Le dispositif ECLA est mis en œuvre depuis la rentrée 2016 dans l’académie d’Aix-Marseille, selon la volonté du recteur Bernard Beignier et sous le contrôle du corps d’Inspection. Il s’inscrit dans le respect des programmes. Ce dispositif propose, pour les collèges volontaires, l’enseignement conjoint du latin et du grec. Il concerne en 2019 plus de 80 collèges, dont plus de 20 situés en Éducation prioritaire, et une douzaine de lycées. Il est mis en place dans le cadre de l’horaire officiel tel que le définit l’arrêté du 18 juin 2017. La seule préconisation du corps d’Inspection est de pouvoir disposer de deux heures en classe de cinquième. Les établissements mutualisent ensuite l’horaire sur la durée du cycle 4 en fonction de leur dotation.
L’ECLA a été à l’origine pensé pour répondre à trois exigences :
- mettre fin à la quasi disparition de l’enseignement du grec, notamment au collège. L’effacement du grec de notre enseignement menace l’ensemble de la voie des lettres classiques et conduit notamment à la raréfaction du vivier que nous connaissons désormais dans le supérieur et dans les concours. La mise en place de l’ECLA a permis de lui redonner toute sa place et il est ainsi à nouveau enseigné dans plus de quinze collèges du Vaucluse alors qu’il en avait totalement disparu.
- revivifier l’enseignement du latin en lui associant le grec, valorisant ainsi la découverte et l’apprentissage des langues anciennes, et proposant une véritable formation humaniste en vue des études dans le supérieur.
- rénover la didactique des langues anciennes en pensant systématiquement leur apprentissage à travers la confrontation de la langue française et de ses deux langues sources dans le domaine de la grammaire, du lexique et de la culture littéraire et artistique.
Cette confrontation impose particulièrement de rendre cohérente l’approche syntaxique et de découvrir les propriétés morphosyntaxiques des langues latine et grecque en prenant appui sur le savoir grammatical acquis dans le cours de français. Cela implique notamment de mettre en œuvre les mêmes démarches d’investigation grammaticale à partir de l’outil du corpus de phrases, comme le recommande le programme en français. Ces corpus, fabriqués avec des phrases issues des textes lus et travaillés en classe, et éventuellement modifiées et simplifiées librement par le professeur, permettent d’observer la propriété syntaxique qui fait l’objet de l’étude dans les phrases françaises d’abord, puis dans les phrases latines et grecques. On réactive, par exemple, les critères de reconnaissance d’un groupe sujet en français (identification du verbe principal, délimitation par « c’est…qui » et pronominalisation), pour ensuite découvrir les critères de reconnaissance en latin et en grec. C’est bien cette confrontation constante des trois langues qui permet l’acquisition d’un savoir grammatical solide. Ainsi, en début de cinquième, on commence par l’identification des grands groupes syntaxiques autour du verbe et on se donne comme objectif l’identification du verbe, du groupe sujet, des compléments, COD et COI et attribut et des compléments circonstanciels. La progression s’organise donc à partir de notions syntaxiques précises et non par pan entier de déclinaisons. On prend le temps notamment de s’arrêter sur l’identification des verbes conjugués sans laquelle aucune analyse grammaticale n’est possible. Il convient ainsi de veiller à construire des corpus propres à mettre en valeur un fait syntaxique précis et à amener les élèves à découvrir comment chacune des langues le met en œuvre. On veille à avancer très progressivement de façon à ne pas perdre les élèves. Ce travail sur corpus, fondé sur la réactivation des connaissances en français, permet de ne pas réduire l’apprentissage du latin et du grec à une juxtaposition de leçons mais de considérer à chaque fois la langue comme un système dont on réactive les grands mécanismes. Il y a là une démarche qui place les trois langues dans un jeu de miroir et qui conforte l’idée que l’on ne peut véritablement maîtriser sa propre langue qu’à partir de la pratique réflexive d’autres langues, qui en sont la source.
L’approche du lexique est pensée dans la même perspective et le travail engagé dans le cadre de « Lexique et Culture » constitue un point d’appui très efficace.
Si l’enseignement de la langue se fait à partir de corpus de phrases simplifiées, tirées de textes authentiques qui servent de support aux activités de lecture à partir des entrées des programmes officiels. Les élèves peuvent ainsi rencontrer des textes littéraires en prenant appui sur les traductions françaises, lesquelles permettent de s’intéresser à leur singularité et de proposer un travail de compréhension et d’interprétation fécond. La présence du texte traduit met en capacité le professeur et sa classe, dans un jeu de va-et-vient entre le texte français et le texte latin ou grec, de pénétrer progressivement les textes antiques et de ne pas instrumentaliser les textes littéraires en les réduisant à n’être que des outils de connaissances grammaticales, historiques ou civilisationnels.
L’ECLA ne repose donc pas sur la simple juxtaposition des apprentissages du latin et du grec. Il vise à renouveler la didactique des Langues et Cultures de l’Antiquité mais aussi des Lettres, puisqu’il impose de penser ensemble l’enseignement de la langue latine, de la langue grecque et de la langue française, d’où le travail sur corpus à l’intérieur de séquences cohérentes qui permettent la confrontation des textes.
ECLA et éducation prioritaire
L’enseignement conjoint des langues anciennes est dispensé dans 21 collèges de l’éducation prioritaire (soit 1 collège sur 4 de ceux qui sont dans le dispositif à la rentrée 2018). La didactique de l'ECLA permet un accès facilité au latin et au grec dès le collège pour tous les élèves. Il s’agit là d’un levier majeur pour la réussite des élèves au lycée et dans le supérieur puisque l’ECLA a des effets sur les fondamentaux de la maîtrise de la langue, sur les compétences de l’écrit et de l’oral ainsi que sur la culture générale.
Le prolongement du dispositif ECLA en lycée général et technologique
L’ECLA revivifie l’enseignement du grec, particulièrement, lequel peut être désormais assuré dans les lycées généraux et technologiques qui ne disposaient pas jusqu’à présent d’un vivier suffisant permettant de maintenir une option. On peut estimer que l’enseignement conjoint des langues anciennes au collège est de nature à conforter l’enseignement du latin et du grec dans certains lycées, si le nombre d’élèves dans les cohortes du cycle 4 est suffisamment important pour alimenter ces options en seconde.
L’ECLA est une solution à la fois pour dynamiser l’enseignement du grec et pour permettre aux élèves de se familiariser avec les deux langues. La dynamique est particulièrement forte quand elle est pensée en termes de continuité du parcours. Par exemple, le lycée de Gardanne continue à voir sa section ECLA se renforcer, alors même que l’option grecque était en recul il y a trois ans.
L’ECLA est un dispositif attractif de nature à nourrir un vivier important de futurs étudiants latinistes et hellénistes.
(Plus de 10 lycées de l’académie d’Aix-Marseille sont dans le dispositif ECLA à la rentrée 2019).