Voir la fiche Lexique et culture : FORUM.
Le Forum Romanum : quelques repères
Le nom latin forum, i, n. a d’abord désigné l’enclos qui entourait la maison ou la tombe, puis il a servi à nommer la place du marché, le point central de la cité où affluaient ses habitants.
Les Anciens pensaient que ce mot venait du verbe ferre, porter (Varron, De la langue latine, V, 145) : c’était en effet la place où on "apportait" les marchandises pour les mettre en vente, mais aussi les motifs de litige (procès) pour les régler. Cependant, forum est probablement une forme neutre de forus, terme qui désigne au sens général un "espace libre ménagé ou réservé", dont on rapproche aussi le nom fores (porte) et l’adverbe foris (dehors). Le forum était en effet situé à l’origine en dehors de l’espace habité.
Dès les temps anciens, il existait à Rome plusieurs forums (fora) où l'on vendait diverses denrées, comme le Forum Boarium ("le marché aux Bœufs"), le plus ancien (VIIIe siècle avant J.-C.), au bord du Tibre. Cependant, le grand forum de la ville - le plus cher aux Romains - fut toujours le Forum Romanum ("Forum Romain"), dit aussi Forum Magnum ("Grand Forum") ou Forum Vetus ("Vieux Forum") ; sans cesse remanié, il a connu de grands bouleversements (destructions, incendies) dès l’Antiquité : beaucoup d’éléments ont été reconstruits, transformés, déplacés, en particulier à la fin de la période républicaine (époque de César et d’Auguste). Puis de nouveaux forums ont été aménagés (Forum de César, Forums impériaux).
Au fil des siècles, les édifices se sont multipliés sur le Forum Romanum, s’empilant souvent les uns sur les autres, si bien qu’il est aujourd’hui difficile de reconnaître et de dater leurs vestiges : du Lapis niger, qui passe pour être la tombe de Romulus, à la colonne de Phocas (608 après J.-C.), ce sont onze siècles d’histoire que représentent ainsi les ruines du Forum Romain.
Le Forum Romanum à l'époque républicaine
Sous la République, le Forum Romanum est le cœur et la mémoire de la cité : il conserve des traces de sa glorieuse histoire tout en continuant de se développer depuis ses premiers aménagements.
Au début du VIIe siècle avant J.-C., l’espace marécageux entre les collines du Capitole et du Palatin est drainé par un grand canal à ciel ouvert qui permet de "purifier" le sol : nommé Cloaca Maxima, il traverse le Forum en partant du petit sanctuaire dédié à Vénus "la Purificatrice" (Cloacina). Il ne devient un vrai égout souterrain qu'après le IIe siècle avant J.-C.
Sous les rois, cet espace d’abord en terre battue, puis dallé, abrite deux pôles fondamentaux de la cité : la Regia et le Comitium.
Plan du Forum Romain au milieu du IIe siècle avant J.-C., © Éditions Magnard, A. Collognat, 2011.
Vue générale sur le Forum depuis les terrasses du mont Palatin : trajet de la Voie sacrée ; à gauche : le temple rond de Vesta, le temple de César, les trois colonnes du temple des Dioscures, l’arc de Septime Sévère, la Curie ; à droite, au fond, l’arc de Titus. © Odysseum, photo A. Collognat.
Vue générale sur le Forum depuis les terrasses du Tabularium, l’édifice où on conservait les archives publiques (aujourd’hui Musées du Capitole) : arc de triomphe de Septime Sévère (à gauche), temple de Saturne (à droite), temple de Vespasien et montée pavée du Clivus Capitolinus. © Odysseum, photo A. Collognat.
À l’entrée de la zone du Forum (1), se trouve la Regia : ce fut d’abord la résidence officielle des rois, dont la légende attribue la construction à Numa Pompilius, le deuxième roi de Rome (715-672 avant J.-C.). Il y aurait fait ranger les douze boucliers sacrés (ancilia) dont les Saliens (collège de prêtres) avaient la garde. On pense que la première Regia était un édifice avec un soubassement en blocs de tuf, des murs en briques crues et une couverture en tuiles. Ses deux pièces étaient précédées d’un portique ouvrant sur une cour en trapèze. Cet édifice fut détruit par un incendie. L’archéologie constate bien une construction sous la monarchie, mais la situe plutôt à la fin du règne d’Ancus Martius (640-616 avant J.-C.) ou au début de celui de Tarquin l’Ancien (616-578 avant J.-C.), selon la chronologie traditionnelle.
Cependant, Tarquin l’Ancien se serait fait construire une nouvelle demeure royale plus loin vers l’est, près d’une porte du Palatin, dans le haut de la Via Nova (aujourd’hui près de l’Arc de Titus).
La Regia serait alors devenue la résidence officielle du Rex Sacrorum (“le Roi des choses sacrées”), puis, au début de la République (509 avant J.-C.), celle du Pontifex Maximus, le “Grand Pontife”, chef de la religion romaine, qui y conserve les archives religieuses. Plusieurs fois détruite par des incendies, elle fut reconstruite jusqu’à la fin de la République. Les vestiges actuels datent de l’époque républicaine.
Les rues
Diverses rues conduisent au Forum, le traversent ou le longent.
- La Via sacra (Voie sacrée) est un axe Est-Ouest très ancien, qui remonterait à la fondation de la ville. Elle monte au Capitole par un chemin à pente raide, le Clivus Capitolinus, pavé en 174 avant J.-C. Le cortège des généraux victorieux emprunte cette voie lors de la cérémonie du triomphe qui s’achève au temple de Jupiter Capitolin.
Le Clivus Capitolinus au départ du Forum. La colline du Capitole était entourée par des falaises raides de tous côtés, excepté à l’est, où elle était accessible par la rampe du Clivus Capitolinus. © Odysseum, photo A. Collognat.
- La Via Nova (Voie Neuve) est aussi très ancienne : elle remonterait au règne de Tarquin l’Ancien (616-578 avant J.-C.) ; elle fait pratiquement le tour du Palatin.
- L’Argiletum (l’Argilète) relie le Forum et le quartier de Suburre (populaire et mal famé) en suivant à peu près le parcours de la Cloaca Maxima. C’est la rue des libraires, l’une des plus animées de la ville.
- Le Vicus Tuscus (Rue Étrusque) va du Forum au Tibre, traversant le quartier du Vélabre. C’est une rue également très animée, encombrée de boutiques et d’ateliers, ainsi que de tréteaux où sont exposés les esclaves.
- Le Vicus Jugarius (Rue du Joug), contournant le Capitole, conduit au Forum Boarium (Forum des Bœufs), d’où son nom.
- Le Clivus Argentarius, la ruelle pavée dite « des argentiers » (agents de changes) part de la petite place devant le Carcer Tullianum pour contourner le Capitole par le nord.
Le Clivus Argentarius monte du Forum et contourne la colline du Capitole ; il passe derrière le Forum de César et communique avec le Champ de Mars. © Odysseum, photo A. Collognat.
La vie commerciale
Le Forum fut d’abord un espace de vie commerciale : sous les rois et aux premiers temps de la République, il est surtout un marché (de légumes, de bestiaux, de poissons). Les marchands étaient installés dans les Tabernae veteres, une double allée de "vieilles boutiques" au sud de la place : elles étaient la propriété de l’État qui les louait à des particuliers. Plus tard, à cause de l'odeur, les bouchers et les poissonniers furent déplacés au nord vers les Tabernae novae, "les boutiques neuves", tandis que les changeurs de monnaie occupèrent les anciennes boutiques, installant ainsi l’activité financière sur le Forum.
À partir du IIe siècle avant J.-C., le Forum fut réaménagé selon un processus continu de monumentalisation. Diverses "basiliques" sont construites derrière les tabernae : elles donnent à la place un aspect plus régulier et majestueux (basilica vient de l’adjectif grec basilikos, royal), sur le modèle de l’agora grecque, avec ses stoas (vastes portiques) de la période hellénistique. Centres des activités judiciaires et bancaires, ces grands bâtiments rectangulaires couverts (pour protéger des intempéries) sont ouverts au public.
Les basiliques portent les noms des magistrats qui les ont fait ériger pour laisser une empreinte prestigieuse dans l’histoire de la cité : Caton l’Ancien (Marcus Porcius Cato) est le premier avec la Basilica Porcia (en 184 avant J.-C.), puis Marcus Aemilius Lepidus fait édifier la Basilica Aemilia (179 avant J.-C.) au Nord-Est, Tiberius Sempronius Gracchus (père des Gracques) la Basilica Sempronia (169 avant J.-C.) au Sud-Ouest, et enfin Lucius Opimius la Basilica Opimia (120 avant J.-C.).
Divisées en trois nefs, les basiliques Aemilia et Sempronia abritent les travaux des magistrats, en particulier lorsqu’ils rendent la justice (on y tient les procès). Les boutiques sont installées sous leurs arcades. Dès le IVe siècle avant J.-C., on aménage des balcons-terrasses (maeniana) d’où l’on a une belle vue sur la place : c’est en effet sur le Forum que se sont d’abord déroulés les "jeux" avec combats de gladiateurs (introduits à Rome en 264 avant J.-C.), ainsi que les funérailles publiques pour les familles nobles (le corps est porté près des Rostres où un membre de la famille prononce l'éloge funèbre) avec défilé des portraits (imagines), ou encore les processions triomphales.
La Basilica Julia, qui porte le nom de famille de Jules César, est édifiée en 54 avant J.-C. sur les ruines de la Basilica Sempronia, détruite par un incendie.
Le grand égout
À l’endroit où la Cloaca Maxima entrait sur le Forum Romain (2), devant la basilique Aemilia, le Sacellum Cloacinae était un petit sanctuaire rond, dédié à Vénus “la Purificatrice”.
La Cloaca Maxima est le “grand égout” qu’a fait creuser le roi Tarquin l’Ancien en 616 avant J.-C. pour “purifier” la zone marécageuse entre les collines. Il était long d’environ 800 m : il débutait dans l’Argilète, où il collectait les eaux de pluie, puis il traversait le Forum du nord-est au sud-ouest et se déversait dans le Tibre.
Conçu par des experts étrusques spécialistes en hydraulique et conduits souterrains pour drainer les eaux (cuniculi), le premier canal, en partie à ciel ouvert, fut construit en blocs de pierre sans ciment : les pierres (du tuf volcanique) étaient longues de 2,50 m, larges de 1 m et hautes de 0,80 m. Au cours des siècles, par travaux successifs, il devint un vrai égout souterrain : pour traverser le Forum, il ne fut complètement couvert qu’après le IIe siècle avant J.-C.
La dimension du canal de la Cloaca Maxima varie au cours du tracé : à l’embouchure sur le Tibre, il mesure 4,50 mètres de large et 3,60 mètres de haut. Une vingtaine d’égouts secondaires s’y déversaient tout au long du trajet. Une partie de la canalisation antique est encore utilisée aujourd’hui.
La vie politique
La vie politique se tient dans la partie nord du Forum, au Comitium (3): à l’origine (VIe siècle avant J.-C.), c’est une place circulaire à gradins assez étroite, imitée des villes de Grande Grèce, où se réunit le peuple ; réaménagée au IIIe siècle avant J.-C., elle est le lieu où se tiennent les comices (assemblées du peuple) et où siège le tribunal du préteur.
Le Comitium abrite aussi le totem de la cité (la statue en bronze de la louve allaitant Romulus et Rémus, élevée en 296 avant J.-C.) ; on y affiche les lois (lois des Douze Tables) et le calendrier officiel. Sur l’un de ses bords est aménagée une tribune d’où les magistrats haranguent la foule : on la nomme Rostra, les Rostres, depuis qu’elle est décorée par les éperons (rostre) de six navires pris à l’ennemi en 338 avant J.-C.
À l’arrière du Comitium, se dresse la Curia (la Curie ancienne, dite Curia Hostilia), le bâtiment où se réunit le Sénat, la plus haute autorité politique de Rome : selon la légende, il fut à l’origine composé de 100 membres fondateurs, compagnons de Romulus et pères (patres) des premières familles romaines (gentes), puis de leurs descendants “patriciens”. À la fin de la monarchie, le Sénat, qui fonctionnait comme “conseil du roi”, comptait 300 membres.
La Curie, Comitium et Rostres sont si proches que les citoyens rassemblés dans le Comitium peuvent entendre les débats du Sénat (les portes de la Curie restent ouvertes) et des magistrats.
Remaniée à plusieurs reprises, agrandie par le dictateur Sylla (mort en 78 avant J.-C.), la Curie est détruite par un incendie en 52 avant J.-C. Jules César puis Auguste font détruire et déplacer le Comitium et la Curie pour les réaménager.
La prison
La prison, appelée Carcer Tullianum, a été creusée au pied de la colline du Capitole sous le règne d’Ancus Martius (640 - 616 avant J.-C.), elle porte le nom du roi Servius Tullius (578 - 534 avant J.-C.) qui l’aurait fait agrandir. Construite sur deux étages, elle sert de lieu de détention et d’exécution : Vercingétorix y resta six ans avant d'être étranglé pendant le triomphe de Jules César en 46 avant J.-C. La légende veut qu’elle ait servi de prison aux saints Pierre et Paul sous le règne de Néron (54-68). Appelée "prison Mamertine" au Moyen Âge, elle se trouve aujourd’hui sous l’église San Giuseppe dei Falegnami (Saint Joseph des Charpentiers).
Montant la pente du Capitole, près du Tullianum, les Gemoniae Scalae (les Gémonies, "Marches des gémissements") sont le lieu où, depuis 396 avant J.-C., on expose publiquement les corps des criminels condamnés à mort et suppliciés, sous la garde de soldats. Lorsque les corps tombent en putréfaction, on les traîne avec un croc jusqu’au Tibre.
La vie religieuse
De grands temples bordent le Forum (4) et (6) : ils ont été plusieurs fois restaurés.
- Le Temple de la Concorde (Aedes Concordiae) inauguré en 367 avant J.-C., célèbre la concorde qui fait la force du peuple romain en commémorant la réconciliation entre plébéiens et patriciens. Il deviendra un musée d’art sous le règne de l’empereur Tibère (env. 30 après J.-C.).
- Le Temple de Saturne (Aedes Saturni) est consacré au Titan Saturne, le père de Jupiter, honoré comme le premier bienfaiteur des Latins : inauguré en 498 avant J.-C., il est le plus vieux monument de Rome après le temple de Jupiter Capitolin. Il est accompagné d’un autel, Ara Saturni, qui abrite le trésor public (aerarium Saturni).
La construction du temple de Saturne débuta probablement pendant la période royale, sous Tarquin le Superbe. Il fut bâti à l’emplacement d’un très ancien autel, attaché par la légende au culte du dieu Saturne, fondateur de la ville mythique de Saturnia. Saturne passait pour avoir enseigné aux Romains l’art de cultiver la terre. Le culte de Saturne s’est maintenu vivace jusqu’à la fin de l’Empire, en particulier à travers le mythe de l’âge d’or.
Restauré plusieurs fois sous la République, le temple de Saturne était hexastyle prostyle (6 colonnes de façade). Entièrement refait en 42 avant J.-C., il disposa alors d’un podium en travertin, haut de 5 m, large de 22 m et long de 38 m.
Les huit colonnes qui subsistent aujourd’hui, hautes de 11 m et surmontées de chapiteaux ioniques en marbre, datent de la dernière restauration de Dioclétien. L’inscription de la frise de la façade montre qu’elle fut entreprise à la suite du grand incendie de 283 après J.-C.
SENATVS POPVLVSQVE ROMANVS
INCENDIO CONSVMPTVM RESTITVIT
Le Sénat et le peuple romain
restaurèrent [le temple] détruit par le feu
Comme tous les édifices et toute la statuaire antiques, le temple de Saturne était polychrome.
Les vestiges du Temple de Saturne. © Odysseum, photo A. Collognat.
- Le Temple dit des Castors (Aedes Castorum) ou des Dioscures ("fils de Jupiter") fut dédié en 484 avant J.-C. aux frères jumeaux divins, Castor et Pollux, considérés comme les fils de Jupiter. Ils seraient miraculeusement apparus sous la forme de deux cavaliers venant faire boire leurs chevaux au Lacus Juturnae (la fontaine Juturne) et auraient aidé les Romains à battre les alliés du roi Tarquin en 499 avant J.-C. Les vestiges que l’on peut en voir aujourd’hui (3 colonnes) datent des restaurations d’Auguste (6 ap. J.-C.) et de Tibère.
Les vestiges du Temple des Dioscures (Castor et Pollux, les jumeaux « fils de Jupiter ») ; le temple de Vesta au fond à gauche, les terrasses du Palatin à droite. © Odysseum, photo A. Collognat.
- Le Temple de Vesta (Aedes Vestae), partiellement reconstruit, est un petit temple rond consacré à la déesse du foyer Vesta, sœur de Jupiter : il aurait été construit selon la légende par le deuxième roi de Rome, Numa Pompilius (715-672 av. J.-C.). Il abritait le foyer sacré de Rome, entretenu par le collège des prêtresses de la déesse, les Vestales : elles sont chargées d’entretenir le feu sacré qui doit brûler en permanence. Le temple contenait également de mystérieux objets sacrés, dont le légendaire Palladium (statue en bois d’Athéna/Minerve) apporté de Troie par Énée.
Derrière le temple se trouve l’Atrium Vestae, la Maison des Vestales.
Les vestiges du temple rond de la déesse du foyer Vesta. © Odysseum, photo A. Collognat.
Le Temple du divin César (Aedes Divi Caesaris) a été construit sur ordre du Sénat et dédié par Octave (futur Auguste) le 18 août 29 avant J.-C. Premier temple consacré à la mémoire d'un homme divinisé, il a été édifié en l’honneur de Jules César là même où avait été érigé son bûcher funèbre après son assassinat (15 mars 44 av. J.-C.), devant l’emplacement où se trouvait la Regia, la résidence officielle du Pontifex Maximus (titre que portait César depuis 63 av. J.-C.).
Le temple fut détruit par un incendie sous Septime Sévère, qui le fit restaurer. Aujourd’hui, il ne subsiste plus que les vestiges de ses fondations. Son podium formait une plateforme en avant du pronaos à laquelle on accédait par deux escaliers latéraux. Le centre du podium était creusé en hémicycle dans lequel était construit un autel circulaire qui marquait l’emplacement du bûcher de Jules César. Aujourd’hui, les Romains et les touristes déposent des fleurs ou jettent des pièces de monnaie sur les restes de ce qui passe pour être cet autel, selon la tradition.
Divers lieux sacrés, hautement symboliques, sont aussi religieusement entretenus sur le Forum.
- La Pierre Noire (Lapis Niger), située devant le Comitium, passe pour être la tombe de Romulus, le premier roi de Rome (753-715 av. J.-C.). C’est le dictateur Sylla qui a fait daller ce lieu sacré en pierres noires.
Le Lapis niger, copie exposée aux Musées du Capitole du cippe original conservé au Musée des Thermes de Dioclétien, Rome. © Odysseum, photos A. Collognat.
Découverte en 1899 sur le Forum, sous une dalle de marbre noir, la "pierre noire" (Lapis niger) porte la plus ancienne inscription latine (environ 510 avant J.-C.), gravée en boustrophédon. On y déchiffre le mot RECEI (= regi, au roi) : selon une tradition légendaire, ce cippe aurait marqué la tombe de Romulus.
Les philologues ont catalogué l'inscription comme CIL I, 1, c'est-à-dire en tête du Corpus Inscriptionum Latinarum (Corpus des Inscriptions latines) qui est le répertoire monumental de toutes les inscriptions latines de l'époque romaine, classées chronologiquement par lieu de leur découverte.
- Le Mundus (le Monde) est une fosse circulaire - une sorte de puits recouvert d’une pierre - datée du VIè siècle avant J.-C. qui passe pour être le centre symbolique de la Ville, selon des rites hérités des Étrusques. La légende dit qu’il a été creusé par Romulus et ses compagnons au moment de la fondation de la ville et qu’il permet d’entrer en relation avec le monde souterrain des Enfers, gouverné par Pluton et Proserpine.
Trois jours par an (24 août, 5 octobre, 8 novembre), notés MP dans le calendrier officiel, on lève la pierre du mundus et on déclare officiellement : « Mundus Patet » (« le Monde est ouvert »). On laisse ainsi un libre passage symbolique aux Mânes (les esprits des morts) pour profiter de leur influence bénéfique. Pendant les jours prescrits, toute activité doit cesser dans la cité.
Le Mundus a été identifié par l’archéologue Filippo Coarelli avec l’Umbilicus Urbis Romae ("le nombril de la Ville de Rome") qui marquait le centre théorique de la Ville et de l’Empire, sur le modèle de l’omphalos grec (le "nombril" du monde) : il en reste une structure en brique de 4,45 m de diamètre, datée de l'époque des Sévères (193 - 235), recouvrant une tranchée souterraine. Cette reconstruction d’un monument plus ancien, réutilisant des éléments comme la base en travertin et la corniche circulaire, était recouverte de marbre et probablement surmontée d'une pierre imitant la forme de l’Omphalos de Delphes.
Le petit édifice rond nommé "Umbilicus Urbis Romae" (les mots sont inscrits sur la petite plaque en marbre apposée sur les briques). © Odysseum, photo A. Collognat.
- Le Lacus Curtius (Lac Curtius) est une ancienne zone marécageuse qui a été frappée par la foudre (un signe éminemment divin pour les Romains) : l’endroit est pieusement marqué par un enclos pavé comprenant un puits de pierre et un autel (5). On y situait l’épisode du "dévouement" (devotio) du noble héros Curtius qui se serait jeté dans un gouffre béant pour se vouer à sa patrie en 362 avant J.-C. (le gouffre se serait ensuite miraculeusement refermé).
- Le Puteal Libonis (Enclos de Libon) est un autre lieu sacré qui a été frappé par la foudre (6) : il est entouré d’une margelle pour le préserver d'être foulé par des pieds profanes. C’est l’endroit où se rencontraient les banquiers, usuriers et marchands.