Pan, dieu des bergers et des troupeaux, figure de la nature universelle

Plutarque rapporte dans la Disparition des oracles, XVII, une histoire dont le contexte est à replacer dans celui de l’empire romain naissant, car elle fut rapportée à Tibère qui en aurait interrogé le héros lui-même. Elle nous présente Pan comme une divinité plus proche du monde des héros que de celui des dieux puisqu’il serait mortel. Ainsi un pilote  égyptien, tandis qu’il naviguait, entendit des voix venant de l’île de Paxos l’appeler par son nom,Thamous. Celles-ci lui demandaient lorsqu’il serait à la hauteur de Palodes (aujourd’hui sur la côte albanaise) d’annoncer : le grand Pan est mort. À cette annonce tous les passagers du bateau furent glacés d’effroi. « Comme ils se consultaient entre eux pour savoir s’il valait mieux obéir à cet ordre ou ne pas en tenir compte et le négliger, Thamous décida que, si le vent soufflait, il passerait le long du rivage sans rien dire, mais que, s’il n’y avait pas de vent et si le calme régnait à l’endroit indiqué, il répéterait ce qu’il avait entendu. Or, lorsqu’on arriva à la hauteur de Palodes, il n’y avait pas un souffle d’air, pas une vague. Alors Thamous, placé à la poupe et tourné vers la terre, dit, suivant les paroles entendues : « Le grand Pan est mort. » À peine avait-il fini qu’un grand sanglot s’éleva, poussé non par une, mais par beaucoup de personnes, et mêlé de cris de surprise. »

Pan est le dieu des bergers et des troupeaux ; il veille à leur fécondité. Son front porte deux cornes, son torse velu est humain, et ses membres inférieurs sont ceux d'un bouc. Dans l'Hymne homérique qui lui est dédié, la nymphe (Dryopè) qui le mit au monde prit peur à sa vue et l'abandonna. Hermès son père le prit dans ses bras et le présenta aux autres immortels. Tous se réjouirent et surtout Dionysos. "Ils aimaient à lui donner le nom de Pan, parce qu'il avait réjoui tous les esprits", d'où son nom de Pan (pân en grec signifie "tout"). Cette étymologie sera reprise par les Grecs de l'époque classique et nombreux verront en ce dieu l'incarnation de l'univers, du grand Tout, puissance fécondante et créatrice. Dans la théogonie orphique tardive de Hiéronymos et d'Hellanikos, Protogonos, le Premier né, est appelé "Zeus qui assigne une place à toutes choses, l'ordonnateur du cosmos entier. C'est pourquoi on l'appelle aussi Pan". (Damascius, Des premiers principes, 123 bis). Dans la prière ci-dessus Pan est bien cette incarnation et cet ordonnateur de la totalité de l'univers. D’autres traditions que celle de l’hymne Homérique en font le fils d’Hermès et de Pénélope qu’Hermès aurait courtisée, tandis que, répudiée par Ulysse, elle serait passée à travers l’Arcadie afin de retrouver ses parents. 

Avant de devenir cette figure de la nature universelle à la puissance immensément étendue, Pan est d’abord une divinité rustique agile et rusée, identifié à Rome soit à Faunus (dieu à cornes des forêts et des champs) soit à Sylvanus (génie des forêts). Proche de Dionysos, il apparaît dans son cortège avec Silène et les Satyres. On lui fait des offrandes de lait, de fromage, de houlette, de figurines de personnages, et les animaux qui lui sont associés et consacrés sont le chevreau et le bouc - dont il favorise l’accouplement ; dieu transhumant, comme les bergers, Pan occupe presque tout l’espace naturel qui n’est pas cultivé. Ses principaux caractères sont la projection divine du modèle du berger ou du chevrier, joueur de flûte, doté d’une vue perçante, et vivant dans la compagnie des Nymphes. A partir du IVème siècle il devient un serviteur de Dionysos (dont le bouc est un des animaux de prédilection) semblable à Silène auquel il est presque assimilé. Apparaissent d’ailleurs à ses côtés, dans le cortège de Dionysos, des petits Pans, les Paniskoi, semblables à des satyres.

Pan est en effet représenté comme un être mi-homme, mi-animal, qui évoque les satyres : il a généralement une figure barbue, une face plissée, des traits caprins, le front orné de deux cornes, un corps velu, et des pattes de bouc à sabot fendu. Son dos est couvert d’une peau de bête et il est coiffé d’une couronne de pin. Il tient à la main une flûte rustique en roseaux (syrinx ou flûte de Pan), parfois un bâton de berger, ou un rameau de pin. Pourtant, dès le IVème siècle, on le voit aussi représenté comme un jeune dieu, ne conservant de sa nature caprine que deux pointes de cornes discrètes sur le front. Sa naissance est l’objet de traditions très diverses. La principale fait de lui le fils d’Hermès et de Dryopè (la nymphe du chêne, drus), la fille de Dryops, sur le mont Lycée (montagne « du loup ») en Arcadie ; mais il passe aussi pour être le fils de Pénélope, son père étant soit Hermès (après la répudiation de Pénélope par Ulysse) soit Apollon, soit Ulysse en personne, soit encore… tous (pantes) les prétendants. Il est parfois aussi frère de lait de Zeus et aurait partagé avec le dieu la nourrice Amalthèe (chèvre ou nymphe) en Crète, sur le mont Dicté.

 Pan était doté d’une activité sexuelle insatiable qui symbolisait la puissance et la fécondité de la nature sauvage. Au fil du temps, il s’adoucit pour ne plus être chez les Romains à l’époque impériale qu’un génie des campagnes certes assez lubrique, mais qui ne fait guère plus peur qu’aux jeunes filles très prudes. Ses conquêtes comme ses échecs furent nombreux. A Sélénè, il offrit un troupeau de bœufs blanc. Quant à la nymphe Écho dont il tomba amoureux mais sans succès, selon une des versions du mythe d'Écho, il se serait vengé d’elle en rendant fous des bergers qui la dépecèrent. Seule survécut sa voix qui répétait uniquement les derniers mots qui lui étaient adressés. Les récits de ses relations sexuelles (avec les nymphes Écho, Pitys, Syrinx ou les Ménades), à la fois ardentes et déçues, datent presque tous de la période alexandrine.

Les mythes liés à Pan, dont l’aspect hideux effraya jusqu’à sa mère à sa naissance, sont rares et concernent surtout ses déboires amoureux, même si certains épisodes le mettent en relation avec le monde olympien. Présent, et actif lors de la Titanomachie, il découvre la conque marine et en souffle lors du combat : la terreur qu’il provoque dans les rangs ennemis et la débandade qui s’ensuit lui attire l’estime de Zeus. Il sauve Zeus une seconde fois lorsqu’avec Hermès il vole à Typhon les muscles de Zeus, que le monstrueux Titan avait pris au dieu de l’Olympe et confiés, dissimulés dans une peau d’ours, à la garde du dragon Delphyné : recouvrant sa force, Zeus remonta sur un char au ciel d’où il put foudroyer Typhon.

Pan passait aussi pour provoquer des peurs soudaines chez ceux qui le voyaient ou l’entendaient, d'où le terme de Panique qui nous est resté.

La prière d'un disciple d'Orphée à Pan :

 

" J'invoque Pan le très puissant, dieu des bergers, l'universel,

qui est ciel, mer, terre souveraine et feu immortel ; 

car ce sont les membres de Pan. Viens, Bienheureux, toi le  bondissant, 

ô voltigeant compagnon des Saisons ! Bacchant aux membres de bouc, 

ami du divin délire, toi qui hantes les étoiles, 

et fais vibrer l'harmonie du cosmos dans ton chant joyeux. "

 

Hymne, Recueil de Pergame, 11. Trad. P. C.

Plutarque rapporte dans la Disparition des oracles, XVII, une histoire dont le contexte est à replacer dans celui de l’empire romain naissant, car elle fut rapportée à Tibère qui en aurait interrogé le héros lui-même. Elle nous présente Pan comme une divinité plus proche du monde des héros que de celui des dieux puisqu’il serait mortel. Ainsi un pilote  égyptien, tandis qu’il naviguait, entendit des voix venant de l’île de Paxos l’appeler par son nom,Thamous. Celles-ci lui demandaient lorsqu’il serait à la hauteur de Palodes (aujourd’hui sur la côte albanaise) d’annoncer : le grand Pan est mort. À cette annonce tous les passagers du bateau furent glacés d’effroi. « Comme ils se consultaient entre eux pour savoir s’il valait mieux obéir à cet ordre ou ne pas en tenir compte et le négliger, Thamous décida que, si le vent soufflait, il passerait le long du rivage sans rien dire, mais que, s’il n’y avait pas de vent et si le calme régnait à l’endroit indiqué, il répéterait ce qu’il avait entendu. Or, lorsqu’on arriva à la hauteur de Palodes, il n’y avait pas un souffle d’air, pas une vague. Alors Thamous, placé à la poupe et tourné vers la terre, dit, suivant les paroles entendues : « Le grand Pan est mort. » À peine avait-il fini qu’un grand sanglot s’éleva, poussé non par une, mais par beaucoup de personnes, et mêlé de cris de surprise. »

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