- Le péplos (latinisé en peplum) est la tunique sans manches s'agrafant sur l'épaule portée dans l’Antiquité par les femmes grecques. Au cinéma, l’appellation péplum n’est guère adoptée qu’en France. Pour le détail précis de sa création, voir l’article de Claude Aziza in CinémAction n° 89, Le péplum : l’Antiquité au cinéma, 4e trimestre 1998 (“Le mot et la chose”, pp. 7 - 11). Dans les pays anglo-saxons, on parle d’epic film (film épique), voire de sword and sandals (épée et sandales).
- Voir, entre autres, La Mort héroïque chez les Grecs, Éditions Pleins Feux, 2001.
- Tel Jean-Léon Gérôme (1824 - 1904) que Ridley Scott revendique haut et fort comme la source d’inspiration de son Gladiator à travers le tableau Pollice verso (“Pouce vers le bas”), 1872.
Des héros antiques au cinéma
À la fin du millénaire précédent, l’Antiquité et ses héros avaient disparu des grands écrans depuis des lustres. Certes, leur mémoire s’était réfugiée sur le petit écran pour le plus grand plaisir des amateurs de ces “Cinémas de quartier” qui partaient si bien à la recherche d’un temps perdu… celui du “péplum”. D’aucuns avaient donc enterré le genre - et les héros antiques avec lui - jusqu’au jour où vint… Gladiator ! Car, après une longue traversée du désert, c’est bien un nouvel “âge d’or” du péplum qu’inaugurait en 2000 le film de Ridley Scott, un réalisateur anglais que certains n’hésitaient pas à juger aussi has been que le type de sujets ainsi remis au goût du jour.
Depuis le succès incontestable de Gladiator, plusieurs superproductions ont joué de l’effet de mode (Troie de Wolfgang Petersen en 2004, Alexandre d’Oliver Stone en 2005, 300 de Zack Snyder en 2007) et l’élan semble donné pour attirer de nouveau le grand public dans les salles obscures avec ces héros en tunique courte dont le physique avantageux n’a d’égal que le courage.
Belle occasion, donc, de s’interroger sur la façon dont le cinéma a traité les héros antiques. Auparavant, il paraît nécessaire de préciser ce double champ d’investigation : quels héros ? quel cinéma ?
Prolégomènes
Plutôt que de balayer un ensemble si vaste qu’il mériterait des ouvrages entiers et une érudition de spécialiste, nous avons préféré limiter délibérément notre présentation à une catégorie de héros - voire à quelques héros - antiques et à un genre cinématographique précis. Une démarche qui ne prétend donc en aucune façon à l’exhaustivité, mais qui souhaite ouvrir quelques perspectives problématiques.
Les héros retenus sont purement “mythologiques”, au sens où ils s’inscrivent dans un ensemble de sources antiques, mythes et mythèmes (à la fois éléments structurants et séquences narratives), reconnus dès l’Antiquité comme un corpus distinct de l’épopée, du théâtre et de l’histoire.
Même si les recoupements entre les figures sont évidents, sont donc exclus d’une étude détaillée les héros épiques proprement dits (type Achille dans la guerre de Troie), les héros tragiques qui relèvent d’une approche théâtrale (type Œdipe), tout comme les héros historiques, même s’ils accèdent à une dimension mythique (type Alexandre le Grand), et ceux qui assurent le lien entre le mythe et l’Histoire (comme Romulus et la fondation de Rome).
Restent ceux qui relèvent du pur muthos grec, tel que l’a initié le poète Hésiode, considéré comme le “père de la mythologie”. Selon Les Travaux et les Jours, c'est “Zeus, fils de Cronos, qui créa la race divine des héros, plus juste et plus brave, que l'on nomme demi-dieux et dont la génération nous a précédés sur la terre sans limites” (vers 158 - 160). Pour préciser leur nature, nous empruntons à Socrate une définition étymologique éclairante, bien que “cratylienne” : “Leur nom légèrement altéré indique que les héros (hèrôs) sont nés de l'amour (érôs). Ils sont tous nés des amours d'un dieu pour une mortelle, ou d'un mortel pour une déesse. Considère ce qu'était aussi ce nom et tu t'en rendras mieux compte : tu verras qu'il est modelé sur le nom de l'amour auquel les héros doivent leur naissance.” (Cratyle, 398 d)
Produit d'une union mêlant le divin et l'humain, le héros mythologique participe donc des deux univers : une ambivalence que le christianisme retiendra à sa façon pour définir la nature de Jésus, “Fils de Dieu”. Ce statut ontologique lui confère nécessairement une essence merveilleuse et un rôle privilégié : selon l'expression de Marthe Robert, “le Bâtard divin de la mythologie grecque est destiné dès le berceau à une fonction sotériologique qui en fait l'égal d'un dieu” (Roman des origines, origine du roman, Paris, TEL Gallimard-Grasset, 1972, p. 93).
Star incontestée de cette catégorie héroïque : Héraklès / Hercule. On verra comment son traitement par le cinéma permet de dégager des modes de lecture.
Le genre cinématographique qui a mis ce type de héros à l’honneur est souvent désigné par un terme aux connotations plus ou moins péjoratives : le péplum. Nous le présenterons ci-après, non sans avoir attiré l’attention sur une convergence problématique fondamentale, car le péplum partage avec le mythe de nombreuses propriétés communes :
- la plasticité : autant que le mythe, le péplum prend des libertés avec une supposée doxa venue de la tradition. L’un comme l’autre témoignent ainsi de la vitalité même de cette tradition, car plus un mythe est souple, plus il va susciter de variations autour d’un noyau primitif.
- La simplicité des codes : contrairement au logos (discours fondé sur la raison), le muthos (discours nourri par l’imagination) ne vise ni le vraisemblable (et encore moins le vrai !) ni la démonstration, mais essentiellement le divertissement du plus grand nombre. Comme le péplum.
- La mise en œuvre de figures, de situations et de fonctions archétypales (par exemple, la fonction sotériologique déjà citée), selon une dimension éminemment symbolique. C'est grâce à l'épreuve que le héros gagne ses “galons”. Grand pourfendeur de monstres, vainqueur de tous les obstacles, à l’écran comme à l’écrit, il accomplit un véritable parcours initiatique. Toujours en lutte contre “le côté obscur de la force”, il redonne courage aux opprimés et fait triompher le Bien.
- Le goût pour l’aventure et le merveilleux : à lui seul, il définit la spécificité des récits mythologiques et de leurs adaptations cinématographiques avec leur lot d’“effets spéciaux”.
Les légendes de la mythologie et les productions du péplum font appel à un imaginaire collectif qui ne s’encombre pas de références érudites, mais prend plaisir à retrouver des schémas connus. Leur public est “populaire” (au sens du plus grand nombre), ce qui - inévitablement - entraîne une dépréciation : de même que les récits mythologiques sont souvent associés à une littérature enfantine (série “contes et légendes” pour la jeunesse), les péplums sont taxés de “réductions simplistes” pour spectateurs en mal d’enfance, ignorants des subtilités savantes.
Une nouvelle fabrique de héros : le péplum
Les “âges d’or” d’un genre populaire
Selon une convention qui date du début des années 1960, les critiques de cinéma français ont pris l’habitude de nommer “péplum” [1] toute production cinématographique mettant en images un épisode de l'Antiquité mythique ou historique. Les premiers péplums sont contemporains de la naissance du cinéma : ainsi, dès 1896, on peut voir un Néron essayant des poisons sur des esclaves tourné par Georges Hatot (moins d'une minute de projection produite par les frères Lumières à Lyon). Pour les spécialistes du 7e art, ce serait là l’acte de naissance d’un genre.
Le film complet (51 secondes) est visible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:1896-george-hatot-neron-poison-esclave.ogv
En 1902, le même Georges Hatot tourne un Jugement de Pâris ; en 1905, le grand Georges Méliès se met lui-même à l’écran en jouant le rôle d’Ulysse dans L’Île de Calypso : Ulysse et le Géant Polyphème ; en 1908, un Retour d'Ulysse, dû à André Calmettes et à Charles Le Bargy, est produit par le Film d'Art-Pathé dans un style très Comédie -Française (et avec les stars de cette illustre institution, tels Julia Bartet et Paul Mounet). Ces premiers films portent alors à l'écran des scènes encore fortement marquées par l'esthétique du théâtre et de l'opéra qui inspirent le jeu de leurs acteurs.
En Italie, les studios Ambrosio Film produisent la première adaptation du célèbre roman d'Edward Bulwer-Lytton, Les Derniers jours de Pompéi, tournée par Luigi Maggi (1908). Ce film inaugure un style appelé à séduire un large public populaire par une mise en scène grandiose où de belles histoires d'amour, de courage et de trahison se mêlent aux péripéties de l’action.
Le film complet (16’ 44) est visible sur :
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:The_Last_Days_of_Pompeii_(1908).webm
À côté d'une production italienne sans cesse grandissante, que le fascisme mussolinien tentera de récupérer un moment (ainsi le Scipion l'Africain de Carmine Gallone, en 1937, avec ses éléphants et son colonialisme glorieux), les États Unis cherchent vite à surenchérir dans le spectaculaire (Ben Hur, a Tale of the Christ, Fred Niblo, 1925). Les “remakes” se succèdent jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.
Dans les années 1950, le deuxième âge d’or du péplum vient encore des cinémas américain et italien :
- le premier remet à l’honneur les grands spectacles antiques avec le retour au genre de Cecil B. de Mille (Samson et Dalilah, 1949 ; une deuxième version des Dix commandements, 1954 - 1956), tandis que Melvyn Le Roy tourne Quo Vadis ? en 1951 et qu’Henry Koster inaugure le procédé Cinémascope avec La Tunique en 1953. Ces super-productions, souvent qualifiées d’hollywoodiennes (Ben Hur, William Wyler, 1959), jouent sur des reconstitutions fastueuses et une distribution prestigieuse pour montrer la supériorité du cinéma par rapport à la télévision naissante : elles obtiennent les faveurs du public du monde entier.
- le second, moins somptueux dans les décors, se révèle souvent plus fantaisiste dans l'interprétation des héros de l’Antiquité. Tandis que Riccardo Freda s’illustre avec son Spartacus (1953), glorifiant la résistance de l’esclave révolté que Stanley Kubrick remettra à l’écran en 1960, Mario Camerini choisit Ulysse dont il confie le rôle à la star américaine Kirk Douglas (Ulysse, 1954). Le succès du film est tel que Pietro Francisci va en exploiter la veine – et une partie des décors ! – pour son Hercule (Les Travaux d'Hercule, 1957 ; Hercule et la reine de Lydie, 1958).
Fortement concurrencés par les Américains, les Italiens relancent alors une production populaire de masse : de 1953 à 1965, plus de 170 films “antiques” sont tournés dont 140 entre 1960 et 1965 (avec, certaines années, la sortie de 30 à 40 péplums). Une véritable industrie à la chaîne impose une esthétique “kitsch” à bon marché : Cinecitta, le rêve hollywodien de Mussolini, offre ses carrières de pierres pour un décor de convention totalement interchangeable ; peu importent les périodes et les ordres architecturaux, un palais mycénien ne se distingue guère d'un temple romain ! On va même jusqu'à réutiliser les séquences d'un film à l'autre, selon la pratique du stock shot. Le péplum est tout sauf historique : pas de souci d'érudition pour un public dont on a pu dire qu'il manifestait le même comportement infantile, sinon régressif, que le héros !
Aucun réalisateur n'échappe au genre. Certains y font leurs premières armes, comme Sergio Leone avec Le Colosse de Rhodes (1961). Mais ce sont précisément ces jeunes réalisateurs qui signent l’arrêt de mort du péplum. À partir de 1965, la production s'étiole, pour se tarir presque définitivement au profit du western-spaghetti. En Italie comme ailleurs, la veine antique ne subsiste plus guère, à quelques exceptions près, qu’à travers des productions parodiques (Le Forum en folie, Richard Lester, 1966) ou pornographiques (Caligula, Tinto Brass, 1977). L'une des dernières tentatives pour réanimer un genre populaire moribond viendra de Grande-Bretagne avec Le Choc des Titans (Desmond Davis, 1981), qui raconte les aventures de Persée.
Un mauvais genre ?
Tandis que les spécialistes de cinéma, non sans mépris, l'ont le plus souvent classé en série B (comme “cinéma bis”), le péplum est aussi la cible des spécialistes ès Antiquité qui s’offusquent de sa façon de montrer la dite Antiquité.
Certes, le péplum garde la trace des origines foraines du cinéma et il perpétue le goût du divertissement populaire où l'aventure ne vient jamais troubler les lois de la morale. Il obéit aux conventions d'une Histoire stylisée, sinon très simplifiée pour les besoins du spectacle : aventures amoureuses et héroïques, événements et personnages choisis pour le sensationnel au mépris d'une analyse de fond, morale toujours sauvegardée. C'était déjà l'optique du roman-feuilleton au XIXe siècle, c’est celle du roman-photo, autres genres populaires par excellence, dont le péplum présente souvent les mêmes caractéristiques.
Peu importe si l'histoire est toujours la même : on vient au cinéma pour se divertir. Et on y vient en famille, comme le montre une amusante séquence du Fellini Roma (Federico Fellini, 1972) : la mère essuie une larme en regardant les tendres amours des ingénues, le père s'émeut à la vue des tuniques légères, le fils s'enthousiasme aux prouesses héroïques. Qui sait si la nostalgie des bancs de l'école et des déclinaisons latines n'ajoute pas à l'émotion du spectacle ? Tous les ingrédients sont réunis pour une recette à succès selon un scénario en apparence admirable de naïveté : les bons sont vraiment très bons, les méchants trop méchants ! Les aventures des héros ressemblent à celles de leurs “collègues” qui peuplent les bandes-dessinées (les comics américains) : mêmes couleurs vives, voire criardes, même surenchère dans les rebondissements de l’action.
Types et stéréotypes
Une typologie du héros se dégage, quasi immuable : athlétique, celui qui se comporte en “preux” chevalier met toujours sa force “herculéenne” (à défaut de son astuce !) au service du droit bafoué, des opprimés et des jeunes filles en péril. Belle occasion de mettre en valeur la plastique très admirée des champions de culturisme, les “Messieurs Muscle” vedettes du moment, comme Steve Reeves dans les années soixante. Cheveu court, sportif, et donc court vêtu : la tunique se prête admirablement à des effets d’un érotisme subtil en dévoilant une musculature tendue et huilée. Le héros est simple, voire simpliste : il parle peu, mais agit beaucoup. Il parcourt le monde : au cours de ses voyages, il affronte des tyrans sanguinaires ou des reines cruelles et se met toujours au service du peuple opprimé. Il se fait souvent le porte-parole de la foule : bon sens populaire et morale traditionnelle.
À ses côtés, se distinguent des figures récurrentes :
- la vierge / fiancée, d’abord fille respectueuse, puis épouse digne, aussi innocente que timide, elle est “candide” dans tous les sens du terme : toujours habillée de blanc, une sage tresse blonde sur le côté. Son seul destin est d'être une victime effarouchée par des méchants pour être sauvée par le héros dont elle est la récompense méritée.
- l'enfant / adolescent, souvent ancien esclave devenu compagnon du héros, franc, jovial, astucieux. En quelque sorte la ruse du petit Poucet au service de la force herculéenne. C’est un faire-valoir comique destiné à détendre l’humeur parfois trop sérieuse du héros.
- le vieillard, sage et respecté, souvent doté d’une longue barbe blanche de type “biblique”.
- les méchants : au choix, le roi usurpateur, le traître cauteleux à la barbiche noire et pointue (de type oriental marqué), le voluptueux sadique et gras, la “vamp”, femme fatale brune et pulpeuse, au décolleté aussi provocant que le comportement (vêtements moulants, de couleurs très vives ou noirs). Le héros les combat sans relâche et finit toujours par les éliminer.
Pour faire “antique”, une supposée vraisemblance historique nourrit l’imaginaire des spectateurs de costumes (la tunique ou la toge), de coutumes (les jeux du cirque), de scènes obligées (le banquet façon “orgie”, le ballet façon “danse orientale”), comme d'expressions "néo-archaïques” (du type “Salut ! ô roi...”). Un certain nombre de péripéties tout aussi stéréotypées doivent mettre en valeur l’intrépidité du héros : la course (ou poursuite) de chars, la bataille rangée, le duel à mort, la torture, le cataclysme avec effondrements variés (tremblement de terre, éruption volcanique, raz-de-marée, au cours duquel le héros ne manque jamais de sauver un enfant, une femme, un vieillard apeurés).
Pour réduire les coûts des décors (bien souvent de carton pâte !), l'action se déroule dans des lieux de convention aisément identifiables et interchangeables : l'appartement royal avec fresques et étoffes censées “faire riche” ; la grande salle du trône ou du temple (rectangulaire, bordée de colonnes ou de statues) ; la grande place de la cité, devant le palais (un bâtiment imposant qui constitue généralement le plus important décor du film), où le peuple se réunit et où se déroulent les scènes de combats héroïques. Quelques extérieurs naturels sont aussi reconnaissables de film en film : chutes d'eau paradisiaques, grotte livrant passage aux Enfers, plaine où se livrent les grandes batailles, plage où le héros débarque.
Les choix dans la stratégie du spectaculaire deviennent rapidement des habitudes : le péplum grec sera plutôt mythologique, parfois même proche du fantastique, grâce aux effets spéciaux que ne peut manquer de susciter le merveilleux de la mythologie ; le romain plutôt historique et guerrier, grâce aux personnages drapés dans une tradition distillée par les manuels scolaires.
Les péplums italiens des années 60 cultivent le goût de l'étrange (personnages diaboliques, couloirs secrets, ténèbres, objets magiques). Ils se rapprochent ainsi des films fantastiques avec monstres et vampires produits par les Studios Hammer à la même époque aux États Unis. Le même goût pour le technicolor s'y retrouve, avec une prédilection pour le rouge. Les chefs-opérateurs jouent un rôle aussi important, sinon plus, que les réalisateurs eux-mêmes : ainsi Les Travaux d'Hercule et Hercule et la reine de Lydie doivent sans doute plus à Mario Bava (qui passera ensuite à la réalisation) qu'à Pietro Francisci. C’est pourquoi il n'est guère étonnant de constater que certains réalisateurs de péplums, comme Riccardo Freda, Mario Bava, Mario Caiano, Giorgio Ferroni, se sont aussi spécialisés dans le genre fantastique : (néo) mythologique ou pas, le héros se trouve toujours confronté à de nombreux monstres.
D’où l’importance de ce rite initiatique fondamental qui caractérise le héros mythologique : pour parvenir à son but, il est souvent conduit à descendre aux Enfers, ou du moins dans les entrailles de la terre (Hercule contre les vampires de Mario Bava, Maciste contre les Hommes de pierre de Giacomo Gentilomo, Les Titans de Duccio Tessari, Hercule contre Moloch de Giorgio Ferroni, et surtout Maciste aux enfers de Riccardo Freda).
Le héros acquiert ainsi une forme d’identité et d’intemporalité archétypales : il n'est ni un dieu ni un homme, mais une incarnation du Bien sur terre se battant contre les forces du Mal. Son combat peut même prendre des accents de révolte prométhéenne ; ainsi dans La vengeance d'Hercule de Vittorio Cottafavi (1960), Hercule n’hésite pas à affronter son père Zeus : “Je te renie, Zeus... Je te déclare la guerre, dieu stupide et cruel : crains le courroux d'Hercule !”
Hercule superstar
On sait qu’Hercule est le plus grand de tous les héros mythologiques, celui dont les aventures ont inspiré le plus de récits, qui a été le plus souvent représenté sur les vases grecs. Même constat pour le cinéma “car dans le péplum, tous les chemins mènent à Hercule. Robert Graves définissait le fils de Zeus comme “une patère” à laquelle avait été accrochées les traditions les plus disparates. Mais au cinéma c’est un véritable Bottin qu’est devenu le carnet de rendez-vous du fils de Zeus : les Incas, les soucoupes volantes, la Momie, Hercule a tout vu, tout lu, tout bu.” (Michel Éloy, in CinémAction n° 89, “La mythologie grecque au cinéma”, p. 31).
La gloire de “Monsieur Muscle”
Ce sont Les Travaux d'Hercule de Pietro Francisci (1958) qui mettent la mythologie à l’honneur sur grand écran et lui donnent ainsi une dimension très populaire. Même si trois travaux seulement sont développés sur les douze canoniques, l’œuvre de Francisci est une bonne révision d’ensemble de la geste herculéenne. Succès aussi inattendu que retentissant : à sa sortie, le film se classe premier au box-office italien et Steve Reeves (1926 - 2000), ex “Monsieur Muscle” et “Monsieur Univers”, devient une vedette internationale. L’acteur américain reprend donc très vite le rôle d’Hercule dans Hercule et la reine de Lydie (Pietro Francisci, 1959). On peut dire que l’étoffe du “colossal” héros lui collera à la peau toute sa vie !
Après les deux films inauguraux de Francisci et la “mythique” prestation de Steve Reeves, les aventures d’Hercule se poursuivent au cinéma sans grand souci de fidélité à la tradition mythologique, mais avec celui d’exploiter le succès populaire : Hercule est un sur-homme, toujours hypermusclé, se promenant dans le même costume que Tarzan afin de mettre en valeur son impressionnante musculature. L’humour - volontaire ou non ! - vient souvent se glisser dans des aventures délibérément “rocambolesques” : Les Amours d’Hercule (Carlo Ludovico Bragaglia, 1960) confient au héros campé par Mickey Hargitay le soin de “mettre en relief” les charmes pulpeux de Jayne Mansfield (Déjanire). Après La vengeance d’Hercule (1960, avec Mark Forest), Vittorio Cottafavi tourne un Hercule à la conquête de l'Atlantide (1961) où il fait jouer à Reg Park, culturiste britannique rival de Steve Reeves, un Hercule sympathique, moins enclin à la bagarre que ses collègues et plus préoccupé des plaisirs de la table. Dans Hercule contre les vampires (1961), Mario Bava place aux côtés d’Hercule (encore joué par Reg Park) un autre grand héros de la mythologie grecque : Thésée. Les deux compères font ainsi une longue visite aux Enfers où ils rencontrent Proserpine (présentée comme la fille et non pas la femme du maître des lieux Pluton), dont Thésée tombe amoureux ; ici Bava reproduit les grandes lignes de la légende canonique (Hercule aux Enfers pour y délivrer Thésée prisonnier). Quant à Mario Caiano, il imagine pour son Ulysse contre Hercule (1961) un amusante rivalité entre les deux héros éponymes bien connus.
Tandis qu’Alberto de Martino fait une fois de plus triompher Hercule (Le Triomphe d’Hercule, 1965), les réalisateurs se succèdent alors pour donner au héros les adversaires les plus improbables : la même année 1964, Giorgio Ferroni tourne un Hercule contre Moloch, Pietro Francisci un Hercule, Samson et Ulysse, Osvaldo Civirani un Hercule contre les fils du soleil qui met le champion grec aux prises avec des Incas !
Dans les années 1980, Luigi Cozzi (alias Lewis Coates) tente, sans succès, de relancer le péplum à la sauce Starwars : son Hercule, interprété par Lou Ferrigno, a beau jouer sur la mode des effets spéciaux, il ne sauve guère le genre du naufrage (Hercule, 1982, et Les Aventures d’Hercule, 1985).
Pour achever ce panorama “herculéen”, il convient encore de mentionner trois films qui, dans le domaine de l’humour clairement affiché, retiennent l’attention :
- Les Trois Stooges contre Hercule (Ewdard Bernds, 1961) : grâce à une machine à remonter le temps, les trois comiques Larry, Moe et Curly Joe débarquent en Grèce ancienne où ils rencontrent notre super-héros.
- Hercule à New-York (Arthur Seidelman,1969) : après un amusant prologue sur le mont Olympe, le scénario offre une parodie moderne du mythe (puni par son père Zeus, Hercule tombe du ciel dans les rues de la grande ville américaine où il ne manquera pas de se faire remarquer). Dans le rôle-titre, un débutant à l'écran, Arnold Schwarzenegger, promis à une belle carrière “herculéenne” : de Conan le barbare à Terminator, le fringant acteur d’origine autrichienne aura le temps de faire admirer sa musculature avant de devenir gouverneur de Californie.
- Hercule, dessin animé John Musker et Ron Clements (studios Disney, 1997) : alors que le pionnier français du dessin animé Émile Cohl avait créé non sans fantaisie Les Douze travaux d’Hercule en 1910, les puissants Studios Disney réactivent la légende du héros, de sa naissance à ses travaux, avec un humour et une inventivité qui ont quelque peu désarçonné le grand public.
Un avatar d’Hercule : Maciste
Un phénomène intéressant dans la production de masse du deuxième âge d’or du péplum mérite d’être souligné, la vague des Macistes, qui offre l’occasion d’étudier un aspect fondamental de la problématique du héros : la fabrication d’un mythe. Car Maciste, avatar (au sens étymologique) d’Hercule, est une pure invention cinématographique.
Cette invention est directement liée à ce que la critique considère comme le premier grand classique du péplum, devenu monument d'un genre en plein essor et qui apparaît déjà comme une spécialité italienne : Cabiria que réalise Giovanni Pastrone en 1913. Six mois de tournage, quatre heures de projection : la première super-production du 7e art.
Cabiria est un "drame gréco-romain-punique", selon l'expression de son scénariste, Gabriele d'Annunzio. Au cours de la seconde guerre punique, un noble patricien romain, aidé de son fidèle esclave noir, Maciste, arrache la jeune et belle Cabiria aux méchants prêtres carthaginois qui s'apprêtent à la livrer en pâture au monstre Moloch.
C’est un docker inconnu, déniché sur le port de Gênes, Bartolomeo Pagano, qui est choisi pour interpréter Maciste en raison d'une musculature ad hoc. L'esclave herculéen (son nom de Maciste est peut-être une référence à l’adjectif grec mégistos, « très grand ») fait aussitôt sensation. C’est le début de la gloire pour son interprète et d’une série prodigieuse d’aventures sur grand écran.
Entre 1915 et 1926, pas moins de 23 films ont pour héros Maciste, toujours incarné par Bartolomeo Pagano. La majorité d'entre eux n'ont aucun rapport avec l’Antiquité : un Maciste Alpino, par exemple, le voit soldat lors de la Première Guerre mondiale. À la manière des séries comiques (on pense aux Charlots), ils montrent ainsi Maciste dans des situations différentes, dont l'intrigue elle-même est résumée par les titres (Maciste amoureux, Maciste touriste, Maciste médium, etc.). Deux d'entre eux, cependant, feront l'objet de “remake” en 1962 : Maciste en enfer (Riccardo Freda) et Maciste à la cour du cheik (Domenico Paolella).
Même s’il est directement inspiré de la figure d’Hercule, Maciste se distingue de son modèle, comme on le voit : il représente l'homme du peuple. Hercule possède une maison, une famille, des amis. Maciste, lui, est sans attaches. C’est pour subsister qu’il doit s'acquitter de ses durs “travaux”, comme labourer la terre ou se donner en spectacle dans les foires en exhibant sa force fabuleuse. Alors qu’Hercule ne sort pratiquement pas du cadre antique, Maciste traverse les âges comme les régions du monde et ses aventures mêlent d'autres genres que le péplum strict, comme le fantastique. Il semble surgir de nulle part pour mettre sa force au service des démunis, sans qu'on lui ait rien demandé (Maciste aux enfers). C'est déjà la figure du poor lonesome cow-boy que l’on retrouvera un peu plus tard dans le western-spaghetti.
En 1920, Carlo Campogalliani réalise une trilogie (muette) des aventures du colosse (La Trilogie de Maciste), puis le personnage tombe dans l'oubli. Jusqu’au jour où, quarante ans plus tard, le même Campogalliani exhume le personnage pour tourner Le Géant de la Vallée des Rois (1960). Maciste, interprété par Mark Forrest, un nouveau “Monsieur Muscle” concurrent de Steve
Reeves, se retrouve en Égypte, face à une voluptueuse et vilaine reine nommée Imédès, contre laquelle il va insuffler la révolte dans le cœur des esclaves condamnés à ériger les fameux monuments de la vallée en question... Non sans avoir affronté deux lions furieux, ce qui lui permet de ne pas démériter face à Hercule ou au biblique Samson.
Le succès est énorme et le personnage est repris dans de nombreux films. Il faut dire que Francisci a lancé la mode des costauds à l'antique : le géant d'avant-guerre, incarné par le docker Pagano, bon vivant et humain, au physique sauvage, laisse désormais la place au surhomme parfait, à la musculature idéale. Nous ne citerons ici que quelques titres dans cette “colossale” production : Maciste contre le Cyclope, Maciste l’homme le plus fort du monde (Antonio Leonviola, 1961) ; Maciste contre les monstres (Guido Malatesta, 1962) ; Maciste en enfer (Riccardo Freda, 1962), reprise du film de Guido Brignone (Maciste aux enfers, 1926) ; Le Triomphe de Maciste (Amerigo Anton, 1962) ; Maciste contre Zorro (Umberto Lenzi, 1963) ; Maciste contre le fantôme, Maciste contre les hommes de pierre (Giacomo Gentilomo, 1961, 1964).
Pour renouveler le péplum, les scénaristes n’hésiteront pas à faire de la surenchère : sur le modèle de Maciste, on crée un nouveau héros herculéen : Ursus, tout droit sorti de Quo vadis ? C’est ainsi que l’esclave au grand cœur qui sauve la frêle héroïne, martyr de l’arène, devient le héros de l’Ursus de Carlo Campogalliani (1960), rebaptisé, pour les écrans français, La fureur d'Hercule, ce qui témoigne bien du caractère interchangeable de ces figures héroïques devenues populaires. On se plaît même à imaginer de “gigantesques” confrontations où l’on associe allègrement les personnages “mythologiques”, comme en témoigne le double titre du film de Giorgio Capitani, Le Grand Défi / Hercule, Samson, Maciste et Ursus (1964).
On a compris que l’on est plus près ici des Tarzans et autres Zorros qui ont envahi les écrans que des classiques héros de la mythologie grecque. Comme ses confrères culturistes, Maciste ne survivra pas au déclin du péplum et aux assauts des cow-boys italiens qui envahissent les écrans à la suite du succès de Pour une poignée de dollars (Sergio Leone, 1964). Restent des films naïfs et bondissants, bourrés de héros bien huilés, de monstres mités et de rochers en carton-pâte, à qui le temps et la nostalgie des cinémas de quartiers a donné une coloration kitsch, sinon un charme indéniable.
La porte s’est ouverte vers un nouveau genre : en 1982, Dino De Laurentiis, déjà producteur de certains péplums dans les années 60, produit Conan le barbare de John Milius (avec le bel Arnold Schwarzenegger, comme on l’a déjà signalé), un “film-culte” pour les amateurs. Il annonce le genre de l’Heroic Fantasy au cinéma, avec des codes qui ne sont pas sans rappeler le péplum dit italien : héros “bodybuildé”, personnages typés, exotisme, fantastique et fantaisie.
Le monde merveilleux des effets spéciaux : Jason et Persée
Face au cas Hercule et à son écrasante présence dans la production dite “mythologique” du péplum, il faut signaler deux héros qui ont donné lieu à deux chefs-d’œuvre du genre : Jason et Persée, avec respectivement Jason et les Argonautes (Don Chaffey, 1963) et Le Choc des Titans (Desmond Davis, 1981). Deux films liés par le travail du même créateur des effets spéciaux, vénéré comme le maître du genre par tous les cinéastes et cinéphiles contemporains : l’Américain Ray Harryhausen.
Jason et les Argonautes offre le cycle complet de la geste de Jason, de son enfance menacée à la conquête de la fameuse Toison d’or. Les épisodes se succèdent sur un rythme soutenu : parmi les séquences les plus spectaculaires, l'affrontement avec Talos, le géant de bronze qui garde la Crète, la chasse aux Harpyes, l’apparition de Poséidon qui sort de la mer pour retenir les énormes blocs rocheux des Symplégades et permettre ainsi à la nef Argo de franchir les écueils. Et, surtout, le morceau de bravoure demeurée “mythique” : la lutte des Argonautes contre une armée de squelettes surgis du sol, tels les guerriers nés des dents du dragon semées par le roi de Colchide. Une séquence d’anthologie pour ses effets spéciaux, filmée image par image.
Ray Harryhausen, qui a créé aussi les effets spéciaux du Septième voyage de Sinbad (1958), de L’Île mystérieuse (1961) ou encore d’Un million d'années avant J.-C. (1966), reprend du service « mythologique » avec Le Choc des Titans : cette fois, il s’agit de la geste de Persée, de sa naissance tumultueuse (il est abandonné avec sa mère Danaé dans un coffre jeté à la mer) à son mariage avec la belle Andromède. Le dressage du cheval ailé Pégase, le passage du Styx, la lutte contre Cerbère (filmée dans les superbes temples doriques de Paestum), le combat contre la Gorgone Méduse, la délivrance d’Andromède menacée par un horrible monstre marin (ici nommé Kraken) sont autant de séquences « choc ». L’assemblée des Olympiens présidée par Zeus (sir Laurence Olivier en personne), la chouette d’Athéna (devenue un robot aux caractéristiques très inspirées de Starwars), les Grées (trois vieilles dotées d’un seul œil) viennent enrichir la dimension éminemment merveilleuse de l’histoire.
Deux sommets du péplum mythologique, donc, qui illustrent parfaitement la dimension proprement “fantastique” (pour ne pas dire fantasmagorique) des légendes héroïques les plus célèbres.
Épilogue : de Gladiator à Léonidas, le grand retour du héros
On l’a dit et répété, le péplum ne s'est jamais voulu une traduction fidèle d'un récit antique ni un témoignage documenté sur un événement réputé ; il est au contraire conçu comme un spectacle populaire et familial où chacun peut retrouver les souvenirs scolaires de son enfance comme les échos des préoccupations de son époque. Obéissant à un genre codifié - un héros traversant de spectaculaires épreuves initiatiques pour assurer la victoire du Bien contre des méchants promis au châtiment -, le péplum retrouve ainsi plus ou moins volontairement la façon dont les Anciens eux-mêmes concevaient leurs mythes, voire leur histoire nourrie de ces “exemples de vertus” héroïques (virtutis exempla) dont le seul récit devait instruire les esprits.
À ce titre, nous terminerons par là où nous avons commencé : la renaissance d’un genre cinématographique. Que nous dit le péplum d’aujourd’hui du héros antique ? Quelles “valeurs” cherche-t-il à transmettre par ses nouvelles figures héroïques ? Certes le Maximus de Gladiator (Ridley Scott, 2000) et le Léonidas de 300 (Zack Snyder, 2007) ne sont pas des héros mythologiques à proprement parler, mais on peut dire qu’ils fondent une nouvelle mythologie du héros.
On a dit que l’Occident se cherche de nouveaux héros et l’on se souvient de l’emblématique héroïsation des pompiers new yorkais en 2001 : “Le héros nouveau a le torse d’Atlas, un cou de taureau, des mains de forçat et des bacchantes en U inversé. Et depuis le 11 septembre, il est partout. Dans les reportages télé, où ce grand gaillard casqué émerge des ruines du World Trade Center au ralenti, porté par des violons débridés. Les bretelles sont tendues sur le tee-shirt trempé, les moustaches et les cheveux sont couverts de cendres.” Belle séquence mythique “herculéenne”, ainsi résumée par Olivier Pascal-Moussellard dans Télérama (n° 2706 du 21 novembre 2001).
Entre Hercule et Jésus - la dimension sotériologique ! - , le héros du nouveau péplum s’offre en martyr à l’apothéose finale. Le général Maximus (Russel Crowe) emprisonné, bras en croix, dans les souterrains du Colisée, est lâchement poignardé par Commode. Avant de succomber, il abattra pourtant le tyran au milieu de l’arène (Gladiator). Le roi Léonidas (Gerard Butler), “descendant d’Héraclès”, criblé de flèches tel saint Sébastien, gît au milieu de ses trois cents Spartiates, les bras en croix (300). Son sacrifice sauvera la Grèce de l’invasion perse. Seuls contre tous, les deux héros offrent sur grand écran le spectacle de cette “belle mort” dans laquelle Jean-Pierre Vernant voit la caractéristique même du héros antique [2]. Le tout dans une esthétique nettement influencée par ces peintres “pompiers” [3] que les Anglo-saxons adorent, mais qu’il fut de bon ton en France de mépriser en réléguant leurs tableaux dans les salons des sous-préfectures avant de leur ouvrir quelques salles au musée d’Orsay.
Peu importent les messages idéologiques réels ou supposés véhiculés par ces films : ils renouent avec un genre populaire qui, à défaut des lauriers de la (petite) critique, rencontre le succès auprès du (grand) public. Car c’est bien là ce que le lecteur/spectateur attend d’un héros en fin de compte (de conte) : vivant ou mort, un héros est toujours beau, intrépide, jeune, immortel. Qu’il vive ! Après les épreuves et les dangers, il nage dans le bonheur, retrouve son royaume, se marie. Comme un prince de contes de fées, il nous fait rêver. Qu’il meure ! Sa mémoire reste à jamais gravée dans les cœurs. Il nous fait pleurer. Vivant ou mort, qu’il nous fasse vibrer pour nous sortir de la banalité du quotidien !