Cyrano entre la Lune et le Soleil ou les surprises du voyage

Article paru dans  Le Livre du monde et le monde des livres. Mélanges en l’honneur de François Moureau, Gérard Ferreyrolles et Laurent Versini (dir.). Paris, P.U. Paris-Sorbonne, 2012, p. 903-915

Notes

1. Le genre a été analysé par Jean Serroy (Roman et réalité : les histoires comiques au XVIIe siècle, Paris, Minard, 1981) : l’expression « histoire comique » est ancienne, reçue et avouée par la plupart des ouvrages que l’on recense aujourd’hui dans cette catégorie ; mais elle ne suppose pas une régulation générique plus ferme qu’au XXe siècle, par exemple, celle  de « nouveau roman ».
2. L’Autre monde ou les États et Empires de la Lune, connu dans les trois versions des manuscrits de Paris, Munich et Sydney, parut posthume en 1657 dans une version remaniée et censurée, sous le titre d’Histoire comique de Cyrano Bergerac, contenant les États et Empires de la Lune. Des États et Empires du Soleil, son pendant et sa suite, on ne connaît que la version (inachevée) qui fut éditée en 1662 sous le titre jumeau d’Histoire comique des États et Empires du Soleil. Par commodité, on étend couramment le surtitre du manuscrit du premier volet aux deux parties du diptyque. Nous citons les deux œuvres dans leur réédition, accompagnée du Fragment de Physique, qu’a procurée Madeleine Alcover (Paris, Champion Classiques, 2004), en référant par l’initiale L. (États et Empires de la Lune) ou S. (États et Empires du Soleil) suivie du numéro de ligne du texte, de 1 à 3312 pour L., de 1 à 4152 pour S.
3. Nous nommerons ainsi le personnage assez pauvrement identifié qui mène le récit et reçoit dans le second volume le nom de Dyrcona, anagramme aussi évident à déchiffrer qu’incertain à interpréter.  
4. Interrogation récurrente par laquelle le Narrateur exprime les audaces de sa pensée, de ses hypothèses, de ses interprétations. À commencer par son projet initial d’ascension vers la Lune : « « Mais, ajoutais-je, je ne saurais m’éclaircir de ce doute, si je ne monte jusque-là ? — Et pourquoi non ? me répondais-je aussitôt. Prométhée fut bien autrefois au ciel dérober du feu. » (L. 52-54)
5. Voir Jean Lafond, « Burlesque et spoudogeloion dans Les États et Empires de la Lune », dans Burlesque et formes parodiques dans la littérature et les arts, Actes du Colloque de l’Université du Maine, (1986), p. p. Isabelle Landy-Houillon et Maurice Ménard, Tübingen, PFSCL, « Biblio 17 », 1987, p. 89-99. Repris dans Lire, vivre où mènent les mots. De Rabelais aux formes brèves de la prose, Paris, H. Champion, 1999.
6. Tommaso Campanella, Apologia pro Galileo / Apologie pour Galilée (1616), éd. Michel-Pierre Lerner, Paris, Les Belles Lettres, p. 60. Cité par Bérengère Parmentier dans son édition des États et Empires du Soleil, Paris, Flammarion, GF, 2003, p. 43.

     À méconnaître les régulations singulières de la narration que suppose le genre non moins singulier des « histoires comiques »1, on aurait tôt fait - et bien tort - de conclure que Les États et Empires de la Lune et du Soleil de Cyrano de Bergerac sont composés et écrits à la diable, ou tout au moins de chic2. Or si le diable a quelque chose à voir dans ce projet, ce n’est certainement pas en cette matière : rien de plus concerté au contraire, pour peu qu’on l’analyse de près, que la conduite de ces deux récits à méandres. Ainsi le fil du texte, que pourrait dérouter le vagabondage capricieux du Narrateur3 dans un voyage labyrinthique alternant scènes de mœurs exotiques, aventures bouffonnes ou prodigieuses et exposés de savoirs contradictoires, se révèle-t-il par compensation jalonné avec une habile variété par des opérateurs discrets, des embrayeurs de carrefour, des jalons réflexifs en forme de commentaires internes, qui en ponctuent régulièrement les rebonds, les bifurcations, les articulations majeures. L’expression de la surprise fait partie de ces trucages de bon faiseur : veut-on autoriser une invraisemblance, une incohérence, le passage sans justification d’un sujet à un autre, l’expression de sa stupeur par le Narrateur relaie la nôtre pour faire avaler la pilule sous couvert de « miracle », de phénomène « extraordinaire », « bizarre », « étrange ». Ces termes reviennent sans cesse et forment refrain dans la bouche du personnage, quand cette bouche ne bée pas simplement devant les audaces de son auteur et les foucades de son récit. Ce que notant, on proposera ici d’élargir la portée de cette observation, pour tenter sur le mode tout cyranien du « pourquoi non ?4 » une approche des États et Empires par le biais de la surprise : la surprise, à la fois thème, forme et sujet dans lesquels pourraient bien résider, ce sera notre hypothèse, l’alpha et l’oméga de l’étrange entreprise de voyage machinée par Cyrano.

     C’est après tout sous ce signe qu’il a placé dès son ouverture l’ensemble du projet. À peine le Narrateur a-t-il lancé par paradoxe, un soir, devant quelques amis goguenards, que la Lune est peut-être un monde semblable au nôtre, « écoute, Lecteur » ajoute-t-il, « le miracle ou l’accident dont la Providence ou la Fortune se servirent pour me le confirmer » (L. 27-28). Ce miracle, c’est que notre homme trouve sur sa table en rentrant chez lui un volume des œuvres de Cardan ouvert à la page où est contée la visite de deux vieillards se donnant pour habitants de la Lune. « Je demeurai si surpris, tant de voir un livre qui s'était apporté là tout seul, que du temps et de la feuille où il s'était rencontré ouvert, que je pris toute cette enchaînure d'incidents pour une inspiration de Dieu qui me poussait à faire connaître aux hommes que la lune est un monde. » (L. 38-42). La surprise suscitée par ce prodige prélude à un récit qui accumulera, de fait, les « merveilles », les « miracles» et les « (més)aventures » extraordinaires présentés comme plus stupéfiants les uns que les autres.

     Et puis, à l’autre extrémité de l’entreprise, on sait aussi comment le hasard de l’inachèvement du texte a fait se terminer le récit solaire sur l’entrée en scène de Descartes miraculeusement annoncé par une prémonition de Campanella :
« Pendant cet entretien, l’oiseau s’avançait toujours pays [sic], comme je fus fort étonné d’entendre Campanella, d’un visage plein de joie et de transport, s’écrier : « Soyez le très bien venu, le plus cher de tous mes amis ! Allons, Messieurs, allons, continua ce bon homme, au-devant de M. Descartes ; descendons, le voilà qui arrive, il n’est qu’à trois lieus d’ici. » Pour moi, je demeurai fort surpris de cette saillie ; car je ne pouvais comprendre comment il avait pu savoir l’arrivée d’une personne de qui nous n’avions point reçu de nouvelles. » (S. 4114-4123).

« Fort surpris » par le don prophétique de son guide, Dyrcona s’avoue incapable, quand survient en effet le grand homme annoncé, de prêter attention au dialogue entre les deux amis, « tant je brûlais », avoue-t-il, « d’apprendre de Campanella son secret. » (S. 4134-4135). La curiosité mue par la surprise occulte la curiosité suscitée par la philosophie. Est-ce à dire que le propos se détourne capricieusement et fortuitement vers l’anecdote au détriment du solide ? Nullement. Car le prodige de la prémonition, plus suggestif et intriguant que la conversation des deux philosophes, suscite une explication immédiate, peu cartésienne mais fort virtuose, sur la perception atomistique et les effets de prévision qu’elle explique, par quoi se termine le livre — dans son inachèvement définitif (S. 4139-4152).

     L’expression de la surprise révèle donc ici - mais en bien d’autres endroits aussi - son efficacité habilement concertée : elle sert indirectement à avouer et à justifier la dynamique capricieuse de composition et de conduite des propos, tout en signalant au lecteur l’importance de ce qui va lui être dit, de manière à le mettre en appétit de l’apprendre et en perpétuel appétit d’apprendre. Éperon de la parole et de l’esprit, elle tient le rôle de perpetuum mobile pour ce récit dont elle constitue un des opérateurs formels de la poétique, un des fondements intellectuels de l’herméneutique et, ajouterons-nous, un des principes actifs de la morale, une morale de l’éveil intellectuel sans préjugés ni relâche.

Poétique de la surprise

Comme le montre le passage qui vient d’être cité, et contre une pente qui pourrait sembler naturelle, la curiosité ne constitue qu’en apparence dans la double histoire comique de Cyrano l’éperon de l’avancée du texte. À prendre les choses en termes de curiosité, celle du personnage dont les yeux et les oreilles nous guident dans ce voyage de découverte de « l’autre monde » devrait le pousser à s’intéresser au prodigieux dialogue des morts que commencent Campanella et Descartes, plutôt qu’à percer le secret, peut-être piquant mais somme toute anecdotique, de la divination qui aura permis à l’un de prévoir l’arrivée imminente de l’autre. Mais c’est que le discriminant de l’affaire n’est pas la curiosité : c’est la surprise, qui éperonne le désir immédiat de savoir. Pourquoi ? Parce que la surprise constitue un meilleur opérateur d’attraction du lecteur vers le texte à venir. Et que, selon une répartition des rôles caractéristique de ce récit, la curiosité qui est excitée, ou du moins celle qui doit l’être, c’est la curiosité du lecteur. Le rôle du Narrateur ne consiste pas à l’éprouver à sa place, mais à la susciter et à l’orienter par l’expression de sa surprise qui est supposée, dans le contrat de lecture qu’imagine Cyrano, jeter de l’ardeur, de l’allant, du suspens dans la découverte du récit par son lecteur. On devine un goût de l’épate chez ce Francilien qui n’était pourtant pas gascon, mais qui aime jouer le prestidigitateur et mettre en valeur, fût-ce avec un rien de trop hyperbolique pour être pris tout à fait au sérieux (comme dans le premier exemple cité), les tours qu’il réalise : la surprise décuple et propage cet effet. Lui préférer la curiosité, cela reviendrait à épuiser dans le personnage le sentiment qui doit habiter le lecteur. La curiosité est donc exprimée, mais elle n’est pas exploitée : l’effet de surprise demeure le grand opérateur du récit, elle en jalonne et scande le parcours.

     Comme autant de pieds de mouche jalonnant le texte, les bouffées de surprise du Narrateur participent à cet effet dynamique d’emportement qui donne son allant à une fiction perpétuellement ouverte, disponible à tout événement et aussi féconde en faits insolites qu’en interprétations profuses renchérissant sur eux d’imagination luxuriante pour en rendre compte. La curiosité relève de la raison : elle est un éperon du jugement critique, de l’activité intellectuelle, de la déduction ardente. La surprise, parce qu’elle est un réflexe, favorise plutôt l’accueil éberlué aux merveilles que développe l’imagination inventive, le suspens de la raison ou l’appel à des raisonnements inductifs, moins soucieux de régulation que de virtuosité : elle légitime l’événement, au sens propre de ce terme, et l’infatigable disponibilité du récit à l’accueillir ou celle du propos à l’exploiter, sans plus de façons.

     Ou du moins feint-elle des les légitimer. Car en réalité, comme le récit se moque de la vraisemblance, comme les spectacles insolites qu’il enchaîne à un rythme assez soutenu ne veulent pas être pris tout à fait au sérieux, pas du tout même en tant que faits, et pas toujours même en tant que théories commentant ces faits, la surprise constitue aussi un pont de connivence amusée, par-dessus le Narrateur béat et benêt, entre l’organisateur de ces merveilles, leur inventeur, qui marque bien par là sa différence avec leur naïf énonciateur, et le lecteur avec lequel se noue à la faveur de cette fausse naïveté, de cette stupeur — effectivement motivée — devant des thèses ou des spectacles le plus souvent fantaisistes, un autre contrat, le vrai contrat de lecture : celui d’une connivence à demi-mot, souriante et ambiguë, avec les audaces et les fantaisies d’une fable oscillant entre l’incongruité du merveilleux et les hardiesses du « pourquoi non ? » libertin. C’est un contrat trempé dans l’encre du badinage et de l’ironie, un contrat dont la distance consentie par rapport à la réalité suggère au lecteur diligent d’opérer de lui-même le partage entre ce qui est pensable (l’audace théorique et satirique) et ce qui est ornemental (le renversement ludique de la réalité, sa perturbation insolite et saugrenue).

     La surprise opère ici le lien entre la fiction et son effet, entre la vraisemblance de surface qu’affecte la narration et l’invraisemblance fondamentale et avouée de la fable. Ne invraisemblance pourtant appelé à dire de biais et de guingois quelque chose de vrai sous les oripeaux commodes ou suggestifs de la feinte : la distance entre ces plans, ironique au sens courant et au sens savant du terme, constitue une des données de la signification même de l’entreprise. Toute différente est la nature du contrat de fiction, par exemple dans Heinrich von Ofterdingen ou dans De la terre à la lune, dont le cadre de lecture suppose une constante créance accordée aux visions oniriques ou utopiques, que leurs auteurs ne confondent pourtant pas avec la réalité ; alors que cette même réalité est partie prenante, sans rupture , au récit fantastique d’Aurélia dans l’esprit de Nerval, ou à celui de Nadja dans celui de Breton, fictions dont la fable ne se veut pas fictive ni allégorique, mais entend se situer en prise directe avec le monde intérieur du poète reversé sur la réalité extérieure et confirmé par elle. Dans cette gradation entre distance et implication, les surprises de Narrateur cyranien sont des effets, des indices et des expressions de l’amusement ostensible de l’auteur et de son intention évidente de colorer par cet amusement le plaisir et le risque de la lecture, confondus dans une indistinction impossible à démêler, par prudence politique, par choix esthétique et par principe intellectuel.

     Exemple de ces complications subtiles et réjouissantes, il pourra sembler, de prime abord, que la stupeur du Narrateur devant certaines des entorses les plus hardies au contrat de vraisemblance manifestent l’intention paradoxale de la rétablir en l’avouant, en vertu d’un raisonnement implicite et paradoxal qui pourrait se formuler ainsi  : « vous n’y croyez pas, moi non plus, je suis le premier à m’en étonner, et c’est bien la preuve que ça s’est passé ainsi ». Mais sans qu’il s’agisse bien sûr ici d’autre chose que d’un nouveau tour de badinage complice, expression d’un contrat de crédibilité retors scellé par un sourire de connivence partagée sur l’irréalité du spectacle dont on feint de faire passer l’aveu d’invraisemblance surprenante pour signe d’accréditation des incroyables merveilles qu’il met sous nos yeux. L’empilement des intentions impliquées par le genre hybride où s’exerce et s’escrime Cyrano nécessite ces complications que la surprise favorise, et qu’elle permet aussi de mettre au jour. Ce qui suffirait à légitimer sa place dans ce texte — même si ces affèteries et ces jeux formels ne concouraient aussi, sinon plus sérieusement, en tout cas plus profondément, à une déstabilisation générale des certitudes dont la portée critique fait signe, sinon sens. Car le rôle essentiel de la surprise dans Les États et Empires demeure bien sûr son usage dans la pensée et son usage de pensée.

Herméneutique de la surprise

     Allons d’emblée au plus évident : il est patent que la surprise souligne et pour partie provoque dans Les États et Empires un effet de vertige qu’on dirait volontiers « copernicien » : celui que suscite la perte des repères spatio-temporels dont les voyages dans la Lune et le Soleil multiplient les occasions. La première tentative d’envol du Narrateur lui en offre la première occasion. On sait que, parti à la verticale et retombé au bout de quelques heures, il croit être demeuré au-dessus de son point de départ, alors que, selon l’astrophysique de Cyrano qui ignore l’attraction terrestre, la terre est supposée avoir tourné sous ses pieds.  Le voici donc au Canada, alors qu’il s’imagine encore en France. Il exprime naturellement sa surprise de se retrouver en plein soleil à minuit — heure française, comme on dit — sans non plus reconnaître le lieu d’où il était parti et où il croit que son atterrissage l’a ramené : « Je vous laisse penser combien je fus étonné. […] Ce qui accrut mon ébahissement, ce fut de ne point reconnaître le pays où j’étais, vu qu’il me semblait qu’étant monté droit, je devais être descendu au même lieu d’où j’étais parti » (L. 72-79). En réalité, il se trouve en une France nouvelle, la « Nouvelle France », qu’il prend pour l’ancienne, dans ce « nouveau monde » qui anticipe, de manière propédeutique, l’« autre monde » que son prochain envol, le second et le bon, lui offrira pour tremplin d’un renversement de perspectives et pour support d’un effet de relativité générale : la Nouvelle France, pour l’instant, en demeure au stade intermédiaire d’une relativité restreinte. En tout cas, la surprise qu’éprouve le voyageur convie le lecteur à participer joyeusement au jeu fictionnel de la confusion dépaysante et à partager expérimentalement l’émerveillement scientifique devant la rotation terrestre et ses effets. Enclenchant une avalanche de quiproquos, elle prélude aussi à l’effet de spoudogeloion généralisé que va provoquer la découverte de la vie lunaire, réjouissante par ses effets bouffons, instructive par les déductions intellectuelles et scientifiques qu’elle autorise, et incisive par le parallèle qu’elle appellera avec les sottises et les préjugés en vigueur sur la Terre5.

     Lors de l’envol vers le Soleil, Cyrano va user d’une habile variante : au lieu d’exploiter à satiété la surprise que supposerait le récit d’une traversée encore plus extraordinaire que le voyage lunaire par sa longueur et par la nature de l’astre qui fait son terme, il traite l’étonnement suscité par cette traversée sous la forme plusieurs dois réitérée de la prétérition que balaient es explications plus sophistiquées, audacieuses, saugrenues ou astucieuses les uns que les autres : ici, « on ne doit pas s’ébahir que dans une région au-dessus de la moyenne où sont les vents, je continuasse de monter, parce que … » (S. 2005-2007) ; là, « une autre chose peut causer de l’étonnement, à savoir pourquoi [etc.] … mais en voici la raison… » (S. 1048-1051) ; ailleurs, « toutes ces observations étant si familières, on ne s’étonnera point que… » (S. 1066-1067) ; et encore, « quelqu’un peut-être s’étonnera que, pendant un si long voyage, le sommeil ne m’ait point accablé : mais comme le sommeil… » (S. 1392-1393). Et bien d’autres. Ces tournures audacieuses et paradoxales préparent le lecteur au grand écart que le voyage dans l’empire solaire va imposer entre des spectacles proprement fantastiques et leur interprétation « savante » en termes de nature et de raison : elles nous préparent à l’expérience hyperbolique d’un décontenancement radical, d’une perte de tout repère, d’une insurrection du merveilleux appelant la forme superlative d’une surprise tournant à la stupeur.

     Dès son arrivée sur le sol lunaire fait de flocons de neige embrasée où l’on peut cheminer cul par-dessus tête, s’offre au Narrateur le spectacle éblouissant du peuple rossignol posé sur un arbre d’or aux feuilles d’émeraude : « je restai longtemps interdit »,commente-t-il, « à la vue de ce riche spectacle, et je ne pouvais m’assouvir de le regarder » (S. 1608-1609). Plus question ici de cette forme de surprise effarée ou amusée qu’avait suscitée en lui la vie dans la Lune, contre-monde renvoyant un reflet inversé ou déformé du nôtre. Ce que le séjour dans le Soleil va lui offrir, va nous offrir, c’est l’expérience d’un autre monde, fantastique et onirique, qui, à proprement parler, ne ressemble à rien : à quoi fera écho une modulation plus ébahie et émerveillée de la surprise, celle d’une admiration proprement poétique qui consonne avec le merveilleux du conte et ouvre la voie à un plaisir de la métamorphose, à une délectation de l’impensé radical, à une dynamique euphorique de l’altérité, formant pendant à une énergie satirique qu’avait dégagée l’altération lunaire.

     Sur la Lune, en effet, l’expérience de relativité « copernicienne », produite par la perte des repères spatio-temporels, le cède plus fréquemment que dans le Soleil à un sentiment de relativité « lucianesque », produit par l’inversion ou le travestissement des mœurs, des critères et des croyances terrestres : occasion d’une surprise où il entre pour le voyageur une part de cocasserie. Ce que déclenche en lui de prime abord l’insolite des murs sélénites, c’est ce corollaire de la surprise qu’est le rire (on sait que le rire est couramment interprété alors comme l’effet d’une comparaison surprenante entre deux représentations, l’une banale et attendue, l’autre incongrue et imprévue) : « Je ne pus m’empêcher de rire de cette façon surprenante de donner des batailles » (L. 1731-1732) avoue-t-il par exemple, bien en peine, ici comme en nombre d’autres occasions de s’« empêcher de rire » devant les « extravagances », les « paradoxes », la « naïveté » de ce « monde renversé ».

     La quête de la connivence du lecteur dans la dérision burlesque sinon carnavalesque ne constitue pourtant que le premier degré d’une réaction que l’étrangeté des spectacles solaires, pour leur part, va métamorphoser plus volontiers en une stupeur pétrifiée devant un altérité si proprement impensable qu’elle est reçue sans ciller — à moins qu’un des interlocuteurs du Narrateur, versé dans l’occulte ou participant de cet univers magique, ne dépense des trésors de logique argutieuse et virtuose pour tenter d’en rendre compte en raison. Certains de spectacles lunaires ne manquaient d’ailleurs pas de produire eux aussi cette réaction plus ébahie : dans de tels cas, la surprise ne prélude plus à la dérision, au refus goguenard du paradoxe, mais au contraire à une acceptation paradoxale de l’incongru qui favorise un retour sur soi et un ébranlement des évidences terriennes mises à mal par l’expérience de ce décontenancement profitable, où se révèle et s’exprime la vertu critique de la surprise.

     À quoi participe également, et l’on finira par là, le revers de dérision ou de stupeur dont Sélénites et Solaires enveloppent à leur tour les réactions, les propos ou les manières du Narrateur, jusqu’à le mettre lui-même et au sens propre en procès : procès sur sa nature, par embarras à trancher sur son appartenance au règne animal ou à l’espèce raisonnable ; procès sur sa conduite, par vindicte de ses victimes, celle des oiseaux par exemple envers un représentant de leur prédateurs et geôliers. On sait qu’à l’issue de son procès sur la Lune, le Narrateur se retrouvera encagé, comme on l’aurait fait sur terre pour un perroquet ou une pie, chez qui l’usage de la parole ne garantit pas aux yeux des hommes la présence de la raison. La surprise des Sélénites, ici, ne les honore pas : en manifestant la sottise de leurs préjugés, elle reflète en miroir celle des hommes dont elle offre le double dérisoire pour un retournement de la satire. La surprise confirme ici son rôle d’opérateur du relativisme critique et sceptique, en révélant la réversibilité des certitudes par celle des ricanements.

     Ce scepticisme se concentre notamment sur une critique récurrente du miracle qui laisse bouche bée les jobards. La cinquantaine d’occurrences du terme qu’on relève au fil de l’œuvre invite à y voir l’expression diverse mais convergente d’une critique « lucrétienne » de la religion à travers celle de l’émerveillement devant les prétendus prodiges qui tentent de l’accréditer en surprenant la vigilance des esprits naïfs et pusillanimes. Le premier degré de cet usage « lucrétien » de la surprise se limite à la pure et simple dérision : Cyrano se plaît à user et abuser du mot « miracle » dans son sens banal et démonétisé pour désigner hyperboliquement toute chose surprenante. Le texte donnera ainsi pour miraculeux tout un lot de faits et de situations, de raisonnements et d’hypothèses contradictoires, insolites, voire franchement bouffons. L’effet est amplifié et comme explicité, en particulier, par la relecture imaginative et burlesque de quelques épisodes bibliques fondateurs que dévoile le prophète Élie au Narrateur lors de son escale au Paradis Terrestre : ces billevesées font sombrer l’herméneutique sacrée dans une parodie où le miracle est dégradé par des effets de contagion qui le banalisent et par une ingéniosité dans le saugrenu qui le ridiculise.

     Cette dévaluation prend un tour plus directement incisif et critique dans un passage des États et Empires de la Lune (L. 3038-3041) où le Narrateur, réveillant le Fils de l’Hôte endormi, qualifie de « miracle » le fait que puisse être « enseveli de sommeil » un esprit aussi vif et pétillant que le sien. « Mauvais compliment », reconnaît-il lui-même ; mais justement, son interlocuteur y trouve aussitôt matière à rebondir sur ce terme étourdiment utilisé, pour en tirer un démontage critique acéré de la notion prise au sens propre. Ce jeu sur une métalepse illustre une pratique fréquente sinon même systématique de réveil infligé au sommeil dogmatique du Narrateur (et du lecteur) trop enclin par pente paresseuse à attribuer au miracle tout ce qui le surprend : « …je conçus, dis-je, que cette imagination pouvait produire sans miracle tous les miracles qu’elle venait de faire » (S. 1922-1924), commente Dyrcona à propos de la métamorphose du petit peuple ailé qu’il rencontre dans le Soleil. C’est l’occasion de traquer au cœur même des mécanismes verbaux la paresse d’esprit qui légitime toutes les superstitions et les croyances religieuses, alors même que le récit solaire notamment multiplie à l’envi les spectacles les plus apparemment miraculeux pour les soumettre à un processus opiniâtre d’éviction du merveilleux, du sacré, du mystère, au profit d’explications, d’analyses ou d’hypothèses matérialistes, d’inspiration souvent épicurienne, qui reportent sur les pouvoirs de l’imagination ceux qu’on attribue indûment aux forces occultes.
Cette rationalisation du merveilleux ne doit pas faire tout à fait illusion : Cyrano n’est rien moins qu’un idéologue, et bien souvent la volée d’interprétations suscitées par les spectacles insolites et merveilleux qu’autorise la convention du voyage en terres extraordinaires constitue moins une propédeutique à l’exercice critique du jugement qu’elle n’exprime la jouissance allègre et incisive d’une liberté d’esprit et de parole sans limites. L’utopie permet de s’affranchir de toutes les contraintes, elle suspend les interdits religieux et moraux, se moque de la logique et ne s’embarrasse pas de vérification, elle ne craint pas de se contredire, et ouvre à la pensée la voie de tous les possibles. Du rationnel au probable, du probable au plausible, du plausible au possible, du possible à l’improbable et de l’improbable à l’impensable, l’imagination narrative contamine le raisonnement dogmatique pour métamorphoser en phénomènes explicables les faits et les effets extraordinaires que le Narrateur dans sa stupeur tient d’abord pour miraculeux : la raison et l’imagination en résorbent les pouvoirs miraculeux dans l’orbe immense de la Nature, sans invention ni intervention divines. En ces mondes de merveilles que sont la Lune et surtout le Soleil, le merveilleux devient la forme légitime du rationnel et du raisonnable.  Et l’indice que constitue la surprise se décale du fait observé sur son interprétation à la fois impossible et plausible, impensable et raisonnable. L’annexion du miracle au raisonnable à la faveur du coup de pouce herméneutique qu’autorise le monde extraordinaire où voyage le Narrateur ne saurait être transposée au monde terrestre ; mais, par contagion et parallèle, elle rabat l’herméneutique sacrée imposée par le christianisme sur son statut de fable narrative, en même temps qu’elle ouvre le chemin à l’invention d’autres fables dont certaines pourraient bien offrir un degré de crédibilité égal sinon supérieur à celles de la religion, en dévalorisant le détour paresseux par la métaphysique et la prétendue Révélation.

Éthique de la surprise

     Cette école de relativité vise donc moins à enseigner la vérité — qui peut assurer la posséder et quel discriminant choisir entre toutes les hypothèses surgissant de l’imagination  quand on la débride ? — qu’elle ne détermine une éthique professant l’accueil au nouveau, à l’impensé, à l’altérité, à l’inconnu. La lecture du récit de voyage dans l’Autre Monde nous invite à lire avec d’autres yeux le nôtre, en nous enseignant à nous laisser surprendre et à nous préparer aux surprises du réel à travers celles que nous offre comme dons d’un ciel sans dieux cette fable interplanétaire et interstellaire. Cyrano nous y invite implicitement à considérer la vie et la pensée comme un perpétuel voyage offrant de perpétuelles surprises à l’homo viator parce que le principe même d’une vie libérée de la croyance superstitieuse en une prémonition et une prédestination divines tient dans cette ignorance de l’avenir immédiat et lointain dont chaque instant survenant est par nature imprévisible : la surprise constitue l’emblème intellectuel et moral de cette pensée libérée, de cette pensée libre. Plus encore qu’un devoir pieux, elle est une grâce pour cette religion sans dieux, cette morale sans dogmes et cette pensée sans lisières.

     Sans délivrer de leçon dogmatique, Les États et Empires proposent à travers le filtre de la fiction une expérience de perpétuel étonnement qui illustre les vertus souveraines du décontenancement et de la déstabilisation et invite à les exercer, à s’y exercer. Un Paracelse, un Corneille Agrippa servent en la matière de guides et de modèles par leur goût pour les prodiges auxquels ils proposent une explication naturelle et mécanique fondée sur un savoir mêlant l’hermétisme pseudo-égyptien aux découvertes de l’astronomie copernicienne ! Rien de bien « rationaliste » là-dedans : le Descartes de Cyrano n’est pas tant celui du cogito que de la physique fabuleuse qui nie le vide et réinvente le monde à l’image de son esprit. Car la science qui impressionne le Narrateur (et son auteur) n’exclut pas, ne discrimine pas, elle s’ébroue dans le diversité, la contradiction, l’insurrection des hypothèses et des images, elle goûte les synthèses hardies et les apprécie en esthète gourmand. L’héliocentrisme copernicien lui plaît par la symbolique de ce feu vivifiant qui irradie ses rayons en chaque créature, image à la fois harmonique et panique de l’énergie universelle. C’est en poète de la connaissance que Cyrano racole et vulgarise les théories savantes et les hypothèses hardies supposées rendre compte des stupeurs de son Narrateur, c’est en précurseur de Georges Bataille plutôt que des épistémologues modernes, et c’est en décalage par rapport à l’état d’une science mathématique et physique alors en voie de constitution et d’autonomie par rapport à de tout autres prémisses : ne nous y trompons pas, il est plus un attardé qu’un précurseur, un rêveur qu’un penseur.

     Dans l’économie de ce récit à double face, l’une regardant au voyage de découverte, l’autre aux découvertes (intellectuelles et morales) que permet le voyage, la surprise sert de stimulus et d’incitation à déceler les secrets de la nature. Les questions comptent plus chez Cyrano que les réponses : c’est la morale du scepticisme aussi bien que celle de l’éclectisme, tous deux également ennemis du dogme et de la doxa. « Toute religion qui interdit à ses adeptes la recherche sur les choses naturelles doit pour cette raison être tenue pour suspecte de fausseté », écrivait le véritable Campanella6. Et comme tous les prodiges qui suscitent la surprise du Narrateur et qu’il prend d’abord naïvement pour miracles reçoivent une explication naturelle, si étrange soit-elle, on comprend vite que les hypothèses souvent étranges développées pour réponse aux étonnements de Dyrcona se donnent moins pour but de convaincre que de montrer la voie de l’intrépidité intellectuelle en lieu et place de la soumission facile aux dogmes.

     Pour preuve de quoi, ne retenons que le tour de prestidigitation qui est parvenu à métamorphoser le statut du « miracle » : généralement entendu comme signe sacré d’un au-delà dont la connaissance ne nous est offerte que par la canal d’une révélation — avec ou sans majuscule —, il se transforme chez Cyrano en incitation à lever le voile sur les secrets de la Nature par l’imagination dont il excite l’ardeur fureteuse. À la stupeur qui sidère la pensée se substitue la surprise qui la libère. En elle se concentre l’énergie conservée du doute et de la critique : elle fait la nique aux dogmatismes en montrant qu’ils n’expliquent pas tout, elle tend l’index vers l’échappée belle de ce qui leur demeure irréductible, et suscite l’exigence de nouvelles réponses aux vieilles questions qu’ils avaient feint d’avoir résolues. Elle impose la liberté de chercher entendue comme une loi de la nature.

     Or cette nécessité n’a rien de pesant, cette loi rien de contraignant. Car il existe un plaisir de la surprise, qui constitue une sorte de propédeutique à la jouissance de l’insolite. La simple lecture des États et Empires suffit à convaincre que le merveilleux enchante le génie conteur de Cyrano, ou plus exactement son génie de poète descriptif — tout montre en effet que dans le travail de composition il préfère décrire plutôt que narrer, décrire un univers de fantaisie plutôt qu’y mener une intrigue. Poète de l’hypotypose et de l’ecphrase, il se fait collectionneur de prodiges et de merveilles dont la surprise qu’ils suscitent justifie l’expression détaillée et l’explication chantournée : il préfère la parataxe de l’écriture collectionneuse à  la syntaxe de l’écriture événementielle, et va sa route de délectation insolite ou incongrue sur le chemin qui conduira un jour vers La Tentation de Saint-Antoine plutôt que vers Salambô. Dans cette esthétique de la description, la surprise tient le rôle que joue la suspension (nous dirions aujourd’hui le suspense) dans la poétique de la narration. Elle transfère sur le lecteur la jouissance qui semble avoir habité l’auteur chaque fois que son récit lui offrait la possibilité de décrire par le menu un usage déroutant ou d’exposer en détail une thèse audacieuse. L’expression de la surprise du Narrateur fonctionne comme un signal annonçant le plaisir intrépide du grimpeur devant l’obstacle dont il se plaît à souligner par son effarement la hauteur stimulante et la difficulté réjouissante, comme pour se réjouir par avance d’avoir à les vaincre.

     En ce sens, la surprise se fait critère de l’inépuisable capacité de renouvellement sur laquelle compte l’auteur pour entraîner son lecteur sur les pas de son voyageur-narrateur. Les contemporains de Cyrano considéraient la surprise, on l’a rappelé, comme un élément constitutif et déclencheur du rire. Et de fait, elle opère la suture entre, d’un côté, le rire sarcastique provoqué par le parallèle cocasse entre les mœurs terrestres et lunaires, et de l’autre, le rire d’allégresse suscité par les fantaisies oniriques ou saugrenues du monde solaire. Elle trace un trait d’union entre la dérision bouffonne et le merveilleux enchanté qui se partagent l’esthétique des voyages cyraniens. Car de l’un à l’autre volume, elle dégage et souligne ce trait commun qu’est le décontenancement par l’étrange, assimilable à la catégorie esthétique moderne de l’absurde. Un absurde d’images et de pensée, de mœurs et de thèses, qui projette l’œuvre dans la surprise perpétuelle de l’incongruité, sans que soient franchies jamais les portes étranges du fantastique : Les États et Empires, c’est Dyrcona au Pays des merveilles, et ce n’est jamais Joseph K. dans les méandres du Procès. Et c’est la surprise — encore elle — qui constitue le critère de cette distinction. Car le fantastique kafkaïen ne suscite par la surprise de son narrateur : le monde où il évolue demeure le sien, même si les lois en sont modifiées et les droites devenues courbes. La surprise du Narrateur cyranien est au contraire fondée sur la parfaite conscience qu’il est entré, comme Alice, dans un univers nouveau, situé de l’autre côté d’un miroir qui constitue le nôtre en reflet déformé de ce pays des merveilles où il évolue d’étonnement en étonnement.

     Prédécesseur de Lewis Caroll au moins autant que de Jules Verne et bien davantage que de Franz Kafka, Cyrano promène donc un rêve de physicien amateur et de philosophe de l’absurde au fil des séjours lunaire et solaire de son Narrateur, avec un bonheur d’émerveillement dont la surprise de Dyrcona souligne et signe à l’envi la fécondité d’imagination et d’invention perpétuelles : son récit s’en enchante et espère par sympathie d’étonnement en enchanter le lecteur. Au demeurant, on savait depuis la découverte de l’Amérique qu’il n’est pas de voyages plus féconds que ceux qui, en prétendant vérifier des hypothèses sérieuses, vont à la découverte aventurée des surprises de l'inconnu.

Article paru dans  Le Livre du monde et le monde des livres. Mélanges en l’honneur de François Moureau, Gérard Ferreyrolles et Laurent Versini (dir.). Paris, P.U. Paris-Sorbonne, 2012, p. 903-915

Notes

1. Le genre a été analysé par Jean Serroy (Roman et réalité : les histoires comiques au XVIIe siècle, Paris, Minard, 1981) : l’expression « histoire comique » est ancienne, reçue et avouée par la plupart des ouvrages que l’on recense aujourd’hui dans cette catégorie ; mais elle ne suppose pas une régulation générique plus ferme qu’au XXe siècle, par exemple, celle  de « nouveau roman ».
2. L’Autre monde ou les États et Empires de la Lune, connu dans les trois versions des manuscrits de Paris, Munich et Sydney, parut posthume en 1657 dans une version remaniée et censurée, sous le titre d’Histoire comique de Cyrano Bergerac, contenant les États et Empires de la Lune. Des États et Empires du Soleil, son pendant et sa suite, on ne connaît que la version (inachevée) qui fut éditée en 1662 sous le titre jumeau d’Histoire comique des États et Empires du Soleil. Par commodité, on étend couramment le surtitre du manuscrit du premier volet aux deux parties du diptyque. Nous citons les deux œuvres dans leur réédition, accompagnée du Fragment de Physique, qu’a procurée Madeleine Alcover (Paris, Champion Classiques, 2004), en référant par l’initiale L. (États et Empires de la Lune) ou S. (États et Empires du Soleil) suivie du numéro de ligne du texte, de 1 à 3312 pour L., de 1 à 4152 pour S.
3. Nous nommerons ainsi le personnage assez pauvrement identifié qui mène le récit et reçoit dans le second volume le nom de Dyrcona, anagramme aussi évident à déchiffrer qu’incertain à interpréter.  
4. Interrogation récurrente par laquelle le Narrateur exprime les audaces de sa pensée, de ses hypothèses, de ses interprétations. À commencer par son projet initial d’ascension vers la Lune : « « Mais, ajoutais-je, je ne saurais m’éclaircir de ce doute, si je ne monte jusque-là ? — Et pourquoi non ? me répondais-je aussitôt. Prométhée fut bien autrefois au ciel dérober du feu. » (L. 52-54)
5. Voir Jean Lafond, « Burlesque et spoudogeloion dans Les États et Empires de la Lune », dans Burlesque et formes parodiques dans la littérature et les arts, Actes du Colloque de l’Université du Maine, (1986), p. p. Isabelle Landy-Houillon et Maurice Ménard, Tübingen, PFSCL, « Biblio 17 », 1987, p. 89-99. Repris dans Lire, vivre où mènent les mots. De Rabelais aux formes brèves de la prose, Paris, H. Champion, 1999.
6. Tommaso Campanella, Apologia pro Galileo / Apologie pour Galilée (1616), éd. Michel-Pierre Lerner, Paris, Les Belles Lettres, p. 60. Cité par Bérengère Parmentier dans son édition des États et Empires du Soleil, Paris, Flammarion, GF, 2003, p. 43.

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