Volubilis - Un ville marocaine, cité du syncrétisme

L’histoire de la cité

Dès le VIIIe siècle avant J.-C., Volubilis est la première capitale des Idrissides, dynastie fondatrice du Maroc. La cité prend vraiment naissance aux IVe / IIIe siècle avant J.-C. quand, sous la bannière du roi de Maurétanie Bocchus Ier, elle s’allie à Rome contre les Carthaginois et leur roi Jugurtha lors des guerres puniques. Elle se développe surtout au IIe siècle avant J.-C. en important de Campanie des céramiques, du vin, de l’huile et du garum, par exemple mais aussi grâce à la population émigrée après la prise de Carthage, en 146 avant J.-C., qui entraîne un changement des institutions, une expansion économique et sociale de la ville.

À la mort de Bocchus Ier, ses fils se partagent le royaume de leur père. Bogud s’allie à Marc-Antoine, mais est tué en 38 avant J.-C. ; Bocchus II s’allie à César contre les Optimates (parti conservateur) et Juba Ier, partisans de Pompée. Mais Juba Ier se suicide en 46 avant J.-C. et  Bocchus II meurt en 33 avant J.-C. Le royaume de Maurétanie est réunifié mais sans souverain ; il est alors administré par Rome qui installe des vétérans dans différentes colonies romaines.

En 25 avant J.-C., Octave place à la tête du royaume maurétanien Juba II, fils de Juba Ier, Africain élevé à Rome aux côtés d’Octavie, sœur du futur Auguste. En 19 avant J.-C., Juba II est marié à Cléopâtre Séléné II, fille de Marc-Antoine et Cléopâtre. Juba II règne de 25 avant J.-C. à 23 après J.-C. et soutient Rome dans la répression des révoltes numides. Son fils, Ptolémée de Maurétanie, lui succède avec le titre de "roi allié et ami de Rome", mais il est assassiné en 40 après J.-C. par l'empereur Caligula. La Pax Romana se répand progressivement sur le territoire.

L'assassinat de Ptolémée provoque cependant une révolte des tribus, dirigée par un affranchi de Ptolémée, Aedemon. Il faut mobiliser trois légions romaines, soit environ 20 000 hommes, pour en venir à bout. Les Volubilitains se rangent alors aux côtés des légions romaines, subissant de lourdes pertes.

Vers 42 ou 43 après J.-C., l'empereur Claude divise l'ancien royaume de Maurétanie : la partie occidentale devient la Maurétanie tingitane (du nom de Tingi, Tanger) et la partie orientale constitue la Maurétanie césarienne, avec Caesarea comme capitale. Rome domine alors toute l'Afrique du Nord. Vers 44, en récompense du soutien des Volubilitains, l'empereur Claude accorde à la cité le statut de municipe et à ses habitants le droit de citoyenneté, comme le prouve la stèle dite "du fils de Bostar", trouvée sur le forum. Protégée par trois camps et plusieurs tours de guet, Volubilis devient une cité romaine défensive face aux tribus semi-nomades, un oppidum selon Pline l’Ancien. Elle est équipée de grands monuments publics : forum, basilique, capitole, arc de triomphe, aqueduc et de nombreux commerces (boulangeries, huileries), ce qui témoigne de sa prospérité.

À la fin du IIIème siècle, l'Afrique du Nord subit les contrecoups des guerres civiles romaines et des invasions germaniques. L'empereur Dioclétien décide de redéployer ses forces militaires et ses fonctionnaires qui, vers 285, quittent la ville pour rejoindre Tingi et les villes côtières. La cité de Volubilis se retrouve isolée, abandonnée des Romains : c’est le début de son déclin.

L’architecture de la cité

Volubilis est protégée par une enceinte d'environ 2 600 m, épaisse d' 1,50 m et haute de 5 à 7 m, pourvue d'environ 40 tours semi-circulaires et de neuf portes. Trois camps de 100 à 150 m de côté, d'un rayon d'action d'environ 25 km, localisés respectivement à 5 km et à 20 km environ de la cité, assurent la sécurité de la cité.

Les rues de la cité sont organisées selon les deux axes traditionnels :

  • Le cardo, axe Nord-Sud,
  • Le decumanus maximus, axe Est-Ouest, artère principale longue de 400 m et large de 12 m, bordée au Nord et au Sud de portiques et de boutiques, munie d’un collecteur d’égouts au milieu. Cette voie mène de l'arc de triomphe de Caracalla à la porte dite "de Tanger" et dessert les maisons patriciennes au Nord-Est, construites au Ier siècle après J.-C.

L'arc de triomphe de Caracalla, construit en 217 après J.-C., est dédié à l’empereur Caracalla et sa mère Julia Domna pour le remercier d’avoir accordé une exonération d’impôts à la cité et d’avoir généralisé la citoyenneté romaine à tous les Volubilitains. L'arc, haut de 14 m, large de 20 m et pourvu d’une arche de 8 m de haut sur 6 m de large, est construit en calcaire gris local et couronné d’une statue de bronze figurant l'empereur et sa mère conduisant un char tiré par six chevaux. Construit tardivement, il n’est pas dans l’axe du decumanus maximus, qui lui est antérieur. Visible de loin, c’est une œuvre de propagande au service du pouvoir romain face aux populations maures. Au pied de l'arc, on pouvait voir des statues de nymphes versant de l'eau dans des bassins de marbre ; sur des médaillons, se trouvaient des représentations des saisons et des portraits de Caracalla et sa mère, qui ont été martelés lors de la condamnation après la mort, damnatio memoriae, de ces personnages.

La ville est approvisionnée en eau grâce à un aqueduc, principalement enterré, alimenté par une source située à 1 km de la ville. Il approvisionne deux fontaines, après filtration de l’eau dans des bassins de décantation mais aussi les thermes du Nord, construits vers 60-80 après J.-C., et les thermes de Gallien dont la date de construction est incertaine, ainsi que les latrines publiques.

Le cœur de la cité est organisé autour du forum, qui mesure 1300 m2 au moment de son expansion maximale et qui est décoré de nombreuses statues représentant les personnes influentes de la ville. Il est accessible à pied par deux escaliers ; la place est délimitée par deux portes qui étaient fermées lorsque se tenait l’assemblée des citoyens. C’est sur la tribune aux harangues que les candidats aux élections faisaient leurs discours politiques. Comme à Rome, le forum a un rôle politique, économique et religieux. Autour du forum, se situent la basilique, la Curie et le Capitole, monuments datant du IIIe siècle avant J.-C.

La basilique, à l’est du forum, s’étend sur 1000 m2 environ et mesure 15 m de haut. Elle est constituée de huit arches, d’une nef centrale, d’une abside où siégeaient peut-être les tribunaux et de deux galeries supérieures pour se promener. La basilique avait deux portes principales, l’une pour le jour, l’autre pour la nuit, ce qui permettait d’accéder à la Curie où se réunissait le conseil municipal et le tribunal. La basilique a un rôle économique car elle sert de marché couvert, mais aussi un rôle juridique.

Le Capitole est un temple dédié à la triade capitoline (Jupiter, Junon et Minerve), construit en 219 après J.-C., comme le confirme une inscription trouvée sur place. Le temple est élevé sur un podium qui permet d’accéder au vestibulum, vestibule, entrée encadrée de six colonnes. La salle principale, ouverte au public, contient un autel où l’on fait des offrandes aux dieux. La cella, salle de culte contenant la statue des dieux, était accessible aux seuls prêtres. En face du temple, se situait l’autel de la Paix où les fidèles faisaient des sacrifices aux dieux, après s’être purifiés par des ablutions. Le culte consistait aussi en offrandes, prières, processions, jeux et fêtes. C’est sur cet autel que furent conclus les traités de paix entre la Maurétanie Tagitane, les Volubilitains et les tribus des environs.

Les maisons privées de Volubilis sont nombreuses et d’une richesse impressionnante par leur décor de mosaïques (plus de 50 pièces ont été retrouvées) et quelquefois par leurs thermes privés, leur boulangerie et leur huilerie situés à l’intérieur des maisons. Pour ne citer que les maisons les plus riches, il faut mentionner la maison au cortège de Vénus, la maison des fauves, la maison des Néréides, la maison aux travaux d’Hercule, la maison aux Colonnes, la maison à l’Ephèbe, la maison au desultor (cavalier-acrobate qui chevauche sa monture à l’envers) et la maison d’Orphée.

Volubilis ne possède ni amphithéâtre ni théâtre permanents mais deux statuettes de gladiateurs samnites retrouvées sur le site prouvent que les jeux du cirque, même s’ils étaient rares, n’étaient pas absents de la cité.

Volubilis aujourd’hui ?

Quand la dynastie arabe des Idrissides décida de faire de Fès sa nouvelle capitale à la fin du VIIIe siècle, la cité fut peu à peu oubliée, sauf pour certains amateurs d’archéologie. Pillée à de nombreuses reprises, notamment pour ses statues et ses mosaïques, afin de servir à la reconstruction des palais royaux ou à des fins privées, elle a été classée au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco en 1997.

Aujourd’hui, le site est préservé des touristes de plus en plus nombreux, les archéologues y travaillent à protéger et à découvrir les trésors encore enfouis de la cité. Outre les fondations et les nombreuses mosaïques des maisons, on ne peut qu’être frappé par l’excellent état de conservation de monuments imposants comme la basilique, le Capitole et surtout l’arc de triomphe, devenu l’emblème de la cité.

Ce qu’en dit Pline l’Ancien :

 

Ab Lixo XL m. p. in mediterraneo altera Augusti est Babba, Julia Campestris appellata, et tertia Banasa LXXV m. p. Valentia cognominata. Ab ea XXXV m. p. Volubile oppidum, tantumdem a mari utroque distans. At in ora a Lixo L. m. p. amnis Sububus, praeter Banasam coloniam defluens, magnificus et navigabilis. Ab eo totidem m. p. oppidum Sala, ejusdem nominis fluvio impositum, jam solitudinibus vicinum, elephantorumque gregibus infestum, multo tamen magis Autololum gente, per quam iter est ad montem Africae vel fabulosissimum Atlantem.

 

À 40 000 pas du Lixus, dans l'intérieur des terres, il y a une autre colonie d'Auguste, Babba, appelée "Julia Campestris", et à 75 000 pas une troisième colonie, Banasa, surnommée "Valentia". A 35 000 pas de cette dernière, la ville fortifiée de Volubile, également éloignée de l'une et de l'autre mer. Mais sur la côte, à 50 000 pas du Lixus, à côté de la colonie de Banasa, le fleuve Sububus, magnifique et navigable, prend sa source. A 50 000 pas aussi de Sububus, se trouve la ville fortifiée de Sala, située sur un fleuve de même nom, déjà voisine des déserts, infestée par des troupeaux d'éléphants, et bien plus encore par la tribu des Autololes, que l'on traverse pour aller au mont Atlas, peut-être le plus fabuleux de l'Afrique.

Pline l’Ancien, Histoire naturelle, V, 5.

  • Le nom de la ville viendrait du latin volubilis signifiant « qui a un mouvement giratoire, qui tourne » . Son nom berbère est Walīlī, Oualili, ou Walīlā qui désigne le laurier-rose ou la fleur de liseron, particulièrement abondants dans la région.
  • Le site archéologique de Volubilis, situé sur la commune rurale de Oualili, se trouve à 60 km environ de Fès, au Maroc, à 30 km au nord de Meknès et à 3 km de Moulay Idriss, village éponyme de son fondateur, descendant de Mahomet. Les vestiges du site ont été exhumés à partir de 1915. Actuellement, sur les 42 hectares du site, on estime que la moitié de l’espace reste encore inexploré.
  • Volubilis, adossée à deux massifs rocheux, au pied de la chaîne du Rif, était idéalement située :
    • Elle dominait de vastes horizons, occupant une position stratégique pour assurer la protection de la cité.
    • Elle était parfaitement bien approvisionnée en eau grâce aux nappes phréatiques régulièrement remplies par des eaux de pluie tombant en fortes averses, grâce aux sources alentour alimentant un aqueduc et grâce aux oueds (rivières d’Afrique du Nord) situés à proximité (oued Khoumane et oued Fertassa).
    • Les montagnes proches fournissaient les matières premières (grès, calcaires, argile, forêts de chênes) nécessaires à la construction des principaux édifices de la ville.
    • Les vallées fertiles des oueds et leurs terrasses permettaient la culture des céréales, de la vigne, de l’olivier, l’arboriculture et les cultures maraîchères.
  • Le site de Volubilis est un modèle de syncrétisme où se croisent les cultures libyco-berbère, maurétanienne (de l’ancien royaume du Maghreb), grecque, romaine, chrétienne et arabo-islamique selon les époques. On y trouve ainsi des dieux maurétaniens romanisés (tel Olusola), des dieux égyptiens (tel Anubis, dieu de l’embaumement), et, plus tard, les traces des cultes chrétien, juif et musulman.
  • La cité de Volubilis sert de limes, frontière, à l’empire romain pour asseoir sa puissance contre les peuples barbares semi-nomades du désert. Elle est un objet d’alliance lors des guerres puniques puis des guerres civiles entre César et Pompée.

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