Le dernier Troyen de Valérie Mangin et Thierry Démarez Mythes en mouvement, réinventer la fondation de Rome dans la Bande dessinée de science-fiction

Notes 

1 Doctorant PLH-CRATA, Université Toulouse II.
2 Docteur PLH-ERASME et UMR TRACES, Université Toulouse II.
URL : < http://crphll.univ-pau.fr/live/archives/Bande-dessinee_historique_2011/Programme- colloque/Scapin_Mathieu-Soler_Matthieu>.
3 Valérie Mangin ne s’est jamais véritablement détournée de cette attraction pour l’Antiquité. Dans un entretien du 31 juillet 2011, qui sert de fondement à cet article, elle nous affirmait que « puisque travailler sur la Gaule romaine aurait été beaucoup plus compliqué dans le cadre de cette institution, j’ai fait ma thèse sur La grande Chancellerie de France sous Louis XVI car le passage des institutions de l’État absolutiste à celles de la Révolution m’intéressait. » Sauf mention contraire, toutes les remarques attribuées à Valérie Mangin et Thierry Démarez sont issues d’entretiens qu’ils ont bien voulu nous accorder par courriel le 31 Juillet 2011.
4 Nous lui devons la série Alix Senator, en cours de publication depuis 2012.
5 Entretien des auteurs avec V. Mangin et Th. Démarez par courriel
6 Il publie dans des fanzines.
7 Il est entré au service de la Comédie Française où il est nommé chef d’atelier en 2006.
8 MANGIN et DEMAREZ, Les Lotophages et Carthago.
9 Id., Carthago, p. 14.
10 VIRGILE, Én., III, v. 220-250, trad. M. Rat.
11 HOMÈRE, Od., IX, v. 94-99.
12 VEYNE (1983 : 28).
13 Sur le mythe en tant que système de représentations collectives voir, entre autres, VERNANT (2007 : 615-812).
14 Même si, lors d’un entretien, elle ajoute malicieusement : « on saura dans 2000 ans si j’ai réussi à piéger quelques archéologues. » Sur le rapport des Anciens aux programmes de vérité des mythes, voir, entre autres, VEYNE (1983 : 69-80).
15 CHANTE (2007 : 359).
16 Ibid., p. 365.
17 HAESSLE (1997 : 7, n. 3).
18 THIEBAUT (1997 : 44).

 

cheval2

 

19 Par exemple, MANGIN et DEMAREZ, Le Cheval de Troie, p. 3 et 48.
20 Cette phrase, tirée des entretiens menés avec l’auteur, trouve un écho dans MANGIN et DEMAREZ, Rome, p. 3.
21 Id., Rome, p. 4.
22 Sur le concept de mythographie en bande dessinée, voir MARION (2007 : 506).
23 SCHEID (1993 : 121).
24 En effet, seule importe la tradition qui la porte et qui la rend « vraie » par son ancienneté : Tite- live, Préface du livre I. Cicéron, De Resp., II, 2. Voir aussi DARDENAY (2010 : 11 et 15-34).
25 BESSIERES (2011), en attente de publication.
26 MANGIN et DEMAREZ, Rome, p. 4, case 4.
27 De manière générale, ce genre d’objets est plutôt étudié à l’Université, plus rarement dans le secondaire.
28 THIEBAUT (1997 : 8).
29 Nous prenons le parti de n’étudier que les emprunts à l’art grec et romain. Le but n’est pas de cataloguer des œuvres de l’art antique dans le Dernier Troyen mais d’en comprendre les utilisations. La réflexion sur l’art antique dans cette bande dessinée pourrait faire l’objet d’une étude parallèle.
30 MANGIN et DEMAREZ, Le Cheval de Troie, p. 5.
31 Florence, Musée Archéologique, n° 4209. BEAZLEY (1971 : n° 29).
32 HOMERE, Od., XXIV, 36-94 : le nom d’Ajax n’est pas cité, mais la tradition lui donne ce rôle.
33 HOMERE, Il., XIX, 402 sqq ; Homère, Iliade, XXII, 359 ; Homère, Odyssée, XXIV, 36-94.
34 Le lecteur peut notamment se référer à l’Éthiopide d’Arctinos de Milet ou aux Péans de Pindare.
35 Trad. de LEFAURE et LAIGNEAU de l’Énéide.
36 On retrouve tout au long des tomes cette utilisation sur des murs, des chaises, en tant que décoration à l’intérieur des vaisseaux spatiaux.
37 MANGIN et DEMAREZ, Le Cheval de Troie, p. 18, cases 4 et 7.
38 Ibid., case 7.
39 N° 15585. Conservée au musée archéologique de Florence. Publié dans Revue Archéologique n° 23, 1926, p. 288-290, figures 4-5.
40 MANGIN et DEMAREZ, La Reine des Amazones, p. 27.
41 Loc. cit.
42 Munich 2415, ARV 1143.2.
43 MANGIN et DEMAREZ, La Reine des Amazones, p. 27, case 4.
44 Voir BOARDMAN (1999 : 24-28). Traditionnellement, lorsque les vases grecs ont été attribués à des peintres qui ne signaient pas, on leur donnait un nom relatif à leur lieu de découverte ou à un nom d’un personnage présent sur la scène du vase par exemple.
45 Ibid., p. 25.
46 Voir à ce sujet ÉLOY (1993).
47 MANGIN et DEMAREZ, Le Cheval de Troie, p. 6 et 20.
48 Ibid., p. 30.
49 EURIPIDE, Palamède, fr. 578. Numérotation des Tragicorum Graecorum Fragmenta d’Augustus NAUCK.
50 Dans Iphigénie à Aulis d’Euripide : « Et Protésilas, assis, s’amusant sur l’échiquier à mille combinaisons avec Palamède, fils d’un enfant de Poséidon ! » (antistrophe, vers 196-198).
51 On notera que certains peintres du VIe siècle ont représenté Ajax et Achille jouant aux dés sur certains des vases qu’ils décoraient. Voir BEAZLEY (1956 : n°672.3).
52 MANGIN et DEMAREZ, Le Cheval de Troie, p. 17, en haut à droite de la première case.
53 Ibid., p. 27, case 1.
54 On appelle in antis les colonnes placées entre les murs latéraux, dépassant du mur de façade (les antes).
55 Elles présentent le même style que la sculpture ionienne du VIe s. en Grèce : elles portent le chiton, qui est mal représenté ici puisqu’il s’arrête avant la poitrine, l’himation agrafé depuis l’épaule tombant sous le sein gauche et deux mèches parotides recouvrant la poitrine.
56 D’autres œuvres empruntées à l’art grec se cachent dans les décors du Dernier Troyen. On peut citer notamment le Sphinx des Naxiens (MANGIN et DEMAREZ, Le Cheval de Troie, p. 33, case 4).

 

vase percé

 

57 MANGIN et DEMAREZ, La Reine des Amazones, p. 33, case 3.
58 Id, Au-delà du Styx, p. 29.
59 VIRGILE, Én., II, 14 sq. Cependant, d’autres œuvres font mention de cette scène comme la Bibliothèque d’Apollodore, Le Sac de Troie d’Arctinos de Milet ou encore les Fables d’Hygin.
60 VIRGILE, Én., II, v. 216-220, trad. M. RAT.
61 L’Auguste dit Prima Porta mesure plus de 2 m de haut et a été retrouvé dans la Villa Gallinas de Livie, située à Prima Porta, au nord de Rome. C’est une copie du premier siècle après J.-C. d’un original de bronze réalisé au premier siècle avant J.-C.
62 MANGIN et DEMAREZ, Rome, p. 4, case 4. Pour le texte de Virgile, traduction Rat (1965 : 57-58).
63 DARDENAY (2006 : 155) : « [...] Les poètes augustéens n’hésitent pas à évoquer la comparaison entre Auguste et Énée : la pietas du Princeps se pose alors, avant tout, en opposition à l’impietas des guerres civiles. »
64 Échanges personnels avec l’auteur. Courriel du 31 juillet 2011.
65 Dans le tome, il est fait référence au mythe ancien de la « première Gorgone » tuée par le héros Persée.
66 Dans Rome, Virgile n’hésite pas à rappeler la fin du Voyage de l’Énée « spationaute » qui répond à l’Énée troyen des Grecs.
67 MANGIN et GAJIC, Le Fléau des dieux, t. 6, page II de la Chronologie romaine galactique.
68 Ibid., t. 3, case 3.
69 Les noms des héros, les principales actions relatives aux mythes, la trame de l’histoire principale. 70 AUSONE, Ep., XXVI. Trad. Jasinsiki. La louve, la lupa, est aussi le nom des prostituées.
71 Échanges personnels avec l’auteur. Courriel du 31 juillet 2011.

 

 

vase François
Vase François © Wikimedia Commons

 

 

 

vase
Cratère du peintre d’Hirschfeld, Musée National d’Athènes. Photographie des auteurs de l’article.

 

 

 

Article publié initialement dans La Bande dessinée historique. Premier cycle : l’Antiquité, J. Gallego (éd.), Pau, PUPPA, coll. « Archaia », 2015, pp. 65-76.

À lire : "L'Énéide dans les étoiles" l'interview de Valérie Mangin 29 janvier 2020.

Valérie Mangin gagne un prix au concours général de version latine avec une traduction partielle du chant VII de l’Énéide, chant qui met en scène l’arrivée des Troyens dans le Latium, élément qui clôt le cycle du Dernier Troyen. Le retour de la scénariste, reçue au concours d’entrée à l’École nationale des chartes, sur cette partie de la mythologie gréco-romaine est donc avant tout l’image d’un itinéraire personnel3. L’Odyssée était d’ailleurs son livre de chevet d’adolescente. Cette culture classique imprègne ce cycle de bande dessinée qui fait le pari séduisant de mêler les deux histoires. Après tout, même si les textes qui content leurs exploits sont issus de périodes différentes, chacune avec ses préoccupations propres, Ulysse et Énée, ainsi que leurs opposants et adjuvants, sont censés être des contemporains. Pourquoi le Grec n’aurait-il pas croisé les errances du Troyen à travers la Méditerranée ? Grande lectrice d’Alix4, parcourant « l’Odyssée comme les ados d’aujourd’hui Le Seigneurs des anneaux5, » elle commence sa carrière avec Le Fléau des dieux, savant mélange entre Antiquité et science-fiction. Cette hybridation des deux genres est peut-être due à sa rencontre avec Denis Bajram, dessinateur et scénariste de la bande dessinée Cryozone. À la suite de ce premier cycle des Chroniques de l’Antiquité Galactique, version opéra cosmique de l’histoire d’Attila, elle crée Le Dernier Troyen, histoire d’Énée et de ses errances, et La Guerre des Dieux, reprenant la guerre de Troie, tout en développant en parallèle d’autres histoires chronologiquement éloignées, comme Les Mémoires mortes, Petit Miracle ou Luxley.

Elle s’est associée ici à Thierry Démarez, ancien élève des Beaux-Arts, fervent passionné de BD6et décorateur de théâtre7. Une rencontre avec Jean-Christophe Derrien (Poker, R.I.P Limited, Time Twins, Incantations…) lui a permis de créer le Continent Premier en 2002. Alors qu’il continue à publier dans des fanzines, il fait la connaissance de Denis Bajram. Dès lors, la rencontre avec Valérie Mangin est l’élément déclencheur de la naissance du Dernier Troyen.

La rencontre de ces deux personnes crée une œuvre dans laquelle un certain nombre de procédés joue de l’intemporalité des mythes et des realia antiques pour créer un récit à l’image des préoccupations les plus contemporaines. Cette démarche appelle trois points de réflexion que nous souhaitons développer ici. En tant que mythe, cet ouvrage est avant tout un objet littéraire, dont il faut interroger la construction et les évolutions. La mise en scène du mythe s’appuie ensuite sur un travail de reconstitution, de conservation et de réinterprétation d’objets liés au récit et aux périodes qu’il évoque. Enfin, ce cadre, transposé dans un futur lointain de l’humanité, permet aux hommes de s’inquiéter de leur capacité à prendre conscience de leurs propres problèmes.

1- Construction d’un mythe

Œuvre de fiction, ce cycle n’en est pas moins fortement ancré dans la culture classique de sa scénariste. De fait, cette dernière ne cache pas son choix de revenir, après le Fléau des dieux, à l’inspiration de textes qui ont marqué son histoire personnelle : l’Énéide, dont elle a pu faire des traductions, et l’Odyssée, qui a été son livre de chevet (figure 1). Ce choix affectif se double d’orientations artistiques, en particulier à travers la personnalité des personnages qui s’extraient du manichéisme ambiant, courant dans ce genre. Ces héros se prêtent par nature à l’exercice. Pourtant, au-delà du récit de fiction, ou peut-être, au contraire, au cœur de celui-ci, comment définir ce travail au regard du mythe et de ses catégories ? L’auteur crée-t-il un mythe nouveau en faisant une synthèse d’Homère et de Virgile ?

1
Fig. 1 : Le Dernier Troyen 1 – La Louve romaine, p. 3, cases 1-2
Le Dernier Troyen, de Valérie Mangin et Thierry Démarez,
© Éditions SOLEIL, 2004-2008

 

Valérie Mangin utilise essentiellement quatre procédés pour créer son histoire. D’une part, elle sélectionne des épisodes précis dans chacun de ces deux ouvrages fondateurs de la culture occidentale, et elle les adapte. Nous voyons ainsi Ulysse et Énée, voyageant d’abord séparément, puis de conserve, rencontrer les Lotophages ou Didon8, et de nombreuses autres aventures, notamment résumées dans une planche9 (fig. 2).

2
Fig. 2 : Le Dernier Troyen 4 – Carthago, p. 16, cases 1-6,
Le Dernier Troyen, de Valérie Mangin et Thierry Démarez,
© Éditions SOLEIL, 2004-2008.

 

Ces images mettent en valeur l’histoire d’Énée et ce qu’elle a de commun avec celle d’Ulysse, les Cyclopes par exemple, tandis que des épisodes sont propres à l’une ou à l’autre des histoires. Le Troyen rencontre les Harpyes qui « fondent du haut des montagnes ; elles battent des ailes avec un grand bruit, enlèvent nos viandes et salissent tout de leur contact immonde ; puis, parmi une abominable odeur, ce sont des cris sinistres10. » Ce moment est propre à Virgile, même si les Harpyes sont mentionnées par Homère et présentes dans d’autres mythes, notamment celui de la Toison d’or. À l’inverse, Valérie Mangin, dans un tome entier, fait se confronter Énée et les Lotophages, brièvement rencontrés par Ulysse, dont les envoyés, une fois goûté le lotos, « ne veulent plus rentrer ni donner de nouvelles : tous voudraient se fixer chez ces mangeurs de dattes, et gorgés de fruits, remettre à tout jamais la date du retour11. » Énée vit les aventures fabuleuses de l’Odyssée, infléchissant ainsi l’histoire d’Ulysse et tous deux finissent par se rencontrer.

Ensuite, à l’histoire désormais commune des deux héros, elle joint des scènes mythologiques anciennes, dépendantes de la geste d’autres personnages. Le deuxième tome mêle ainsi la légende de Méduse, vaincue par Persée, celle d’Hercule ou de Thésée rencontrant les Amazones, et les voyages du Troyen et de l’Achéen. Ces deux éléments réveillent les souvenirs des lecteurs et les immergent dans un univers connu, évoquant un passé lointain. Dans un troisième temps, elle y ajoute des éléments de pensée beaucoup plus moderne. Le tome cinq, Au-delà du Styx, est en cela significatif. La catabase d’Ulysse y est décrite, mais cette fois le héros doit aller chercher Énée, qui s’est suicidé après avoir quitté Didon, pour qu’il puisse accomplir son destin. Les Enfers y sont décrits à la grecque, mais simplifiés, puisqu’ils ne comportent que deux fleuves et trois espaces : le Styx, frontière de l’Hadès, le Léthé, eau de l’Oubli, les Champs Élysées, les Asphodèles et le Tartare. Les morts croient y être triés en fonction de leurs mérites. Pourtant, il s’agit d’une supercherie orchestrée par le dieu des lieux. Ce dernier, seule divinité – à son sens – à se préoccuper réellement des humains, loin de les damner, réalise leurs désirs. Les damnés veulent leur punition, soit qu’ils se sentent coupables, soit qu’ils revendiquent leurs actes néfastes ; dans les Asphodèles, les hommes boivent l’eau du Léthé, oublient qu’ils sont morts et revivent les meilleurs moments de leur vie passée ; dans les Champs Élysées, ils voient s’accomplir la vie dont ils ont toujours rêvé. Cette conception spiritualiste de la mort est renforcée par une phrase d’Ulysse qui ajoute, à l’ultime planche de l’œuvre, qu’Hadès ne leur a sans doute pas tout révélé et qu’une troisième voie doit exister. Cet exemple illustre bien la volonté de l’auteur d’intégrer des mythes modernes aux mythes anciens. Enfin, au-delà de la fantaisie de son récit, Valérie Mangin ajoute une dose d’actualité dans son scénario en décidant d’utiliser le mythe pour soulever des questions qui agitent notre société : notion de genre, homosexualité ou encore problèmes de la drogue. La légende devient un support de messages engagés. L’auteur, par nécessité acteur de son temps, ne fait ainsi pas autre chose que les Anciens, qui, à travers un genre littéraire populaire12, donnaient un sens à leur histoire, à leur politique, à leur culture et à leur morale13 En cela, son désir de moderniser les questionnements de fond soulevés par le mythe ne fait que révéler l’impossibilité de se satisfaire de supposés invariants humains. Ce qui était vrai pour les Grecs ne l’est plus nécessairement pour nous. Dans la démarche pourtant, la véritable différence avec les Anciens est que Valérie Mangin nie toute véracité à l’histoire qu’elle raconte14.

En prenant une référence issue du passé commun des lecteurs occidentaux, qu’elle recentre, nécessairement, sur des préoccupations on ne peut plus actuelles, Valérie Mangin produit de fait un mythe, avec ce tour d’équilibriste. D’une part, dans le sens du recours au merveilleux, d’autre part, dans le sens plus précis d’un discours qui donne une cohésion culturelle et morale à un groupe donné, tout en le définissant par rapport à un autre15. Cette cohésion est recherchée à travers un récit de voyage, thème central de la bande dessinée. Habituellement, celui-ci est employé comme une fuite en avant du personnage, contre le carcan des habitudes, de la vie quotidienne et familiale16. Ici, le mythe insiste sur la quête du foyer, de l’essence de l’humain. Il correspond ainsi à une forme d’appropriation de la réalité17 à travers le prisme d’un art séquentiel. Sa création s’intègre dans le mouvement du renouveau de la bande dessinée d’Antiquité, dans les années 1980 et 1990, mis en valeur par Michel Thiébaut, qui remarquait que « la mythologie est fondamentalement le biais par lequel s’opère ce renouvellement18. »

Au sein de ce cycle, la scénariste donne au lecteur un deuxième angle de lecture. La légende de la fondation de Rome est un récit enchâssé dans un autre. Virgile écrit pour Auguste et conte devant la cour impériale, tandis que des acteurs jouent la scène, donnant une dimension théâtrale en cohérence avec l’importance de cette activité au sein de la civilisation gréco-romaine19(fig. 3). L’objectif, à travers cette mise à distance, est de raconter, non les vraies origines de Rome, « mais les mythes qui allaient servir à la dissimuler20. » Le mythe se transforme en écran de fumée destiné à cacher la vérité, c’est la lutte interne entre Vénus Genitrix et Vénus Victrix, cette dernière l’emportant dans la destruction par Auguste de la Rome pré-impériale dans le tome six. Virgile, tour à tour narrateur intradiégétique puis extradiégétique, s’élève contre cet oubli du passé, précisant qu’il faut en tirer les leçons21. Conscient des mensonges du mythe, il les trouve préférables et tente d’en user pour influencer le nouveau régime. Ce faisant, Valérie Mangin crée une mythographie, récit d’une mystification22. Le personnage qui raconte établit une illusion de proximité avec le lecteur, car tragédie et récitatif l’éloignent de l’histoire contée. Cela renvoie d’une certaine manière à la pensée antique où le « moment essentiel de l’univers n’était ni la création de l’Olympe, ni celle du monde, mais la fondation de la cité pour les hommes et les dieux23. » Si cette mystification n’aurait sans doute pas eu grande conséquence pour les Anciens, pour qui la question de la véracité historique des origines de Rome n’a pas d’importance24, elle suscite en revanche des interrogations sur notre propre rapport à la mémoire. Valérie Mangin, par la bouche de son Virgile galactique, forme une représentation critique de la norme moderne à partir d’un autre système de pensée25.

3
Fig. 3 : Le Dernier Troyen 1 – Le Cheval de Troie, p. 48, case 8.
Le Dernier Troyen, de Valérie Mangin et Thierry Démarez,
© Éditions SOLEIL, 2004-2008.

 

Cette bande dessinée à tiroirs, riche, n’est pas à proprement parler une bande dessinée historique puisqu’elle parle d’une légende et qu’elle produit, à divers degrés, du discours mythique, issu de l’interprétation de textes fondateurs. Pourtant, ces œuvres font partie de l’Histoire. Les problèmes soulevés par cette double lecture poussent ainsi la scénariste à transposer son récit dans la science-fiction. Par là, elle souhaite affirmer que « ce que vous allez lire est une fiction, ne croyez pas que cela s’est exactement passé ainsi. »

2- Un mythe renforcé par l’image et la reconstruction d’un passé futuriste

Le travail de Thierry Démarez renforce ce discours aux multiples facettes, notamment dans l’utilisation des objets appartenant à l’art grec et romain, tel que le définissent les historiens modernes. Un fait intéressant est à prendre à compte : du premier au dernier tome, le nombre d’œuvres antiques représentées s’amenuise à mesure que l’histoire avance. En effet, alors que Le Cheval de Troie regorge de références à la céramique et à la sculpture grecques, Rome ne propose guère qu’une version futuriste de l’Auguste dit Prima Porta26. Cette diminution doit être comprise comme une volonté d’inscrire le mythe dans un récit où la science-fiction est beaucoup plus présente que dans les autres tomes, c’est le cas des deux derniers, Au-delà du Styx et Rome. Le lecteur est ainsi libéré du carcan antique et voit le récit inscrit dans un futur tout autant fantasmé. Pourtant, les rares représentations d’objets issues de l’art grec y sont cohérentes et judicieuses. C’est pourquoi il faut s’intéresser au rôle que jouent les objets et œuvres d’art dans l’histoire du Dernier Troyen.

Au tout départ, Thierry Démarez qualifie sa connaissance de l’Antiquité de « lointaine et vague », expliquant même qu’un de ses professeurs d’histoire-géographie avait fait l’impasse sur le programme. À partir de cette première réponse, il fallait comprendre d’où ont émergé les représentations plutôt précises des vases et sculptures présents dans les différents tomes27. Sans donner les noms des ouvrages d’art grec qu’il a consultés, Thierry Démarez dit avoir compulsé les titres de la Bibliothèque de la Comédie Française et des sites internet. La toile renouvelle d’ailleurs profondément le genre par l’accès qu’elle offre à un fonds inépuisable d’images, ce dont ne disposaient pas les auteurs plus anciens28. Cependant, les scenarii précis de Valérie Mangin ont, semble-t-il, été également d’une aide précieuse. Si l’Énéide a été la lecture la plus importante pour le dessinateur, il n’a pas délaissé des livres plus généraux s’appuyant sur des images, et, en effet, le rendu est plus qu’intéressant29.

Réfléchissons d’abord sur l’image de la céramique grecque en tant que marqueur culturel. Le premier tome met en valeur le travail de recherche des deux auteurs. Alors qu’Énée et son épouse Créeuse (orthographe choisie pour Créüse) sont dans les quartiers du héros troyen30(fig. 4), on remarque la présence de plusieurs sculptures non identifiables ainsi qu’un tableau accroché au mur. Le fond de la toile est rouge, alors que les personnages représentés sont dessinés en silhouette noire. L’image fait référence à une scène présente sur une anse du « Vase François31 » où Ajax porte le corps d’Achille32. Si l’intérêt d’insérer une image liée à la Guerre de Troie dans un récit qui en parle est aisément perceptible, en revanche, cette représentation n’est pas tout à fait cohérente chronologiquement, alors même qu’Énée s’interroge sur le bien-fondé de la résistance troyenne face aux Grecs. Le tableau représente une scène des derniers temps de la guerre de Troie, le moment suivant le meurtre d’Achille par Pâris33. Y voir la symbolique d’un discours prophétisant la suite de l’histoire serait très certainement une surinterprétation. Cette image entre néanmoins en résonance avec l’histoire même de la mort d’Achille dont plusieurs versions existent34, mais la plus directe est celle donnée par Virgile dans l’Énéide aux vers 59-61 : « Phébus, toi qui eus toujours pitié des lourdes épreuves de Troie et qui dirigeas la main et la flèche du Troyen Pâris contre le corps du petit-fils d’Éaque […]35. »

4
Fig. 4 : Le Dernier Troyen 1 – Le Cheval de Troie, p. 5, case 2.
Le Dernier Troyen, de Valérie Mangin et Thierry Démarez,
© Éditions SOLEIL, 2004-2008.

 

vase françois
 Vase François, Musée de Florence. © Wikimedia Commons

 

Ajoutons que le fait même d’utiliser une scène de céramique grecque à des fins esthétiques dans un décor n’est pas une première36. Le cinéma utilise le même schéma dans certains péplums. Cet usage est lui aussi purement esthétique. Ces vases représentés dans le premier tome appartiennent tous à la sphère du banquet37. Ils sont reproduits à partir d’œuvres existant réellement, comme le montre le canthare tenu par Anchise38(fig. 5) représentant une scène que l’on retrouve sur une pélikè39, une sorte de petite jarre à deux anses. Si ces images soulignent les recherches effectuées par le dessinateur, leur utilisation dans l’image est plus hasardeuse. En effet, alors que les trois convives – Énée, Créüse et Anchise – sont attablés, ils boivent dans des canthares et mangent dans des assiettes décorées. Deux détails attirent l’œil. Le premier est le service du vin. En effet, la servante sert du vin à Anchise avec un lécythe, un type de vase servant à contenir des huiles parfumées, ou destiné à des usages funéraires lorsqu’il est réalisé avec un fond blanc, ce qui semble être le cas, alors qu’est représentée derrière Anchise une oenochoé anthropomorphique, une sorte de cruche utilisée pour servir le vin. De la même manière, sur la table, un cratère est dessiné et apparaît comme le récipient depuis lequel les convives se servent à manger. Or, la définition même du cratère correspond au mélange de l’eau et du vin en Grèce. Ces approximations dans l’utilisation réelle de ces vases montrent un travail premier sur l’esthétique plutôt que sur le réalisme de la vie quotidienne antique. Peu importe l’usage, pourvu que le lecteur puisse s’immerger dans l’« Histoire », grâce aux objets que les Grecs utilisaient au quotidien et qui peuvent désormais être retrouvés dans un ouvrage d’art ou un musée.

5
Fig. 5 : Le Dernier Troyen 1 – Le Cheval de Troie, p. 18, cases 4 et 7.
Le Dernier Troyen, de Valérie Mangin et Thierry Démarez,
© Éditions SOLEIL, 2004-2008.

 

planche détail

 

Péliké
Péliké, Musée de Florence. Photographie des auteurs de l’article.

 

Un autre moment dans le récit est marqué par la présence surprenante de la céramique grecque40. L’action se situe sur la planète des Amazones où un terrible fléau s’est abattu. L’eau a disparu et une redoutable créature change les hommes et les femmes en sel. Alors qu’un groupe, composé d’Énée, de quelques-uns de ses compagnons et de certaines Amazones, part à la recherche de la Gorgone Méduse, il entre dans les ruines d’un théâtre au milieu desquelles sont déposés différents types de céramiques grecques : cratères, lécythes et amphores, dont les décors rappellent divers styles, tels que le géométrique athénien, l’apogée de la figure noire, ainsi que celui de la figure rouge à Athènes. Ces vases sont, dans l’histoire, remplis de sang, que les héros finiront par boire pour ne pas mourir de soif41. De la même manière, Thierry Démarez nous montre, par les différentes vignettes de cette planche, qu’il a vu certains vases et que l’on peut facilement les identifier, même si certains sont réadaptés. Un détail nous indique sa minutie : le vase que tient le personnage semble être un stamnos42, un autre type de vase utilisé pour mélanger l’eau et le vin, attribuable au peintre de Kléophon, réinterprété par le dessinateur, mais portant les traces de cassures depuis les lèvres jusqu’à la partie décorée43.

Bien sûr, la céramique se retrouve sur de nombreuses vignettes tout au long du récit. Néanmoins, alors que jusqu’à présent elle ne jouait aucun rôle précis, si ce n’est accompagner les personnages à table ou tenter de les réhydrater en vain, une scène d’Au-delà du Styx attire notre attention. Dans cet avant-dernier tome, Ulysse est chargé de ramener Énée depuis les Enfers, alors qu’il s’est suicidé. Andromaque, Anchise et Ulysse visitent les différentes parties du monde infernal et Andromaque rappelle à ses compagnons, ainsi qu’au lecteur, les tourments infligés à certains hommes et femmes issus de la mythologie grecque. L’une des vignettes met en scène le châtiment des Danaïdes, obligés de remplir une jarre percée (fig. 6). Thierry Démarez a représenté cette scène de manière plutôt intéressante puisque la jarre prend la forme d’une amphore ansée, identifiable à la production du Géométrique Récent attique, semblable au travail que réalisait l’atelier du peintre du Dipylon et d’Hirschfeldv. Cependant, choisir ce type de vase grec n’est pas innocent lorsqu’on comprend la symbolique d’une amphore géométrique dont la panse porte la représentation d’un défilé de chars. Il s’agit d’un vase à destination funéraire, utilisé généralement comme marqueur de tombe45. Le nombre de vases et de styles en céramique grecque est trop grand pour qu’il s’agisse du simple fruit du hasard. Il ne faut donc pas s’étonner de retrouver ce type de vase à cet endroit de la visite des Enfers. Thierry Démarez et Valérie Mangin interprètent une scène de châtiment dans laquelle l’objet des sévices n’est pas complètement hors de propos.

6

Fig. 6 : Le Dernier Troyen 5 – Au-delà du Styx, p. 31, case 1.
Le Dernier Troyen, de Valérie Mangin et Thierry Démarez,
© Éditions SOLEIL, 2004-2008.

 

La céramique grecque est décidément un élément important pour les auteurs du Dernier Troyen qui l’utilisent comme le marqueur du monde grec dans la bande dessinée, en opposition avec d’autres univers mis en avant dans le récit. Les Lotophages, par exemple, adoptent un style plus oriental, rappelant les temples khmers d’Angkor Vat, ou Carthage, un style cinématographique proche du Cabiria de Giovanni Pastrone46.

Après les vases grecs, la sculpture antique est très présente, les deux auteurs avouent d’ailleurs leur admiration pour la statuaire gréco-romaine. Même sans l’aide de Créeuse47, il ne peut échapper au lecteur que le cheval offert aux Troyens par les Grecs est une ronde-bosse, semblable au cavalier d’un jeu d’échec. L’action se situant dans l’espace, l’idée de sculpter un cheval à partir d’un astéroïde est cohérente. Cependant, elle trouve un intérêt lorsque le cheval est introduit dans Troie et qu’il fait face au palais de Priam. Ce bâtiment est un mélange un peu simple d’une tour (une ziggourat) et d’une pyramide. Alors que les Grecs mettent la ville à sac48, Créeuse et Énée se rendent au palais, mais se retrouvent nez à nez avec les Grecs. La compagne du héros déclare : « ils sont en train d’attaquer la tour de Priam. » Cette allusion à une autre pièce du jeu d’échecs ne peut passer inaperçue. Aussi, le rapport cheval de Troie / Tour de Priam fait-il vraisemblablement référence à la légende de Palamède, prince grec faisant partie des assiégeurs. Selon les mythes et les textes, il passe pour être l’inventeur de l’alphabet49, mais aussi des jeux de dés et d’échec50 pendant le siège de Troie, afin de distraire les Grecs51. C’est cette fois dans le graphisme qu’un clin d’œil est fait à un autre mythe grec.

Le cheval de Troie est la première sculpture que le lecteur rencontre, mais les auteurs ne se sont pas arrêtés en si bon chemin et lui ont réservé des représentations qui vont d’une importance esthétique à l’anecdote savante. L’une de ces apparitions discrètes est visible plus loin52. Dans un recoin de la Troie troglodytique, Thierry Démarez a représenté un personnage masculin nu, s’apparentant à un atlante, principe architectonique jouant le rôle de la colonne dans les temples ou les élévations extérieures des bâtiments. Cela dit, il semble que l’atlante ne supporte rien à l’endroit où il se situe. Il est sculpté dans une cavité faisant partie de la paroi, donc sans réel intérêt architectural. Cet élément est repris en écho un peu plus loin dans le tome par la présence de plusieurs caryatides53. Étrangement, elles ne s’apparentent pas à celles de l’Érechthéion de l’Acropole d’Athènes, mais à des caryatides en colonnes in antis54 du Trésor dédié par les habitants de Siphnos au dieu Apollon à Delphes55. De manière tout aussi étrange, certaines ont les bras cassés ou manquants. Ce type de sculptures fait aussi référence aux korai retrouvées dans la « Fosse des Perses » à Athènes où de nombreuses sculptures féminines ont été enterrées peu avant 480 av. J.-C., au moment de l’invasion des Perses. Elles constituaient un ensemble d’ex-voto offerts aux dieux et leur bras gauche était tendu, tenant une offrande, alors que le bras droit était placé le long du corps, la main agrippant un pan de tissu pour former tout un réseau de plis et réaliser une savante composition esthétique. Il est clair qu’ici Thierry Démarez a reproduit les caryatides telles qu’il les a vues sans s’occuper de l’interprétation que l’on pourrait en faire. L’objectif de les dessiner à cet endroit relève d’une envie de varier les décors d’une Troie caverneuse, où le poids de la roche, et de la planète, repose sur la statuaire monumentale, et d’intégrer des images d’Épinal que les lecteurs ont connues et peuvent reconnaître56. Il réutilise d’ailleurs ce type de caryatide comme simple élément de décor dans le deuxième tome57.

Deux sculptures très connues, mais cachées par le dessinateur, méritent aussi une mention. Tout d’abord, alors qu’un des juges des Enfers fait visiter le Quadrant des hommes morts58, Anchise, Andromaque et Ulysse passent tout près de l’endroit où Laocoon, prêtre de Troie, subit son châtiment. Alors que la planche du story-board initial nous montre un personnage enchevêtré et étranglé par les deux serpents, la version finale propose un Laocoon se débattant et dont les bras tentent vainement de repousser les reptiles (fig. 7). Cette représentation rappelle bien évidemment celle du groupe conservé aux Musées du Vatican, datant du iie ou ier siècle avant notre ère et sculpté par trois artistes rhodiens (Agésandre, Polydore, et Athénodore), dont aurait pu s’inspirer Virgile lorsqu’il détaille cette scène59. Le poète décrit les serpents s’enroulant autour des fils du prêtre :

« ... puis, comme Laocoon volait à leur secours, les armes à la main, ils le saisissent lui-même et l’étreignent de leurs replis énormes ; deux fois déjà ils ont enlacé son corps par le milieu et deux fois, autour de son cou, enroulé leur croupe écailleuse, le dépassant de leur tête et de leur haute encolure. Lui s’efforce d’écarter leurs nœuds avec ses mains. »60

7
Fig. 7 : Le Dernier Troyen 5 – Au-delà du Styx, p. 31, case 5.
Le Dernier Troyen, de Valérie Mangin et Thierry Démarez,
© Éditions SOLEIL, 2004-2008.
Laocoon
Laocoon, Musées du Vatican. Photographie A. Collognat.

 

Ensuite, dans le dernier tome, le dessinateur a représenté une statue de l’empereur galactique Auguste. Elle s’apparente notamment à la statue d’Auguste dit Prima Porta, dont une copie est actuellement présentée au Musée du Vatican61. Dans le Dernier Troyen, Virgile rappelle son attachement à Auguste lorsqu’ils s’entretiennent tous deux. Le poète latin remémore à l’empereur, mais aussi au lecteur, l’accomplissement d’Auguste : « Tu es le grand vainqueur de la guerre civile : ta réussite a montré que tu avais raison. Alors tu te sens choisi par les dieux pour refonder le gouvernement de la galaxie et pour refonder même sa civilisation62. » Le vrai Auguste dit Prima Porta, datant du dernier tiers du Ier s. av. J.-C., se réfère à un moment important dans la carrière militaire d’Octave, mais marque surtout l’instant où la République s’efface au profit de l’ère d’Auguste et de l’Empire63. Le sixième tome du Dernier Troyen marque la fin de l’histoire d’Énée et d’Ulysse arrivant sur la Planète Rome, s’installant dans la région où le Troyen fonda Rome à la suite de plusieurs péripéties. L’échange entre Virgile et Auguste porte sur le fait que l’empereur souhaite faire table rase du passé, en détruisant et reconstruisant un quartier datant d’avant l’Empire. La statue cuirassée futuriste d’Auguste rappelle ces divers éléments historiques ou fictifs au lecteur sans qu’elle ne les surprenne puisque la « vraie » Prima Porta est souvent représentée dans les manuels scolaires.

Les emprunts et références qu’utilisent Valérie Mangin et Thierry Démarez se multiplient pour que le lecteur puisse imaginer le mieux possible leurs héros dans un univers qui n’est pourtant pas antique à première vue. En ce sens, les auteurs ne souhaitent pas représenter une réalité, mais un environnement. Pour le rendre plus « vrai, » Thierry Démarez a reproduit, réinterprété et réinséré dans les images, des œuvres de différentes époques de l’Antiquité. Il traduit ainsi une vérité archéologique dans un moment purement fictif. Valérie Mangin et Thierry Démarez, dans les planches du Dernier Troyen, s’amusent à réinventer le mythe en lui donnant un corps palpable par le lecteur : ce dernier s’aventure avec Énée dans le périple spatial grâce aux informations artistiques qu’il connaît ou a déjà vues. Ainsi, au fur et à mesure de la lecture, il s’interroge sur telle ou telle sculpture lui permettant une interaction active avec l’histoire. Si l’existence simultanée des vases de l’époque géométrique et classique n’a probablement jamais eu lieu, peu importe, tant qu’est maintenue une certaine vraisemblance, vue à travers le filtre du mythe.

3- Bande dessinée, science-fiction et mythologie antique

Quand Valérie Mangin répond à la question du choix de la transposition de son travail sur l’Énéide et l’Odyssée dans un temps futur et éloigné, elle le justifie par la volonté de lutter contre l’effacement de la distanciation fictionnelle. En d’autres termes, elle se refuse à faire croire à son public en la véracité historique des faits présentés. Cela rejoint sa réflexion personnelle sur le genre de la bande dessinée historique, qui, quoique plaisant, relève d’une forme de duperie, car « aucun album ne peut rendre compte exactement d’une période aussi lointaine et aux mentalités aussi différentes des nôtres64. »

Cependant, transposer des mythes antiques dans un univers aussi complexe et vaste que la science-fiction ne rend pas plus aisée la lecture de préoccupations qui semblent contemporaines au lecteur. De fait, le périple des Troyens et d’Ulysse dans le Dernier Troyen n’est pas plus recevable dans un univers futuriste. Alors que cette transposition semble pour le moins singulière, elle crée une sorte de cycle qui se répète depuis les Temps Anciens jusqu’à ceux du récit de Valérie Mangin : c’est notamment vrai dans les deuxième65 et sixième tomes66. Ce cycle permet dès lors de récupérer les notions relatives à l’art et à l’histoire sans réels problèmes spatio-temporels puisque ce qui a existé peut être répété. Les mythes anciens se répètent ou se créent dans le Dernier Troyen. La figure de Laocoon en est l’exemple parfait. Dans Le Cheval de Troie, le prêtre est avalé par l’un des serpents, alors qu’aux Enfers dans Au-delà du Styx, Laocoon est représenté comme l’œuvre sculptée conservée aux musées du Vatican, image idéalisée du récit d’Homère au Ier siècle av. J.-C. Ainsi le mythe est créé une fois l’action déroulée, peu importent les temps historiques ou mythiques : le prêtre vu dans le cinquième tome du Dernier Troyen peut aussi bien être le Laocoon du premier tome du Dernier Troyen que celui de l’Iliade d’Homère, de l’Énéide de Virgile ou du groupe sculpté du Vatican.

À la fin du Fléau des dieux, nous apprenons que l’Orbis Galactique s’est développé sur Terre, rebaptisé Rome, en 3268 de notre ère67. Le pouvoir fait croire que l’Empire existe depuis toujours, niant toute histoire. De plus, comme une sorte de succès a posteriori d’Auguste, il est figé, sans progrès, dans un éternel apogée, renforcé par une « fascination morbide de ses fondateurs pour un passé mort »68. Alors que l’Empire est relativement récent, tous croient à l’intemporalité de leur cadre de vie qui a pourtant été créé de toutes pièces, à l’imitation d’une Rome fondée près de quatre mille ans plus tôt.

Ce caractère cyclique du récit de Valérie Mangin et Thierry Démarez trouve un intérêt narratif grâce à l’utilisation du modèle de la science-fiction. Cependant, il semble qu’il ne s’agit pas là de l’unique utilité de la transposition dans ce genre. Par définition et de manière générale, la science-fiction est un univers permettant la réalisation de tous les possibles, un vivier intarissable d’histoires, où peu importe la véracité du propos. Un univers potentiellement bien différent de l’Antiquité, car si l’histoire ancienne peut être réécrite, elle s’est irrémédiablement déroulée. Les historiens ne peuvent prétendre à la restituer totalement, ils la réécrivent au plus près de leurs connaissances en s’appliquant des bornes qu’ils ne doivent pas dépasser sous peine de réinventer les faits. Par nature, l’écrivain de science-fiction n’a aucun carcan, aucune borne. Il décide de la nature du récit et joue avec les actions, les faits et les dates selon sa volonté. Valérie Mangin et Thierry Démarez peuvent être définis comme des mythographes d’une « Antique fiction », tout à la fois peplum et opéra galactique. Ils réutilisent l’Énéide de Virgile et l’Odyssée d’Homère, à travers le prisme d’une méthodologie singulière. Ensuite, ils prennent le parti de ne pas changer en profondeur les thèmes pour respecter les œuvres initiales. Pourtant, ils lui redonnent une actualité. Introduire dans des récits anciens des réflexions contemporaines se fait par l’usage de la science-fiction. Ainsi, les éléments incontournables69des deux récits sont conservés et les ajouts sont justifiés par l’univers futuriste. Les mythes anciens reprennent forme dans un ensemble de récits se déroulant dans le futur et le lecteur est ancré dans le présent grâce aux images d’Épinal construites autour de l’art gréco-romain et de toutes les interprétations qui en ont été faites, au cinéma notamment : Valérie Mangin et Thierry Démarez ont créé un récit qu’Homère et Virgile n’auraient pu espérer plus intemporel, ni plus proche des préoccupations humaines du temps de l’écriture. Il fait de nous un simple intermédiaire entre deux empires, l’un passé, l’autre à venir, en nous remémorant cette part importante de nos origines.

 

***

Le poète latin Ausone, au ive s. après J.-C., décrivait ainsi l’attitude de ses contemporains :

« Orgueilleux de sa richesse, gonflé de son luxe, noble en parole seulement, [le riche Romain] dédaigne les noms illustres de notre siècle et cherche à acquérir une origine antique : c’est Mars, Rémus, Romulus, le fondateur de Rome qu’il appelle ses ancêtres particuliers. Il les fait revêtir de soie, sculpter dans l’argent massif, mouler dans la cire sur le seuil de ses portes et sur les rayons de son atrium. C’est que, je pense, il n’est pas sûr de son père et que vraiment sa mère est une louve. »70

Ce culte du passé a bien été saisi par la plume et les crayons des deux auteurs du Dernier Troyen. Ces deux derniers vont pourtant plus loin que le point de vue d’Ausone. Dans la mesure où ils en font un mythe moderne, traitant de thématiques actuelles, ils reconnaissent à ces récits qu’ils « sont vrais dans le sens où ils nous parlent de nous-mêmes71. » En fin de compte, malgré tous les processus de distanciation mis en œuvre, ce cycle fait bien « antique » et le lecteur non averti pourrait très bien se prendre à croire à l’actualité d’un récit qui n’est pourtant plus de notre temps. De son côté, le cycle Imperator des Chroniques de l’empire galactique traite des origines « réelles », ou « historiques », et non mythiques de celui-ci. Une façon de réfléchir sur la relation entre mythe et vérités en créant un nouvel échelon à la légende.

BIBLIOGRAPHIE

Auteurs antiques

Ausone, Œuvres complètes, éd. et trad. par Ch. Pomier et Y. Germain, Clermont-Ferrand, Paleo, 2006.

Euripide, Iphigénie à Aulis, trad. F. Jouan, Œuvres, tome VII-1, Paris, Les Belles Lettres, 1983.

Homère, Odyssée, trad. V. Bérard, éd. E. Cantarella et S. Milanesi, Paris, Les Belles Lettres, 2001.

Virgile, Énéide, tome I, trad. M. Rat, Paris, Garnier-Flammarion, 1965.

Virgile, Énéide, trad. M. Lefaure et S. Laigneau, Paris, Librairie générale française, 2004.

 

Auteurs modernes

Beazley John, Attic Black-Figure Vase-Painters, Oxford, Clarendon Press, 1956.

Beazley John, Paralipomena : Addition to Attic black-figure vase-painters and to Attic red-figure vase-painters, Second edition, Oxford, Clarendon Press, 1971.

Bessières Vivien, Antiquité et Postmodernité – Les intertextes gréco-latins dans les arts narratifs depuis les années 60 (fiction, théâtre, cinéma, série, bande dessinée), thèse de Lettres, Université de Toulouse II-Le Mirail, 2011.

Boardman John, Les Vases athéniens à figures noires, Paris, Thames and Hudson, 1996.

Boardman John, Aux origines de la peinture sur vase en Grèce, Paris, Thames and Hudson, 1999.

Chante Alain, « Les mythes du voyage dans la bande dessinée », dans Alary Vivianne et Corrado Danielle (éds.), Mythe et bande dessinée, Clermont-Ferrand, PUBP, 2007, p. 359-372.

Dardenay Alexandra, « Le rôle de l’image des primordia Vrbis dans l’expression du culte impérial », dans Culto Imperial : Politica y poder, Séville, L’Erma di Bretschneider, 2006, p. 153-168.

Dardenay Alexandra, Les Mythes fondateurs de Rome : images et politique dans l’Occident romain, Paris, Picard, 2010.

De Waele Ferdinand Joseph Maria, « La représentation de la vente de l’huile à Athènes », dans Revue Archéologique, 23, 1926, p. 282-295.

Éloy Michel, « Moloch-le-Brûlant, un poncif de la barbarie orientale », Les Cahiers des Para-littératures n° 5, 1993, p. 75-183.

Haessle Jacques, Contribution à la pédagogie par l’image. Étude descriptive et normative du genre historique dans la bande dessinée française et belge, thèse de troisième cycle, Lettres, Université de Strasbourg II, 1979.

Marion Philippe, « Mythologie et médiagénie : variation sur le mythe du passage en bande dessinée », dans Alary Viviane et Corrado Danielle (éds.), Mythe et bande dessinée, Clermont-Ferrand, PUBP, 2007, p. 497-509.

Scheid John, « Culte, mythes et politique au début de l’Empire », dans Graf Fritz (éd.), Mythos et mythenloser Gesellschaft : das Paradigma Roms, Stuttgart, De Gruyter, 1993, p. 109-127.

Thiébaut Michel, L’Antiquité vue dans la bande dessinée d’expression française (1945-1995). Contribution à une pédagogie de l’Histoire ancienne, thèse pour le Doctorat d’État en Histoire et Cultures de l’Antiquité (dir. M. Clavel-Levêque), Besançon, Université de Franche-Comté, 1997.

Vernant Jean-Pierre, Mythe et société en Grèce ancienne, Œuvres, tome 1, Paris, Éditions du Seuil, 2007.

Veyne Paul, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Paris, Éditions du Seuil, 1983.

CORPUS DE BD

La Louve romaine – cahier complémentaire dans la première édition du Cheval de Troie (Soleil, 2004).

Scénario : Valérie Mangin. Dessin : Thierry Démarez et Aleksa Gajic.

Le Dernier Troyen 1 – Le Cheval de Troie (Soleil, 2004).

Scénario : Valérie Mangin. Dessin : Thierry Démarez. Assistant SF : Denis Bajram.

Le Dernier Troyen 2 – La Reine des Amazones (Soleil, 2004).

Scénario : Valérie Mangin. Dessin et couleur : Thierry Démarez.

Le Dernier Troyen 3 – Les Lotophages (Soleil, 2005).

Scénario : Valérie Mangin. Dessin et couleur : Thierry Démarez.

Le Dernier Troyen 4 – Carthago (Quadrant Solaire, 2006).

Scénario : Valérie Mangin. Dessin : Thierry Démarez. Assistant SF : Denis Bajram.

Le Dernier Troyen 5 – Au-delà du Styx (Quadrant Solaire, 2007).

Scénario : Valérie Mangin. Dessin : Thierry Démarez.

Le Dernier Troyen 6 – Rome (Quadrant Solaire, 2008).

Scénario : Valérie Mangin. Dessin : Thierry Démarez.

Le Fléau des dieux 3 – Urbi et Orbi (Soleil, 2002).

Scénario : Valérie Mangin. Dessin : Aleksa Gajic.

 

cheval

 

Notes 

1 Doctorant PLH-CRATA, Université Toulouse II.
2 Docteur PLH-ERASME et UMR TRACES, Université Toulouse II.
URL : < http://crphll.univ-pau.fr/live/archives/Bande-dessinee_historique_2011/Programme- colloque/Scapin_Mathieu-Soler_Matthieu>.
3 Valérie Mangin ne s’est jamais véritablement détournée de cette attraction pour l’Antiquité. Dans un entretien du 31 juillet 2011, qui sert de fondement à cet article, elle nous affirmait que « puisque travailler sur la Gaule romaine aurait été beaucoup plus compliqué dans le cadre de cette institution, j’ai fait ma thèse sur La grande Chancellerie de France sous Louis XVI car le passage des institutions de l’État absolutiste à celles de la Révolution m’intéressait. » Sauf mention contraire, toutes les remarques attribuées à Valérie Mangin et Thierry Démarez sont issues d’entretiens qu’ils ont bien voulu nous accorder par courriel le 31 Juillet 2011.
4 Nous lui devons la série Alix Senator, en cours de publication depuis 2012.
5 Entretien des auteurs avec V. Mangin et Th. Démarez par courriel
6 Il publie dans des fanzines.
7 Il est entré au service de la Comédie Française où il est nommé chef d’atelier en 2006.
8 MANGIN et DEMAREZ, Les Lotophages et Carthago.
9 Id., Carthago, p. 14.
10 VIRGILE, Én., III, v. 220-250, trad. M. Rat.
11 HOMÈRE, Od., IX, v. 94-99.
12 VEYNE (1983 : 28).
13 Sur le mythe en tant que système de représentations collectives voir, entre autres, VERNANT (2007 : 615-812).
14 Même si, lors d’un entretien, elle ajoute malicieusement : « on saura dans 2000 ans si j’ai réussi à piéger quelques archéologues. » Sur le rapport des Anciens aux programmes de vérité des mythes, voir, entre autres, VEYNE (1983 : 69-80).
15 CHANTE (2007 : 359).
16 Ibid., p. 365.
17 HAESSLE (1997 : 7, n. 3).
18 THIEBAUT (1997 : 44).

 

cheval2

 

19 Par exemple, MANGIN et DEMAREZ, Le Cheval de Troie, p. 3 et 48.
20 Cette phrase, tirée des entretiens menés avec l’auteur, trouve un écho dans MANGIN et DEMAREZ, Rome, p. 3.
21 Id., Rome, p. 4.
22 Sur le concept de mythographie en bande dessinée, voir MARION (2007 : 506).
23 SCHEID (1993 : 121).
24 En effet, seule importe la tradition qui la porte et qui la rend « vraie » par son ancienneté : Tite- live, Préface du livre I. Cicéron, De Resp., II, 2. Voir aussi DARDENAY (2010 : 11 et 15-34).
25 BESSIERES (2011), en attente de publication.
26 MANGIN et DEMAREZ, Rome, p. 4, case 4.
27 De manière générale, ce genre d’objets est plutôt étudié à l’Université, plus rarement dans le secondaire.
28 THIEBAUT (1997 : 8).
29 Nous prenons le parti de n’étudier que les emprunts à l’art grec et romain. Le but n’est pas de cataloguer des œuvres de l’art antique dans le Dernier Troyen mais d’en comprendre les utilisations. La réflexion sur l’art antique dans cette bande dessinée pourrait faire l’objet d’une étude parallèle.
30 MANGIN et DEMAREZ, Le Cheval de Troie, p. 5.
31 Florence, Musée Archéologique, n° 4209. BEAZLEY (1971 : n° 29).
32 HOMERE, Od., XXIV, 36-94 : le nom d’Ajax n’est pas cité, mais la tradition lui donne ce rôle.
33 HOMERE, Il., XIX, 402 sqq ; Homère, Iliade, XXII, 359 ; Homère, Odyssée, XXIV, 36-94.
34 Le lecteur peut notamment se référer à l’Éthiopide d’Arctinos de Milet ou aux Péans de Pindare.
35 Trad. de LEFAURE et LAIGNEAU de l’Énéide.
36 On retrouve tout au long des tomes cette utilisation sur des murs, des chaises, en tant que décoration à l’intérieur des vaisseaux spatiaux.
37 MANGIN et DEMAREZ, Le Cheval de Troie, p. 18, cases 4 et 7.
38 Ibid., case 7.
39 N° 15585. Conservée au musée archéologique de Florence. Publié dans Revue Archéologique n° 23, 1926, p. 288-290, figures 4-5.
40 MANGIN et DEMAREZ, La Reine des Amazones, p. 27.
41 Loc. cit.
42 Munich 2415, ARV 1143.2.
43 MANGIN et DEMAREZ, La Reine des Amazones, p. 27, case 4.
44 Voir BOARDMAN (1999 : 24-28). Traditionnellement, lorsque les vases grecs ont été attribués à des peintres qui ne signaient pas, on leur donnait un nom relatif à leur lieu de découverte ou à un nom d’un personnage présent sur la scène du vase par exemple.
45 Ibid., p. 25.
46 Voir à ce sujet ÉLOY (1993).
47 MANGIN et DEMAREZ, Le Cheval de Troie, p. 6 et 20.
48 Ibid., p. 30.
49 EURIPIDE, Palamède, fr. 578. Numérotation des Tragicorum Graecorum Fragmenta d’Augustus NAUCK.
50 Dans Iphigénie à Aulis d’Euripide : « Et Protésilas, assis, s’amusant sur l’échiquier à mille combinaisons avec Palamède, fils d’un enfant de Poséidon ! » (antistrophe, vers 196-198).
51 On notera que certains peintres du VIe siècle ont représenté Ajax et Achille jouant aux dés sur certains des vases qu’ils décoraient. Voir BEAZLEY (1956 : n°672.3).
52 MANGIN et DEMAREZ, Le Cheval de Troie, p. 17, en haut à droite de la première case.
53 Ibid., p. 27, case 1.
54 On appelle in antis les colonnes placées entre les murs latéraux, dépassant du mur de façade (les antes).
55 Elles présentent le même style que la sculpture ionienne du VIe s. en Grèce : elles portent le chiton, qui est mal représenté ici puisqu’il s’arrête avant la poitrine, l’himation agrafé depuis l’épaule tombant sous le sein gauche et deux mèches parotides recouvrant la poitrine.
56 D’autres œuvres empruntées à l’art grec se cachent dans les décors du Dernier Troyen. On peut citer notamment le Sphinx des Naxiens (MANGIN et DEMAREZ, Le Cheval de Troie, p. 33, case 4).

 

vase percé

 

57 MANGIN et DEMAREZ, La Reine des Amazones, p. 33, case 3.
58 Id, Au-delà du Styx, p. 29.
59 VIRGILE, Én., II, 14 sq. Cependant, d’autres œuvres font mention de cette scène comme la Bibliothèque d’Apollodore, Le Sac de Troie d’Arctinos de Milet ou encore les Fables d’Hygin.
60 VIRGILE, Én., II, v. 216-220, trad. M. RAT.
61 L’Auguste dit Prima Porta mesure plus de 2 m de haut et a été retrouvé dans la Villa Gallinas de Livie, située à Prima Porta, au nord de Rome. C’est une copie du premier siècle après J.-C. d’un original de bronze réalisé au premier siècle avant J.-C.
62 MANGIN et DEMAREZ, Rome, p. 4, case 4. Pour le texte de Virgile, traduction Rat (1965 : 57-58).
63 DARDENAY (2006 : 155) : « [...] Les poètes augustéens n’hésitent pas à évoquer la comparaison entre Auguste et Énée : la pietas du Princeps se pose alors, avant tout, en opposition à l’impietas des guerres civiles. »
64 Échanges personnels avec l’auteur. Courriel du 31 juillet 2011.
65 Dans le tome, il est fait référence au mythe ancien de la « première Gorgone » tuée par le héros Persée.
66 Dans Rome, Virgile n’hésite pas à rappeler la fin du Voyage de l’Énée « spationaute » qui répond à l’Énée troyen des Grecs.
67 MANGIN et GAJIC, Le Fléau des dieux, t. 6, page II de la Chronologie romaine galactique.
68 Ibid., t. 3, case 3.
69 Les noms des héros, les principales actions relatives aux mythes, la trame de l’histoire principale. 70 AUSONE, Ep., XXVI. Trad. Jasinsiki. La louve, la lupa, est aussi le nom des prostituées.
71 Échanges personnels avec l’auteur. Courriel du 31 juillet 2011.

 

 

vase François
Vase François © Wikimedia Commons

 

 

 

vase
Cratère du peintre d’Hirschfeld, Musée National d’Athènes. Photographie des auteurs de l’article.

 

 

 

Besoin d'aide ?
sur