’opposition entre deux époques, très nettement séparées par les premières conquêtes romaines (l. 10-13 : Sed ubi…).
1) Un passé caractérisé par le règne de la vertu (boni mores, l. 1) :
- vocabulaire mélioratif pour décrire les mœurs des anciens Romains : champ lexical des vertus omniprésent dans les l. 1 à 10 : boni mores, concordia, jus, bonum, virtute, magnifici, parci, fideles, audacia, equitate, labore, justitia. Tous ces termes renvoient à des valeurs du mos majorum (littéralement « coutume des anciens », ensemble de traditions et de principes attribués aux anciens Romains) : condordia (concorde, bonne entente entre les citoyens) ; jus (= droit, justice), bonum (le bien), virtus (valeur, vertu → qualités qui font la valeur de l'homme, moralement et physiquement), magnifici (généreux), parci (économes), fideles (fidèles, loyaux ; la fides, la loyauté, est une qualité proprement romaine), audacia (audace, hardiesse), aequitate (équité, esprit de justice), labor (travail, effort), justitia (justice, conformité avec le droit).
- présence d'un champ lexical de la violence, mais une violence toujours exercée à bon escient : jurgia, discordias, simultates (rythme ternaire) s'exercent cum hostibus (hostis = l'ennemi du dehors) ; les citoyens, eux, rivalisent de vertu (de virtute certabant). Système d'oppositions soulignées par des parallélismes (cum hostibus / cum civibus ; exercebant / certabant) et par l'asyndète (les deux groupes s'opposent mais il n'y a pas de connecteur logique tel que sed, « mais ») . L'audace s'exprime in bello, « dans la guerre », contre les ennemis (c'est-à-dire à bon escient), et non en période de paix (où l'audace serait un défaut) > système d'oppositions, soulignées par un chiasme (audacia in bello, ubi pax evenerat aequitate).
Asyndète : absence de mot de liaison (par ex. une conj. de coord.) entre deux termes ou groupes de termes en rapport étroit. Effet produit : donner un rythme à la phrase, créer une accumulation, ou rapprocher des mots, ou des expressions de façon à en renforcer le contraste (souligner une opposition). Cum hostibus s'oppose à cum civibus ; jurgia, discordias, simultates s'opposent à de virtute. |
- champ lexical de la citoyenneté, de la patrie, de la collectivité : cives, cum civibus, in suppliciis deorum (allusion aux sacrifices publics offerts aux dieux), in amicos fideles, rempublicam. L'individu est au service de la collectivité, de l’État ; union étroite des intérêts des individus et de ceux de l’État, soulignée par l'expression seque remque publicam curabant (avec répétition de -que).
→ tout cela faisait de Rome « le plus juste et le meilleur des gouvernements » (justissimum atque optumum imperium, l. 29).
2) Ce passé constitue le miroir négatif de la période suivante où règne le vice (omnium malorum, l. 19) :
La période qui suit la victoire contre Carthage s'oppose presque terme à terme à la précédente :
- vocabulaire péjoratif, champ lexical du vice : malorum (l. 19) s'oppose à boni mores (l. 1) et à artes bonas (l. 20). Ces maux, dans le détail, s'opposent aux vertus de l'ancienne Rome : cupido pecuniae (l. 17), avaritia (l. 19) et omnia venalia habere s'opposent à minima avaritia (l. 2) et à parci (6) ; imperi cupido (la soif de pouvoir, l. 17) s'oppose à aequitate (l. 8) ; deos neglegere (l. 21) s'oppose à in suppliciis deorum magnifici, etc.
- champ lexical de l'ambition, de l'individualité (qui s'oppose à celui de la collectivité présent dans les l. 1 à 9) : les hommes se soucient moins de la collectivité, de l’État, que de leur réussite personnelle, comme le montrent les termes superbiam (orgueil, l. 20), ambitio (ambition, l. 23), ex commodo (d'après leur intérêt, l. 25). L'ambitieux est décrit au moyen d'une accumulation d'oppositions (entre l’être et le paraître) soulignées par des parallélismes (aliud clausum in pectore / aliud in lingua pomptum habere, l. 24 > « penser secrètement d'une façon » / « s'exprimer ouvertement d'une autre »), non ex re, sed ex commodo, l. 25 > « non d'après la réalité mais sur leur intérêt », magisque voltum quam ingenium bonum habere, l. 26 > « se faire un visage plutôt qu'une âme honnête ».
→ Rome est devenue « un empire cruel et intolérable » (crudele intolerandumque, l. 30, antithèse avec ex justissimo atque optumo > opposition passé/présent).
II. L'analyse des causes : la démarche historique de l'auteur
Ces deux époques sont nettement séparées pas un passage explicatif dans lequel l'auteur analyse les causes de la décadence. L'articulation se fait à sed (l. 10 et suivantes) : cette conjonction souligne l'opposition entre les deux époques envisagées par l'auteur. C'est une analyse chronologique, qui s'appuie sur des faits et semble au premier abord objective (objectivité = devoir de l'historien).
1) Analyse chronologique :
Salluste décrit un changement, une évolution, comme le montrent les nombreux indices temporels :
- la conjonction de subordination ubi (l. 10) qui commande tous les verbes jusqu'à patebant (l. 14) ; elle est de nouveau employée à la l. 28.
- les adverbes de temps (primo, l. 17 ; deinde, l. 17 ; primo, l. 27 ; paulatim, l. 27 ; interdum, l. 27 ; post, l. 28).
- l'emploi de verbes au parfait (expression de faits passés et achevés) : ubi… crevit (l. 10), ubi reges… domiti sunt (l. 11), ubi nationes… subacti sunt (l. 12) ; ubi Carthago… interiit (l. 13 ; ces quatre parfaits sont à traduire par des passés antérieurs, pour bien marquer l'antériorité : c'est à cause de ces événements de politique extérieure que les conditions de la décadence se sont installées), coepit (l. 14), etc.
- à la fin du texte, deux infinitifs de narration (crescere : « croître », l. 27 ; vindicari, l. 28 : « être puni ») expriment le caractère inéluctable de l'évolution.
→ Salluste fait en cela un travail d'historien : il analyse les faits dans leur chronologie, en examinant successivement les causes et les conséquences de la perte des valeurs.
2) Les causes du changement : les arguments historiques et psychologiques :
- Salluste s'appuie sur des arguments historiques : il attribue la décadence des mœurs au bouleversement causé par les succès militaires et les premières conquêtes de Rome : reges (l. 10) fait référence aux rois étrangers vaincus par les Romains (par ex. Persée, roi de Macédoine, dont la défaite rendit les Romains maîtres de la Macédoine et le Grèce) ; nationes ferae et ingentes populi font référence aux peuples barbares soumis par les Romains au cours du IIe siècle av. J.-C. (par ex. les Ibères en Espagne ou certains peuples gaulois) ; le mot Carthago rappelle les guerres puniques (qui aboutirent à la destruction de Carthage en – 146 : ab stirpe interiit, l. 13) et l'expression cuncta maria terraeque patebant rappelle qu'à partir de la victoire de Rome sur Carthage, les Romains sont devenus les maîtres en Méditerranée (cf. expression mare nostrum, « notre mer »).
- Il s'appuie aussi sur des arguments psychologiques : le changement des mœurs est dû au développement de la cupidité, cupido pecuniae, l. 17 (car les conquêtes étrangères ont provoqué à Rome un afflux de richesses, ont donné aux militaires et aux hommes d’État la possibilité de s'enrichir démesurément grâce au butin) et à une plus grande soif de pouvoir, une plus grande ambition chez les hommes politiques (Salluste évoque, sans les nommer – par prudence – le dictateur Sylla, mais aussi Jules César, Crassus et Pompée).
III. Un texte moralisateur et polémique :
Malgré cette apparente objectivité, le texte est marqué par l'attitude moralisatrice et polémique de Salluste.
1) Idéalisation du passé :
Ce tableau idyllique du passé laisse le lecteur sceptique : il n'y a aucun point négatif, aucune nuance, aucune exception → les boni mores sont omniprésents. Cette omniprésence est soulignée par divers procédés de style :
- l'utilisation des pluriels collectifs, qui englobent tous les Romains (exercebant, certabant, erant, curabant) ;
- le fait que les différentes vertus deviennent les sujets de certains verbes : boni mores colebantur (l. 1), jus bonumque… valebat (l. 3-4).- les locatifs (C. C. de lieu) domi militiaeque (l. 1) soulignent le caractère universel des vertus (celles-ci s'expriment dans tous les domaines de la vie, « dans la paix et dans la guerre » > en toutes circonstances).
- les superlatifs minima et maxuma, construits en chiasme : concordia maxuma / minima avaritia.
- les parallélismes d'expression qui énumèrent les différentes circonstances de la vie privée ou de la vie publique : jurgia, discordias, simultates cum hostibus / cives cum civibus de virtute (l. 4-5) ; in suppliciis deorum magnifici, domi parci, in amicos fideles (> rythme ternaire, l. 5-6) ; + le chiasme audacia in bello / ubi pax evenerat aequitate (l. 7-8).
- la litote non legibus magis quam natura (= minus legibus quam natura). La vertu serait « naturelle », spontanée, innée chez les anciens Romains (et non imposée par les lois) ; elle est donc pratiquée par tous.
Litote : figure de substitution (on atténue une idée par une tournure moins directe, souvent par un verbe à la forme négative) Effet produit : on exprime ainsi, implicitement, beaucoup plus que ce qu'on dit. Non legibus magis quam natura (« non pas davantage grâce aux lois que grâce à leur nature ») = minus legibus quam natura (« moins grâce aux lois que grâce à leur nature ». |
2) Le règne absolu du vice (après les conquêtes) :
Salluste présente l'époque qui a suivi la chute de Carthage comme le règne absolu du vice. Cette généralisation des vices, cette corruption générale de la société est exprimée par plusieurs procédés :
- les personnifications de réalités abstraites : d'une manière générale, dans les lignes 14 à 30, les sujets des verbes sont des abstractions : fortuna l. 14, cupido l. 18, ea, l. 18 (ea = cupido pecuniae et cupido imperi), avaritia l. 19, ambitio (« l'ambition », l. 23), contagio (« la contagion », l. 28), civitas (« la cité », l. 29). Fortuna (la fortune, l. 14) est personnifiée : elle se déchaîne contre le peuple romain (coepit saevire ac miscere omnia, l. 14) ; puis c'est l'avaritia qui est personnifiée : elle est le sujet des verbes subvortit (« détruisit ») et edocuit (« enseigna ») > c'est elle qui est présentée comme le principal agent de la décadence. Enfin c'est l'ambitio qui est personnifiée : c'est elle qui pousse les gens à la dissimulation, à l'hypocrisie (l. 23-27).
- les comparaisons : Salluste compare l'avarice et l'ambition à un matériau qui aurait servi de base, d'aliment à tous les maux (omnium malorum, l. 18-19) ; à la fin du texte, il compare les nouveaux vices à une épidémie (contagio quasi pestilentia, l. 28) qui aurait tout contaminé.
- les verbes à la voix passive : Salluste emploie plusieurs verbes à la voix passive, ce qui lui évite de nommer des gens, ou de quantifier (boni mores colebantur, l. 1 ; civitas immutata est, l. 29 : « la cité changea d'aspect » ; imperium… factum est, l. 29-30 : « le plus juste… intolérable »).
- les pluriels vagues : lorsqu'il évoque le comportement des gens, Salluste emploie des pluriels vagues, désignant les hommes en général ou beaucoup d'hommes, sans précision (par ex. : eis… qui, l. 15-16 ; multos mortales « de nombreux hommes », l. 23).
Exemple de conclusion :
- Bilan des idées et procédés principaux
- Exemples d’ouvertures possibles (sur d’autres œuvres : textes, peintures, films, etc.)
À travers cette opposition de deux époques, apparemment justifiée par des arguments historiques et psychologiques analysés avec l'objectivité de l'historien, Salluste nous livre en réalité sa propre vision de l'histoire : il semble éprouver la nostalgie d'une sorte d'âge d'or de la vie publique romaine, caractérisé par le règne de la vertu, tout en faisant une critique très pessimiste de son époque. Son idéalisation du passé est un fantasme ; la nostalgie est visible jusque dans la langue de Salluste, qui utilise volontairement des formes archaïques1 ; quant à la satire politique et sociale, elle révèle peut-être, de la part d'un ancien homme politique qui a lui-même été considéré comme l'un des exemples de la corruption des mœurs, le désir de se racheter ou de se justifier a posteriori. Quoi qu'il en soit, l'idéalisation du passé romain et de sa virtus est un thème récurrent chez les auteurs latins ; on le retrouve, beaucoup plus tard, chez certains auteurs français et même dans certains discours politiques, comme celui de Robespierre, le 18 pluviôse de l'an II.
Prolongement (texte complémentaire) : question et corrigé
Ce discours de Robespierre énumère les principes de morale politique devant guider la Convention dans l’administration de la Première République :
[…] Nous voulons substituer dans notre pays la morale à l’égoïsme, la probité à l’honneur, les principes aux usages, les devoirs aux bienséances, l’empire de la raison à la tyrannie de la mode, le mépris du vice au mépris du malheur, la fierté à l’insolence, la grandeur d’âme à la vanité, l’amour de la gloire à l’amour de l’intrigue, les bonnes gens à la bonne compagnie, le mérite à l’intrigue, le génie au bel esprit, la vérité à l’éclat, le charme du bonheur aux ennuis de la volupté, la grandeur de l’homme à la petitesse des grands, un Peuples magnanime, puissant, heureux, à un Peuple aimable, frivole, et misérable ; c’est-à-dire, toutes les vertus et tous les miracles de la République à tous les vices et à tous les ridicules de la monarchie. […]
Or, quel est le principe fondamental du gouvernement démocratique ou populaire, c’est-à-dire, le ressort essentiel qui le soutient et qui le fait mouvoir ? C’est la vertu : je parle de la vertu publique qui opéra tant de prodiges dans la Grèce et dans Rome, et qui doit en produire de bien plus étonnants dans la France républicaine ; de cette vertu qui n’est autre chose que l’amour de la Patrie et de ses lois.
Robespierre, Discours du 18 pluviôse de l’an II (7 février 1794).
Renseignez-vous sur l’auteur de ce texte, puis comparez ce passage à celui de Salluste.
Corrigé :
Maximilien de Robespierre (1758-1794), est l’un un des principaux chefs de la Révolution française de 1789. Il fut membre de la Convention nationale, qui était, pendant la Révolution, une assemblée constituante chargée d’établir une constitution et de faire des réformes. Puis il participa au Comité de salut public en 1794. Robespierre a donc participé à la fondation de la Première République, c’est-à-dire du régime politique fondé par la Révolution et sous lequel a vécu la France du 21 septembre 1792 au 18 mai 1804. Robespierre essaya d’imposer son idéal politique : une république démocratique fondée sur la vertu. Lui-même était surnommé « l’Incorruptible ». Cet adjectif qualifie quelqu’un qu’on ne peut corrompre, qui est peu sensible aux pressions des autres.
On note de nombreuses ressemblances avec le style de Salluste ou avec celui d’autres auteurs latins formés à l’art oratoire : il s’agit d’un texte appartenant au genre du discours politique, dont le style est très rhétorique. Parmi les nombreux procédés d’écriture utilisés, on peut remarquer :
- une longue énumération consistant en parallélismes fondés sur des antithèses (« Nous voulons substituer (ce verbe signifie mettre quelque chose à la place d’autre chose) la morale à l’égoïsme, la probité à l’honneur », etc.). On note le même jeu sur les antithèses chez Salluste ;
- le champ lexical des valeurs morales (« la morale », « la probité », « les devoirs », etc.), systématiquement opposé à celui du vice (« l’égoïsme », « l’insolence », « l’intrigue », « la volupté », etc.). On a trouvé la même opposition chez Salluste.
- une opposition entre un vocabulaire mélioratif (associé à la république) et un vocabulaire péjoratif (associé à la monarchie), comme, chez Salluste, l’époque contemporaine, dénigrée, s’oppose aux mœurs des anciens Romains, valorisées.
- une opposition entre nation et individu, comme chez Salluste : Robespierre critique des valeurs individualistes (« l’honneur », « la mode », « la vanité », « l’éclat », etc.), et valorise au contraire la collectivité (« l’amour de la Patrie et de ses lois ») ;
- une tendance à l’exagération, à la généralisation, comme on trouve chez Salluste une idéalisation généralisée du passé et une critique généralisée du présent : dans le discours de Robespierre, la République est associée aux vertus, la monarchie aux vices.
Tous ces procédés visent à idéaliser le régime républicain que les révolutionnaires veulent mettre en place pour remplacer la monarchie, et à mettre en avant le principe qui doit régir le gouvernement : la vertu. L’influence de la rhétorique antique est visible dans ce discours de Robespierre, qui cite d’ailleurs les exemples grec et romain en modèles (« je parle de la vertu publique qui opéra tant de prodiges dans la Grèce et dans Rome »).
Traduction guidée, avec séquençage, vocabulaire et éléments d’analyse (exemplaire destiné à l’élève, à compléter)
Corrigé :