Dessin © A. Collognat
- Gaia, la Terre, surgie la première du Chaos initial, est représentée comme un disque plat.
- Ouranos, le Ciel étoilé, a été créé par Gaia pour la recouvrir.
- Pontos, le Flot de la mer, a également été créé par Gaia. La Méditerranée reste la mer par excellence (θάλασσα, thalassa), celle dont tous les rivages sont explorés par les navigateurs et les colons.
- Océan, l’aîné des Titans, est un gigantesque fleuve dont le cours encercle la terre.
- Hélios, le Soleil, parcourt la voûte céleste d’un bord à l’autre d’Océan.
- Le mont Olympe est le séjour de Zeus et de sa famille.
- Les colonnes d’Héraclès marquent la limite du monde connu et habité (oikouménè), là où Hélios se couche et où la Méditerranée s’ouvre sur l’Océan.
- Les Enfers constituent le royaume souterrain d’Hadès, chez qui se rendent tous les morts.
- Le Tartare est le gouffre au fin fond des Enfers où sont enfermés les Titans, Typhon et les plus grands criminels.
« Homère commence par nous représenter la terre telle qu'elle est, en effet, enveloppée de tous côtés et baignée par l’Océan ; […] il se contente de désigner indirectement les pays de l’Orient et de l’Occident par cette circonstance que l’Océan les baigne. Car c'est du sein de l'Océan, suivant lui, que le soleil se lève et au sein de l'Océan qu’il se couche, et les autres astres pareillement. »
Strabon (env. 58 avant J.-C. - 25 après J.-C.), Géographie, Livre I, Chapitre 1, 3
Marge mythique, symbolique et géographique, la limite occidentale de la Méditerranée, que l’on pourrait appeler « la frontière du Soir », occupe une place fondamentale, entre terreur et fascination, dans l’imaginaire de tous les peuples antiques. Alors qu’à l’Orient s’étend la terre ferme, à l’Occident les flots du « vaste Océan » forment une barrière mouvante, redoutable et quasi infranchissable. Rien à voir avec cette mer « au milieu des terres » (mediterranea), si chère au cœur des peuples qui vivent sur ses rives : les Phéniciens l’appellent « la Grande Mer », les Grecs ἡ παρ'ἡμῖν θάλασσα (è par’ èmin thalassa), « la mer de chez nous », et les Romains nostrum mare, « notre mer ».
Mais la Méditerranée n’est qu’une mare, comme l’explique Socrate avec humour :
« Je suis persuadé que la terre est immense et que nous, qui l’habitons du Phase jusqu’aux colonnes d’Héraclès (μέχρι Ἡρακλείων στηλῶν ἀπὸ Φάσιδος), nous n’en occupons qu’une petite partie, répandus autour de la mer, comme des fourmis ou des grenouilles autour d’un étang (ὥσπερ περὶ τέλμα μύρμηκας ἢ βατράχους), et que beaucoup d’autres peuples habitent ailleurs en beaucoup d’endroits semblables. »
Platon, 428 - 348 av. J.-C., Phédon, LVIII, 109 a-b
Cependant, hors de la mare, c’est un véritable saut dans l’inconnu pour tous ceux qui s’aventurent au-delà des fameuses « colonnes d’Hercule ». À la jonction des extrêmes (connu et inconnu, jour et nuit, vie et mort), la frontière du Soir renvoie une double image : celle qui est marquée par les trois grandes peurs de l’homme, le vide, le noir, la mort, mais aussi celle qui marque un espace proprement fabuleux, un « autre monde » où se cachent des trésors merveilleux.
Entre âge d’or et utopie, nombreux sont les récits mythologiques qui évoquent cet horizon mystérieux où le soleil s’abîme dans la mer, au sens concret du mot « Occident » (occidens, « qui tombe » en latin) : on y place aussi bien le fabuleux jardin des pommes d’or des Hespérides, les trois nymphes du Soir (Hespera en grec), que les îles Fortunées (souvent identifiées aux Canaries) et celle des Bienheureux, qui goûtent un repos éternel après leur mort, ou encore l’île de Calypso et la mythique Atlantide, imaginée par Platon. Enveloppées de nuit, d’eau et de mystère, ces terres cachent une végétation luxuriante, des fruits et des trésors fabuleux. Aux plus hardis le plaisir de les découvrir !