- Barca, « l’Éclair » : tel père, tel fils
Barca (Brq ou Baraq) est un surnom qui signifie « éclair, foudre » dans la langue punique (on le retrouve en hébreu et en arabe). Il peut s’entendre comme une allusion à l’autorité divine suprême, telle celle de Zeus / Jupiter armé du foudre.
Quant au nom d’Hannibal (en punique Hanni-baal), il signifie « qui a la faveur du dieu Baal » (la divinité la plus importante du panthéon carthaginois). - Ennemi juré : le serment d'Hannibal
Hannibal a été élevé dans la haine de Rome, comme le rapporte l’historien romain Tite-Live :
« On raconte qu’Hannibal, à peine âgé de neuf ans, couvrit son père Hamilcar de baisers et de caresses, comme le font les enfants, pour le convaincre de l’emmener en Espagne. La guerre en Afrique achevée, Hamilcar s’apprêtait en effet à passer dans ce pays avec son armée et il était en train de faire un sacrifice aux dieux. Il fait avancer son fils jusqu’à l’autel et il lui ordonne de jurer, la main sur la victime offerte, qu’il serait, dès qu’il le pourrait, l’ennemi du peuple romain. » (Histoire romaine, Livre XXI, 1, trad. A. C.) - Carthage : une cité romaine florissante
L’expédition d’Hannibal faillit causer la perte de Rome, mais, en fin de compte, c’est Carthage qui disparut complètement au siècle suivant (146 av. J.-C.). Sur son site, les Romains victorieux édifièrent une nouvelle cité, la plus prospère d’Afrique sous l’Empire.
Né à Carthage en 247 avant J.-C., Hannibal appartient à l’une des plus puissantes familles de la cité : son père Hamilcar Barca, farouche ennemi de Rome, a commandé l’armée carthaginoise en Sicile pendant la première Guerre punique (264-241 av. J.-C.) ; il a dû signer la paix avec les Romains après la défaite de sa flotte aux îles Égades (10 mars 241 av. J.-C.). Alors qu’il relançait une expédition en Espagne, Hamilcar mourut au combat en 228 avant J.-C. Son fils Hannibal, nommé général en chef à vingt-cinq ans (221 av. J.-C.), reprend alors la lutte contre l’ennemi détesté.
À la fin du printemps 218 avant J.-C., Hannibal lance une expédition depuis la « nouvelle Carthage » (Carthagène en Espagne) pour aller défier l’ennemi romain sur son territoire. À marches forcées, avec 102 000 hommes et 37 éléphants, il traverse les Pyrénées, le sud de le Gaule, le Rhône et franchit les Alpes en novembre : l’un des exploits les plus célèbres de l’histoire. Cependant, l’hiver est rude pour les Africains : Hannibal perd beaucoup d’hommes et tous ses éléphants, sauf un. À la suite d’une grave maladie, il devient aveugle de l’œil droit.
Arrivé en Italie, Hannibal écrase en quelques mois les légions romaines lors de quatre batailles (Le Tessin, La Trébie, Trasimène, Cannes) au cours desquelles il fait preuve d’un génie militaire exceptionnel. À Rome, la nouvelle - Hannibal ad portas ! (« Hannibal est à nos portes ! », Tite-Live, XXIII, 16) - répand la terreur, mais Hannibal temporise et prend ses quartiers d’hiver à Capoue en Campanie pour accorder du repos à ses troupes. Il attend des renforts d’Afrique que les autorités de Carthage rechignent à lui envoyer et espère trouver de nouvelles alliances avant de prendre la capitale de ses adversaires.
Accusé de s’être endormi « dans les délices de Capoue », le chef carthaginois n’exploite pas sa victoire : il occupe pendant plus de dix ans le sud de l’Italie, sans chercher à entrer dans Rome. Quand il revient enfin en Afrique, rappelé par le Sénat de Carthage, en 203 avant J.-C., Hannibal est battu à Zama (19 octobre 202 av. J.-C.) par Scipion qui reçoit le surnom Africanus (« l’Africain »).
Obligé de signer le traité de paix avec Rome en 201 avant J.-C., Hannibal se heurte aux intérêts de la noblesse qui l’accuse d’avoir trahi son pays. Il choisit alors de s’exiler auprès du roi Prusias de Bithynie en Asie Mineure (en Turquie aujourd’hui). Celui-ci finit par le livrer aux Romains : pour échapper à ses ennemis, Hannibal préfère se donner la mort en avalant du poison qu’il gardait dans une bague (183 avant J.-C.).
Les exploits d’Hannibal ainsi que son caractère ont contribué à faire de lui un chef de guerre légendaire, comme Alexandre le Grand, Jules César ou encore Napoléon. C’est un auteur romain, représentant le point de vue de l’adversaire, l’historien Tite-Live, qui a tracé de lui le portrait le plus marquant :
« Plein d’audace pour affronter le danger, Hannibal était aussi plein de prudence au milieu du danger même. Aucune fatigue n’épuisait son corps, ne brisait son âme. Même endurance au froid et au chaud. Nourriture et boisson selon le besoin, non par plaisir. Pour veiller ou pour dormir, aucune différence entre le jour et la nuit. Du repos seulement quand les affaires étaient réglées. Beaucoup l’ont vu souvent s’étendre sur le sol, couvert d’une simple casaque de soldat, au milieu des sentinelles de garde. Rien dans sa tenue ne le distinguait des autres : ce qu’on remarquait, c’étaient ses armes et ses chevaux. Il était de loin le meilleur cavalier et le meilleur fantassin. Le premier, il s’élançait au combat, le dernier, il en sortait. Mais d’immenses vices égalaient de si brillantes qualités : cruauté inhumaine, perfidie plus que punique, rien de vrai, rien de sacré pour lui, aucune crainte des dieux, aucun respect des serments, aucun sens religieux. » (Tite-Live, Histoire romaine, Livre XXI, 4, trad. A. C.)
Ce qu'écrit Tite-Live :
Vestitus nihil inter aequales excellens : arma atque equiconspiciebantur. Equitum peditumque idem longe primus erat ; princeps in proelium ibat, ultimus conserto proelio excedebat.
"Rien dans sa tenue ne le distinguait des autres : ce qu’on remarquait, c’étaient ses armes et ses chevaux. Il était de loin le meilleur cavalier et le meilleur fantassin. Le premier, il s’élançait au combat, le dernier, il en sortait."
Tite-Live, Histoire romaine, Livre XXI, 4