Les Métamorphoses, Ovide, Les Héliades, II, v. 333-366. Texte et traduction texte établi et traduit par Georges Lafaye, CUF, 1925

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Dossier élaboré par

Stéphanie Milonet
Cécile Daude
Paulette Garret
Sylvie Pédroaréna
Brigitte Planty
avec la collaboration de Bruno Poulle

sous la direction de Sylvie David

        At Clymene, postquam dixit quaecumque fuerunt

        In tantis dicenda malis, lugubris et amens

335  Et laniata sinus totum percensuit orbem

        Exanimesque artus primo, mox ossa requirens,

        Repperit ossa tamen peregrina condita ripa

        Incubuitque loco nomenque in marmore lectum

        Perfudit lacrimis et aperto pectore fovit.

340  Nec minus Heliades lugent et inania morti 

        Munera dant lacrimas et caesae pectora palmis

        Non auditurum miseras Phaethonta querellas

        Nocte dieque vocant adsternunturque sepulchro.

        Luna quater junctis implerat cornibus orbem ;

345  Illae more suo, nam morem fecerat usus,

        Plangorem  dederant. E quis Phaethusa, sororum

        Maxima, cum vellet terra procumbere, questa est

        Deriguisse pedes ; ad quam conata venire

        Candida Lampetie subita radice retenta est ;

350  Tertia, cum crinem manibus laniare pararet,

        Avellit frondes ; haec stipite crura teneri,

        Illa dolet fieri longos sua bracchia ramos.

        Dumque ea mirantur, complectitur inguina cortex

        Perque gradus uterum pectusque umerosque manusque

355  Ambit et exstabant tantum ora vocantia matrem.

       Quid faciat mater, nisi, quo trahit impetus illam,

       Huc eat atque illuc et, dum licet, oscula jungat ?

       Non satis est ; truncis avellere corpora temptat

       Et teneros manibus ramos abrumpit ; at inde

360  Sanguineae manant, tamquam de vulnere, guttae.

     « Parce, precor, mater, » quaecumque est saucia, clamat,

     « Parce, precor ; nostrum laceratur in arbore corpus.

       Jamque vale ». Cortex in verba novissima venit.

        Inde fluunt lacrimae stillataque sole rigescunt

365  De ramis electra novis, quae lucidus amnis

        Excipit et nuribus mittit gestanda Latinis.

 

Après avoir exhalé toutes les plaintes que devait lui inspirer une telle catastrophe, Clymène en deuil, éperdue, déchirant son sein, parcourut tout l'univers ; elle chercha d'abord le corps inanimé de son fils, puis ses ossements ; elle les trouva enfin, mais ensevelis sur une terre étrangère ; là elle se prosterna et, ayant lu son nom, elle arrosa le marbre de ses pleurs et le réchauffa de sa poitrine découverte. Les Héliades ne sont pas moins désolées ; elles offrent à la mort de leur frère le vain tribut de leurs larmes ; elles se frappent la poitrine de leurs mains, et, comme si Phaéthon pouvait entendre leurs plaintes lamentables, nuit et jour elles l'appellent, étendues au bord de son tombeau. Quatre fois la Lune entre ses cornes rapprochées avait rempli son disque ; et elles, suivant leur habitude (car le temps en avait fait une habitude), elles avaient poussé des cris de désespoir. L'une des sœurs, Phaéthuse, la plus âgée, qui voulait se prosterner sur la terre, se plaignit que ses pieds étaient devenus rigides ; en s'efforçant d'aller jusqu'à elle, la blanche Lampétie se sentit tout à coup retenue par une racine ; la troisième voulait s'arracher les cheveux et ses mains détachent des feuilles de sa tête ; l'une gémit de voir ses jambes immobilisées sous la forme d'un tronc, l'autre de voir ses bras changés en longs rameaux. Tandis qu'elles s'étonnent, l'écorce enveloppe leurs aines ; par degrés, elle emprisonne leur ventre, leur poitrine, leurs épaules et leurs mains ; seule restait encore libre leur bouche, appelant leur mère. Et que pourrait faire leur mère, sinon courir çà et là, où la mène l'emportement de la douleur, et, pendant qu'il en est temps, unir ses baisers à ceux de ses filles ? C'est trop peu encore : elle essaie d'arracher leurs corps aux troncs qui les enferment et elle brise avec ses mains les rameaux tendres ; mais il en sort, comme d'une plaie, des gouttes de sang : « Arrête, je t'en conjure, ma mère, s'écrie chacune de celles qu'elle a blessées ; arrête, je t'en conjure ; c'est notre corps que tu déchires dans un arbre. Et maintenant, adieu ! » L'écorce a gagné leur visage sur ces dernières paroles. De là coulent les larmes que distillent leurs jeunes rameaux, ces gouttes d'ambre, durcies au soleil, que reçoit le fleuve limpide et qu'il envoie aux jeunes femmes du Latium pour qu'elles en fassent leur parure. 

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