Pompéi : Entre cohérence archéologique et hyperbole narrative - Paul Anderson, 2015

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Les passages suivants sont un condensé de la première partie de l’article complet, qui analyse la représentation du site de Pompéi à l’écran et les comportements des personnages en regard de la cohérence historique et des exigences narratives. L’article est disponible dans son intégralité sur le site de l’Académie de Versailles.

Introduction

La diversité des péplums de cinéma expose le spectateur à des œuvres de qualité diverse, mais ce n’est pas parce qu’un film manque de qualités essentielles et qu’il ne rentrera jamais dans les manuels scolaires qu’on ne peut tirer du plaisir de son visionnage et même parfois des leçons intéressantes. C’est le cas de Pompéi, mis en scène en 2015 par Paul WS Anderson (WS pour le différencier de son homonyme Paul Thomas Anderson, auteur de Magnolia, par exemple).

Paul WS Anderson a pour son compte une filmographie fournie où l’on retrouve des adaptations de jeux vidéo comme Mortal Kombat (1995) ou la série des Resident Evil (2002, 2010, 2012, 2016), c’est-à-dire de la série B d’action assumée. C’est pourquoi trouver un péplum à son actif est une petite surprise. Comme il le dit lui-même, Pompéi y occupe une place à part : en effet, né dans le Nord de l’Angleterre, près du mur d’Hadrien, il a vécu son enfance dans l’imaginaire de la frontière romaine, et a été bercé toute sa carrière dans l’idée qu’un jour il pourrait mettre en scène l’éruption du Vésuve décrite par Pline le Jeune. Il a donc fallu attendre le début des années 2010 pour qu’il puisse entrevoir la réalisation de son rêve, au moment où les effets spéciaux générés par ordinateur permettaient enfin de recréer une éruption grandiose comme celle de 79 de notre ère.

L’action prend donc place à la veille de l’éruption du Vésuve, à l’heure des fêtes des vinalia, en août 79 de notre ère. Le Celte, Breton capturé lors d’une révolte des insulaires contre l’occupation romaine en 62, arrive à Pompéi pour combattre dans l’arène. À la suite d’un accident de chariot, il rencontre la fille d’un des principaux hommes de la ville, qui n’est pas insensible à ses charmes. Mais le bien nommé Quintus Attius Corvus, légat de Titus envoyé sur place pour s’occuper de la reconstruction de la ville après le tremblement de terre qui en a détruit une partie, la poursuit de ses assiduités, au point de faire pression sur son père pour obtenir sa main. L’éruption inattendue permet aux personnages principaux de renverser momentanément leur position sociale et de faire valoir leurs qualités humaines et leurs aptitudes physiques face au déterminisme de leur statut.

Cependant, ce n’est pas tant la trame narrative du film qui est intéressante, mais la façon dont il mélange les sources antiques et archéologiques pour reconstruire une Pompéi crédible en images de synthèse, dans laquelle s’ébattent des personnages librement inspirés de l’Antiquité. Pompéi fait en effet un raccourci prenant, mais non dépourvu de défauts, de la vision que les spectateurs modernes ont de la catastrophe de 79. La mise en exergue de la citation des passages les plus apocalyptiques de la lettre de Pline le Jeune relatant l’éruption en exergue fonctionne donc comme une note d’intention : il s’agit de recréer une Antiquité crédible dans la seule mesure où elle peut servir les genres du péplum et du film catastrophe.

Dans une optique scolaire, l’étude de cette œuvre peut s’inscrire dans l’objet d’étude Méditerranée en classe terminale LCA, au titre des grands sites archéologiques, mais aussi dans l’objet d’étude Masculin / Féminin en classe de première, ou L’autre et soi-même en seconde.

Question de datation

Dans les péplums, l’Italie et le monde méditerranéen sont habituellement chauffés par un soleil qui brille dans un ciel sans nuage. Dans Gladiator, de Ridley Scott, c’est l’Espagne, l’Afrique du Nord puis Rome même qui sont baignés de la même lumière. C’est un des invariants du péplum auxquels seuls dérogent les films se situant en Germanie ou près du mur d’Hadrien, comme L’aigle de la neuvième légion (2011) ou encore Centurion, avec Michael Fassbender (2010). Toujours est-il que l’action principale de Pompéi se situe au mois d’août sous un soleil de plomb.

Les vinalia rustica présentées pour situer l’action du film sont une fête célébrée dans l’Antiquité romaine dans les derniers jours d’août, après le 19 précisément. Elle consiste à inaugurer les vendanges de façon rituelle. Dans la narration, cette fête sert de lointain prétexte à la tenue de jeux de gladiateurs. L’incrustation que l’on repère à 12 minutes 20 secondes, quand les protagonistes entrent dans la ville de Pompéi pour la première fois, se superpose à un panoramique urbain en images de synthèse. Le simple nom de vinalia renseigne le spectateur sur la période de l’année où se situe l’action. Elle coïncide avec la date que l’on retrouve dans la plupart des manuscrits de la lettre que Pline le Jeune a adressée à Tacite1 pour le renseigner sur son expérience vécue lors de l’éruption. Cependant, cette date est remise en question, notamment parce que certains manuscrits mentionnent la date du 24 octobre (non. Kal. septembres). Par ailleurs, Pline écrit vingt-cinq ans après les faits, ce qui permet de mettre en doute la date traditionnelle. Dion Cassius, quant à lui, mentionne la date du 23 novembre2.

D’autres éléments, archéologiques cette fois, plaident pour une date plus tardive que la fin août. Les éléments, notamment les sources palynologiques, pointent l’automne et non l’été : on a en effet retrouvé sur le site, dans les strates d’époque, des graines et des pollens typiques de l'automne. Les sources carpologiques vont dans le même sens, puisque les archéologues ont trouvé des fruits typiques de cette saison, comme les figues sèches ou les châtaignes. Enfin, les sources œnologiques semblent aussi aller dans le même sens : des amphores trouvées à la Villa Regina de Boscoreale étaient déjà pleines du vin de l'année ; or les vendanges se terminaient en septembre dans la région. Par ailleurs, elles étaient déjà scellées, ce qui se faisait d’ordinaire en octobre.

Enfin, ce sont les sources numismatiques et épigraphiques qui semblent décisives. En effet, un denier de Titus trouvé en 1974 mentionne quatre événements :

T POT VIIII — revêtu de la puissance tribunitienne pour la neuvième fois

IMP XV — acclamé imperator pour la quinzième fois

COS VII — élu consul pour la septième fois

PP — père de la patrie

Or, l’on peut croiser ces éléments avec d’autres sources. D’abord, un diplôme militaire conservé au British Museum mentionne que Titus n'avait été acclamé que quatorze fois alors qu’il est daté du 8 septembre 79. Du côté des sources épigraphiques, une copie d'une lettre de Titus conservée à Séville est datée du 7 septembre 79, mais mentionne uniquement quatorze acclamations au titre d’imperator, ce qui définit le terminus post quem de la catastrophe à cette même date. Enfin, une inscription au charbon de bois mentionne la date du XVI K. NOV, c’est-à-dire seize jours avant les calendes de novembre, soit le 17 octobre. Évidemment, cette date pourrait désigner une autre année que 79, mais le simple fait qu’elle soit écrite au charbon de bois, éphémère et susceptible de disparaître en quelques semaines, exclut qu’elle soit restée près d’un an sur place. D’où il ressort indubitablement que l’éruption du Vésuve ne peut avoir eu lieu qu’après le 8 septembre, et après le scellement des dolia, bien après la fin août et les vinalia3.

La date choisie dans le film s’accorde donc sur une seule source, et laisse de côté les apports des sciences annexes de l’histoire comme l’archéologie, mais elle entre en cohérence avec le cliché qui montre les actions de l’Antiquité en plein soleil, de même que les scènes placées au Moyen-Âge sont très souvent placées en hiver, sous la neige. Nous y reviendrons.

Contexte politique et historique

Titus et la reconstruction de Pompéi

Le film prend comme point de départ de la présence de l’antagoniste Corvus la reconstruction de Pompéi après le grand tremblement de terre qui s’était produit en 62 de notre ère, et dont les conséquences étaient encore bien visibles dans l’espace de la cité en 79.

La présence de Corvus comme émissaire de Titus, ainsi que le désir de Severus de lui vendre un projet d’amélioration de la cité, renforcent le lien avec la catastrophe qui date déjà d’une quinzaine d’années. La scène, d’ailleurs, où Severus présente la maquette d’un cirque monumental à Corvus lui donne plutôt le rôle de duovir aedilis, dont la fonction était justement de s’occuper des infrastructures publiques. Enfin, puisque vers 70 l’activité sismique persistante semble avoir fait fuir les familles les plus riches, on peut envisager ces projets d’embellissement de la ville comme une ultime tentative de reconquérir l’aristocratie locale et d’endiguer les ventes de maisons aux affranchis, nouveaux riches de l’époque.

Notons une petite différence cependant entre l’Antiquité et sa représentation à l’écran : Severus se présente comme un entrepreneur, il parle de ses « affaires » et non de ses devoirs en tant que magistrat, tandis que Corvus, écartant l’intervention de l’empereur, souhaite « investir » dans les infrastructures présentées. Il semble dès lors que le contexte psychologique des personnages fasse plus appel à l’imaginaire capitaliste moderne, à l’entrepreneuriat, qu’à l’évergétisme ou au civisme à la romaine. D’ailleurs, Corvus insiste dans cette veine (32 minutes 40 secondes) : « Je ne pense pas que ce projet puisse convenir à un investissement impérial. Disons que ces fantaisies provinciales présentent peu d’intérêt pour l’empereur (…). La vision impériale de l’avenir est hélas fermement fixée sur Rome, alors qu’en ce qui me concerne, c’est un investissement qui me plairait beaucoup. »

Le film exploite donc l’enjeu de la reconstruction sous trois angles, d’abord celui de la cohérence historique, ensuite celui de la suspension d’incrédulité, car ces évènements bien réels donnent corps à un espace narratif crédible, enfin comme moteur narratif, ou plutôt comme un levier psychologique qui permet à Corvus d’exercer un chantage sur son futur beau-père : le financement impérial des projets de Severus est utilisé comme monnaie d’échange contre la main de sa fille.

D’un point de vue historique, Titus, alors empereur depuis le mois de juin 79 à la suite de la mort de son père Vespasien, pourrait en effet très bien avoir eu l’idée de se faire valoir en reconstruisant Pompéi, cité célèbre malheureusement touchée par un tremblement de terre et jamais réellement reconstruite. Le fait est que les empereurs savaient être généreux envers tel ou tel municipe ou colonie. Or Pompéi était une colonie romaine depuis 80 avant notre ère et la fin de la guerre sociale. Souvent d’ailleurs la présence de remparts était la marque de la générosité impériale : ces infrastructures inutiles au temps de la Pax romana étaient un élément de prestige, de romanité, autant qu’un moyen de parsemer le territoire de l’Empire de « petites Romes », et ainsi de garantir la pénétration du modèle civique romain aussi profondément que possible. Les remparts de Pompéi, très anciens et antérieurs à la pénétration romaine, avaient subi d’importantes reconstructions (lors de la guerre sociale et des guerres civiles), mais étaient largement laissés à l’abandon, ce qui n’est pas noté dans le film, où ils sont en parfait état. Un des objectifs de Titus dans ce cas aurait pu, par exemple, être la remise en état des murailles, qui auraient été de fait associées à son nom.

Dans une inversion intéressante des enjeux, le film s’inspire peut-être des missions que Titus a effectivement envoyées à Pompéi après l’éruption : soucieux d’évaluer les dégâts et de relever ce qui pouvait encore l’être, il fit un bilan de la catastrophe. Pompéi devait malheureusement être abandonnée à son sort, mais on pouvait encore en sauver les éléments les plus précieux. C’est ainsi par exemple que le pavage de marbre du forum fut prélevé et emporté, de même que les statues en bronze. Il n’est donc pas incongru d’imaginer le même processus pour le tremblement de terre que Pompéi avait subi une quinzaine d’années auparavant4. En tout cas, l’empressement que met Severus à attirer les largesses de l’empereur sur sa ville cadre très bien avec la nécessité de reconstruire, comme en témoignent les réfections de fortune et la descente en gamme de matériaux de construction un peu partout dans la ville, dans les lieux publics comme dans les maisons privées.

Rivalité entre Rome et les Italiens

Les personnages de Severus et Corvus forment une paire antinomique à plusieurs titres. D’une part, ils s’opposent sur le destin de Cassia, qui tente d’échapper aux avances pressantes de ce prétendant encombrant, mais, malgré le fait qu’elle ait fui Rome pour le fuir lui, elle se retrouve de nouveau la cible de ses prétentions. D’autre part, Severus représente un notable ouvert et moderne, que le sort de la fille semble préoccuper au point de lui faire venir les larmes aux yeux. Mais c’est surtout en terme d’identité qu’ils s’opposent. En effet, Corvus représente le Romain prédateur, sûr de lui et prêt à utiliser tous les atouts dont il dispose, tandis que Severus est l’incarnation de l’entrepreneur honnête homme, qui recouvre aisément la figure de l’évergète romain. Corvus représente donc l’impérialisme romain, et Severus la victime de ses abus de pouvoir. L’originalité ici réside dans le fait que cet impérialisme illustré par la présence du camp de légionnaires romain à deux pas de la ville, s’applique non à une province que l’on essaie de maintenir sous le joug de Rome, comme les rébellions de Gaule par exemple chez César, ou à une nouvelle conquête, mais à une partie italienne de l’Empire, romanisée de longue date et dans l’imaginaire collectif peu distincte de Rome elle-même. Cassia de son côté le dit clairement à Milo qui la renvoie à une identité générique de « romaine » (39 minutes 30 secondes) : alors qu’il lui assène que sa « famille a été massacrée par les Romains », elle lui oppose qu’elle n’est « pas une romaine », mais bien « une citoyenne de Pompéi ».

Cette opposition renvoie historiquement à des rivalités ancrées en Italie même, et surtout à celle entre Rome et Capoue au temps de la deuxième guerre punique. Capoue, ville industrieuse et économiquement plus dynamique que Rome, vivait mal l’oppression de son aînée, et se rallia à Hannibal lors de l’épisode funeste des délices de Capoue. Ce ne fut pas le cas de Pompéi, qui resta fidèle à Rome pendant cette période. Cependant, lors de la guerre sociale entre Rome et ses alliés (socii en latin), Pompéi prit le parti de se révolter et de rejoindre la coalition samnite qui se dressa contre Rome. Défaite en 80 avant J.-C. par Sylla, elle fut transformée en colonie romaine, c’est-à-dire qu’elle fut la destination d’implantations de familles romaines, de sorte que les populations samnites décrurent, de même que leur influence dans la ville. 150 ans plus tard, en 79 de notre ère, peut-on imaginer que cette rivalité survive au point de renaître entre deux hommes comme Severus et Corvus ? Les rivalités que nous connaissons encore en France entre grandes villes peuvent nous inciter à le croire.

Dans le film, cela est bien évidemment exagéré : la population pompéienne tourne ostensiblement le dos à l’émissaire de Titus, et Cassia prend ses distances avec la violence impérialiste de Rome quand Milo lui raconte la conquête de la Britannia, comme si elle n’y avait aucune part et qu’elle avait suffisamment d’informations pour s’en dissocier (39 minutes 34 secondes) : « je ne partage pas ces idées-là ».

L’Empire romain a-t-il jamais été unifié ?

Le paramètre linguistique n’est pas non plus à négliger. S’il faut trouver d’autres raisons pour fonder l’inimitié entre Severus et Corvus, peut-être peut-on la trouver dans les divergences linguistiques. S’il est patent que le bilinguisme était la règle un peu partout dans l’Empire5, notamment dans la pars orientis où dominait le grec, qu’en était-il à Pompéi à la fin du Ier siècle de notre ère ?

Les très nombreuses inscriptions officielles ou privées en langue osque qui restent visibles à Pompéi datent vraisemblablement de la guerre sociale, et peu à peu, à mesure que les colons de parler latin occupèrent la ville, l’osque semble avoir été remplacé par une sorte de créole latinisé, puis par le latin vulgaire. Si l’on en croit Veikko Väänänen6, la façon de parler des Pompéiens aurait gardé des traits caractéristiques de leur ancienne langue, aussi bien dans le lexique que dans la prononciation ou la prosodie. Ce sont là des survivances du substrat osque, comme à l’heure actuelle survivent des bretonnismes dans le français du Finistère, par exemple. Si le breton a en pratique été remplacé, et que ses traits intrinsèques se sont presque entièrement dissous en moins d’un siècle, cela a été la résultante de plusieurs facteurs, dont les médias en premier lieu, les voyages et les brassages sociaux de toute sorte, ainsi que l’éducation de masse en français. Rien de tout cela n’existait au premier siècle de notre ère, et c’est en se frottant aux légionnaires, aux colons, aux fonctionnaires que les Pompéiens ont dû, bon gré mal gré, modifier leur manière de parler. Cela a sûrement dû prendre plus d’un siècle. Pour les Romains, Pompéi demeurait une cité balnéaire méridionale, dépaysante du fait que la langue en vigueur n'était pas le latin.

Ainsi, pour expliquer l’opposition entre nos personnages, peut-on invoquer, afin de leur donner une dimension que le film ne fait qu’esquisser, une divergence linguistique, et peut-être une rancœur face à l’impérialisme culturel latin.

Représentation du monde : la place des femmes et des esclaves

Des femmes trop libres ?

Dans l’optique de l’étude de la condition féminine en classe de LCA Première, leur représentation dans l’œuvre donne quelques clefs. À la différence d’une série comme Rome (John Milius, 2005 -2007), qui avait l’avantage de proposer une relation entre un légionnaire de retour des campagnes de Gaule et sa femme, laissée à Rome pendant plusieurs années, le film Pompéi donne assez peu de place aux femmes. En effet, les personnages féminins sont au nombre de trois : Cassia, sa mère Aurélia et son esclave de confiance.

Lors de leur première apparition, Cassia et Ariadne sa dame de compagnie, à moins que ce ne soit une sœur de lait comme le suggère le réalisateur dans les commentaires du DVD, sont présentées comme des femmes libres. Il faut entendre cette expression dans une double extension sociale : Cassia est libre parce qu’elle est fille d’un citoyen romain, par opposition à une esclave, mais elle a aussi toute liberté de mouvement dans la ville.

Sa représentation tient compte des progrès de la condition féminine dans la noblesse romaine au cours du Ier siècle de notre ère : elle ne porte pas de voile à l’extérieur de la maison, elle n’a pas nécessairement de chaperon pour l’accompagner au-dehors. Mais elle ne se déplace pas seule de Rome, où elle a vécu pendant un an seule et exposée aux avances des hommes, jusqu’à Pompéi. De plus, compte tenu de son âge, manifestement plus de vingt ans (l’actrice Emily Browning en avait 26 lors du tournage), elle devrait être mariée. Paul Anderson justifie cela dans les commentaires qu’il fait de son propre film. En effet, le personnage de Cassia avait été pensé pour être un personnage à part entière, et non un simple faire valoir narratif, un love interest pour le héros masculin. Par là-même, il met en évidence le fait que les femmes pouvaient à cette époque être bien davantage qu’un simple faire valoir des hommes dans la société romaine. Mais le fait de lui donner cette épaisseur peut aussi laisser penser à des traits propres aux femmes d’aujourd’hui : il s’agit par conséquent aux yeux du réalisateur d’un « personnage fort et moderne », « a strong modern character ».

Cette représentation de la femme romaine comporte, pour une part, une projection dans l’Antiquité des mœurs actuelles. Cassia est sujette aux stéréotypes qui hantent le cinéma hollywoodien ou européen, comme l’a montré Nina Menkes dans son documentaire Brainwashed, le sexisme au cinéma (2022) : elle est l’objet du désir, n’agit pas réellement sur l’action, et la subit plutôt. Elle est dépeinte comme futile, tombe amoureuse sans effort et semble n'être guidée que par ses émotions, ce qui n’est d’ailleurs guère un trait spécifiquement romain ou pompéien. On reconnaît là les stéréotypes qui ont de tout temps circulé sur les femmes.

La relation entre Cassia et un gladiateur est possible : les gladiateurs trouvaient effectivement chez certaines femmes à Pompéi comme à Rome des fans ou des amantes. Mais cette relation ne peut se justifier par la découverte d’un corps de matrone romaine dans une cellule de la caserne des gladiateurs à Pompéi : son statut social est certes révélé par la valeur de ses bijoux, bracelet en or et collier d’émeraudes, mais les archéologues font remarquer qu’elle aurait tout aussi bien pu chercher refuge dans cette pièce de manière aléatoire pour échapper à la catastrophe.

La représentation des femmes oscille ainsi entre projection des caractères féminins issus de l’Occident producteur du péplum et stéréotypes généralement prêtés aux femmes depuis toujours.

Des esclaves trop libres ?

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La représentation de Pompéi et de l’éruption à l’écran

Le bon point des images 3D et des décors

Géographie antique : se repérer dans la ville

L’amphithéâtre de Pompéi : ses escaliers, ses gradins... son sous-sol ?

L’amphithéâtre de Pompéi : téléportation de mosaïques

Problèmes mineurs et stéréotypes indéracinables

Des Romains nazis

Londres sous la pluie

Massacre de gladiateurs

Tsunami, bombes de lave et statues qui s’embrassent

Conclusion

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Notes 

  1. Pline le Jeune, Lettres, VI, 16
  2. Cassius Dion, Histoire romaine, LXVI
  3. Archeo, n°260, 2006, p.10 - 13, Grete Stefani, dans son article La vera data dell’eruzione, écrit en guise de conclusion : « L’eruzione vesuviana che distrusse Pompei ed Hercolano avvenne dunque certamente in autunno, dopo l’8 settembre, più probabilmente a fine ottobre, cioè a vendemmia conclusa, forse - recuperando la data ricordata da Plinio il Giovane in alcuni suoi manoscritti – il 24 ottobre. »
  4. Adam, Jean-Pierre. Observations techniques sur les suites du séisme de 62 à Pompéi In : Tremblements de terre, éruptions volcaniques et vie des hommes dans la Campanie antique [en ligne]. Naples : Publications du Centre Jean Bérard, 1986 (généré le 02 octobre 2023). Disponible sur Internet en lien
  5. Bruno Rochette article Odysseum Éduscol
  6. Veikko Väänänen, Le latin vulgaire des inscriptions pompéiennes, 1966

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