LE NEOPLATONISME
Héritiers de Platon qui fait des Muses les médiatrices entre le dieu et le poète ou tout créateur intellectuel, les néo-platoniciens contribuent à perpétuer cette représentation des Muses comme celles qui hissent l'homme au monde de l'esprit, de la beauté et de l'immortalité.
Elles apparaissent souvent dans l'art funéraire précisément dans ce rôle de passeuses.
LE PYTHAGORISME
Le culte des Muses connaît un essor en Grande-Grèce dans les milieux pythagoriciens. Pour eux, les Muses sont moins liées à la création poétique qu'à un travail de mémoire (l'anamnèse) qui permet à l'individu d'échapper à la fuite du temps : les Muses permettent à l'individu de remonter le cycle de ses existences antérieures et d'échapper ainsi à la précarité humaine pour accéder à une forme d'existence divine.
Par ailleurs, les Muses permettent d'accéder à un savoir sur le monde : la musique dont le nom vient des Muses est une porte vers la connaissance de la structure de l'univers : elle ouvre sur l'arithmétique et l'astronomie, elle permet à l'individu de percevoir l'harmonie des sphères.
Du Timée de Platon aux Fleurs Bleues de Queneau, on mesure la postérité de cette philosophie.
Homère
Homère use d'une désignation générique (Odyssée, Chant I, 1, "Muse", Iliade, Chant II, 91, "les Muses"). Il ne parle d'elles en disant " les neuf Muses" que dans un passage du chant XXIV de l'Odyssée, au vers 60.
Le grammairien Aristarque de Samothrace, directeur de la bibliothèque d'Alexandrie, l'avait souligné. L'édition Budé met ce passage entre crochets, n'excluant pas une interpolation tardive.
Hésiode
Pour Hésiode, les Muses (Mousai en grec) sont les neuf filles issues des neuf nuits que Mnémosyne la titanide a passées avec Zeus. [Hésiode, Théogonie, 53-57 et 915-917].
Elles sont nées en Piérie (région de Macédoine) mais, tout en fréquentant l'Olympe où demeure leur père, [ibid. v. 76], elles séjournent habituellement sur le mont Hélicon en Béotie. Elles sont les compagnes d'Apollon et des Grâces avec lesquelles elles forment des chœurs. Couronnées de violettes, elles possèdent des voix sans pareilles et leurs chants sont si beaux qu'un jour le mont Hélicon s'enfla de plaisir au point d'atteindre le ciel. Le cheval Pégase, d'un coup de sabot, fit jaillir la source Hippocrène et lui fit reprendre sa forme.
Ces chanteuses, divines porteuses de joie, font aussi don aux hommes de l'inspiration poétique et de la connaissance. C'est Hésiode qui nous fait connaître leurs noms pour la première fois (Théogonie, v. 77-79). On ne sait pas si ces noms proviennent d'une tradition ancienne ou si le poète les a inventés.
Platon
Dans son dialogue intitulé Ion, Platon décrit la chaîne qui va du dieu au spectateur ou à l'auditeur en passant par la Muse, le poète, le rhapsode ou l'acteur.. "Chacun n'est capable de composer avec succès que dans le genre où il est poussé par la Muse." (Ion, 534c)
Les poètes sont les "interprètes des dieux" (534e) ; le poème est la trace d'un butinage au vallon des Muses (534b) comme l'abeille au hasard ramasse de quoi faire son miel. Il est le résultat d'une "trouvaille des Muses", "heurêma ti Moisân".
Cette sortie de soi que Platon appelle possession - le poète est possédé, transi par le dieu -, ne sera minimisée que par le classicisme de Boileau, le mouvement de l'Art pour l'Art ou l'éloge de l'effort par Paul Valéry.
La Pléiade, le romantisme, le surréalisme comme la poésie contemporaine de la "fulguration" (Char, Deguy) reprennent cette idée que sans altérité il ne peut y avoir d'authentique création.