La Mosaïque des auteurs grecs d'Autun Un témoignage de la culture grecque en Gaule

  1. La négation, ὥς μὴ, se trouve aussi chez Athénée et Eustathe. On trouve, sans la négation, ὥς δὴ chez Orion et ὥς ἤδη dans l’Etymologicum Magnum.
  2. La fin du fragment 429 (ἐμοὶ δὲ δὸς…), inconnue de la tradition manuscrite, est une reconstitution due à Alain Blanchard.
  3. La maxime est traduite littéralement par Cicéron, De fin. I, 18, 57 : Clamat Epicurus... non posse iucunde uiui nisi sapienter honeste iusteque uiuatur, nec sapienter honeste iuste nisi iucunde. Cf. Sénèque, De vita beata VII, 1 : et aiunt nec honeste quemquam uiuere ut non iucunde uiuat nec iucunde ut non honeste quoque ([Les Epicuriens] affirment que personne ne saurait vivre honnêtement sans vivre agréablement, ni agréablement sans vivre aussi honnêtement). Plutarque, Non posse suaviter vivi, 1087c : Τὸ ἡδέως ζῆν ἄνευ τοῦ καλῶς ἀνυπαρκτόν ἐστιν, ὡς αὐτοὶ λέγουσιν (Vivre avec plaisir n’existe pas en dehors de vivre selon le bien, comme ils [les Epicuriens] le disent eux-mêmes).
    Dans la Lettre à Ménécée, 132, Epicure développe le contenu de la maxime : « ...la philosophie nous enseigne qu’il n’est pas possible de vivre avec plaisir sans vivre d’une façon prudente, bonne et juste, <ni de vivre d’une façon prudente, bonne et juste sans vivre avec plaisir>; car les vertus sont naturellement associées au fait de vivre avec plaisir et le fait de vivre avec plaisir est inséparable des vertus » (συμπεφύκασι γὰρ αἱ ἀρεταὶ τῷ ζῆν ἡδέως, καὶ τὸ ζῆν ἡδέως τούτων ἐστὶν ἀχώριστον). En fait, la Maxime 5, elle aussi, est complétée, chez Diogène Laërce, par une addition : « Et celui à qui fait défaut <ce qui permet> de vivre d’une façon prudente, bonne et juste [c’est-à-dire les vertus], celui-là il n’est pas possible qu’il vive avec plaisir » (ὅτῳ δὲ τοῦτο μὴ ὑπάρχει <ἐξ> οὗ ζῆν φρονίμως καὶ καλῶς καὶ δικαίως, οὐκ ἔστιν τοῦτον ἡδέως ζῆν).
  4. La tradition manuscrite ajoute à la fin de la première phrase « et il faut ne plus être pour l’éternité » (δεῖ δὲ τὸν αἰῶνα μηκέτι εἶναι).

Autun (Augustodunum), la nouvelle capitale des Eduens, créée au pied de l’oppidum de Bibracte (comme Toulouse au pied de Vieille-Toulouse) est rapidement devenu un centre universitaire. En 1965 et 1990 y ont été découverts les étonnants panneaux de mosaïque de la “maison des auteurs grecs” (IIè s.). Y figurent :

  • le poète archaïque du vin et de l’amour, Anacréon, avec le texte grec des fgts 396 et 429 (Page, PMG
  • le philosophe Epicure, avec le texte de la Maxime capitale 5 (reconstituée à partir des 30 lettres subsistantes
  • le philosophe Métrodore, disciple d’Epicure, avec le texte de la Sentence vaticane 14 d’Epicure.

Ces citations font partie du « bagage culturel » des Grecs et des Romains cultivés. La Maxime d’Epicure, par exemple, est citée ou glosée par Cicéron, Sénèque, Plutarque…Les panneaux d’Autun montrent que les élites gauloises de la Lugdunaise (et des autres provinces gauloises) ont, elles aussi, une excellente connaissance des auteurs grecs. Leur connaissance des poètes et philosophes grecs peut être liée à leur éducation oratoire, puisque Tacite, dans le Dialogue des orateurs (31), conseille aux orateurs d’utiliser Platon et Xénophon « et même d’emprunter à Epicure et Métrodore certaines maximes édifiantes » (honestas quasdam exclamationes). En même temps, avec son sage épicurisme, la mosaïque exprime le bonheur de ces élites de pouvoir vivre, sur leurs vastes domaines, une existence agréable et cultivée. Martial, qui emprunte beaucoup aux poètes grecs et latins, emprunte aussi aux philosophes pour avertir ses amis : « Personne ne se presse jamais assez de vivre » (II, 90, 4 : Properat uiuere nemo satis) ; Quand on sait vivre, pourquoi différer ? » (V, 20, 3 : Quisquam vivere cum sciat moratur ?) ; « Tu vivras demain ? Vivre aujourd’hui, Postumus [c.a.d.“Post-poseur, Procrastineur”], c’est déjà trop tard. Seul est sage, Postumus, celui qui a vécu dès hier » (V, 58, 7-8 : Cras uiues ? Hodie iam uiuere, Postume, serum est. Ille sapit quisquis, Postume, uixit heri).

Anacréon, fr. 396 Page (Athénée, XI, 782a)

Φέρ᾽ ὕδωρ, φέρ᾽οἶνον, ὦ παῖ, φέρε <δ᾽> ἀνθεμόεντας ἡμῖν1 πρὸς Ἔρωτα πυκταλίζω.

Apporte de l'eau, apporte du vin, garçon, apporte-nous des couronnes

de fleurs. Apporte, que je ne lutte pas contre Eros.

Anacréon, fr. 429 Page (Hephaestion, Manuel de métrique, V 3, p. 16 Consbruch)

Ὁ μὲν θέλων μάχεσθαι,

πάρεστι γάρ, μαχέσθω.

Ἐ[μοὶ δὲ δὸς] προ[πίνειν 2

Celui qui veut aller se battre,

il peut, qu'il y aille.

Mais moi, donne-moi, pour porter un toast,

du vin miellé, garçon.

Epicure, Maxime capitale 5 (Diogène Laërce, X, 140) [Sentence Vaticane 5])

Οὐκ ἔστιν ἡδέως ζῆν ἄνευ τοῦ φρονίμως καὶ καλῶς καὶ δικαίως οὐδὲ φρονίμως καὶ καλῶς καὶ δικαίως ἄνευ τοῦ ἡδέως3.

Il n’est pas possible de vivre avec plaisir sans vivre d’une façon prudente, bonne et juste, ni de vivre d’une façon prudente, bonne et juste sans vivre avec plaisir.

ΟΥΚ ΕϹΤΙΝ ΗΔΕΩϹ ΖΗΝ ΑΝΕΥ ΤΟΥ ΦΡΟΝΙΜΩϹ ΚΑΙ ΚΑΛΩϹ ΚΑΙ ΔΙΚΑΙΩϹ ΟΥΔΕ ΦΡΟΝΙΜΩϹ ΚΑΙ ΚΑΛΩϹ ΚΑΙ ΔΙΚΑΙΩϹ ΑΝΕΥ ΤΟΥ ΗΔΕΩϹ ΕΠΙΚΟΥΡΟϹ

Métrodore (= Epicure, Sentence Vaticane 14 (Vat. gr. 1950, découvert en 1888) 

Γεγόναμεν ἅπαξ, δὶς δ᾽ οὐκ ἔστι γενέσθαι · σὺ δέ, οὐκ ὢν τῆς αὔριον κύριος, τὸ χαῖρον  ἀναβάλλῃ · ὁ δὲ βίος μελλησμῷ παραπόλλυται καὶ ἕκαστος ἡμῶν ἀσχολούμενος ἀποθνῄσκει.

Nous sommes nés une seule fois, il n’est pas possible de naître deux fois4. Toi, pourtant, qui n'es pas maître de ton lendemain, tu ajournes la joie ; mais la vie se perd dans le délai et chacun de nous meurt affairé.

ΓΕΓΟΝΑΜΕΝ ΑΠΑΧ ΔΙϹ Δ ΟΥ

Κ ΕϹΤΙ ΓΕΝΕϹΘΑΙ ϹΥ ΔΕ ΟΥ

Κ ωΝ ΤΗϹ ΑΥΡΙΟΝ ΚΥΡΙ

ΟϹ ΤΟ ΧΑΙ ΡΟΝ Α ΝΑ

ΒΑΛΛΗ Ο Δ Ε

ΒΙΟϹ Μ ΕΛ

ΛΗϹ Μω

ΠΑΡΑ ΠΟΛ

ΛΥΤΑΙ ΚΑΙ ΕΚΑϹ

ΤΟϹ

ΗΜωΝ ΑϹ

ΧΟΛΟΥ

ΜΕΝΟϹ ΑΠΟΘΝΗϹ

ΚΕΙ

ΜΗΤΡΟΔωΡΟϹ

ΓΕΓΟΝΑΜΕΝ ΑΠΑΧ ΔΙϹ Δ ΟΥ|Κ ΕϹΤΙ ΓΕΝΕϹΘΑΙ ϹΥ ΔΕ ΟΥ|Κ ΩΝ ΤΗϹ ΑΥΡΙΟΝ ΚΥΡΙ|ΟϹ ΤΟ ΧΑΙΡΟΝ ΑΝΑ|ΒΑΛΛΗ Ο ΔΕ|ΒΙΟϹ Μ|ΕΛ|ΛΗϹ|ΜΩ ΠΑΡΑ|ΠΟΛ|ΛΥΤΑΙ ΚΑΙ ΕΚΑϹ|ΤΟϹ ΗΜΩΝ

  1. La négation, ὥς μὴ, se trouve aussi chez Athénée et Eustathe. On trouve, sans la négation, ὥς δὴ chez Orion et ὥς ἤδη dans l’Etymologicum Magnum.
  2. La fin du fragment 429 (ἐμοὶ δὲ δὸς…), inconnue de la tradition manuscrite, est une reconstitution due à Alain Blanchard.
  3. La maxime est traduite littéralement par Cicéron, De fin. I, 18, 57 : Clamat Epicurus... non posse iucunde uiui nisi sapienter honeste iusteque uiuatur, nec sapienter honeste iuste nisi iucunde. Cf. Sénèque, De vita beata VII, 1 : et aiunt nec honeste quemquam uiuere ut non iucunde uiuat nec iucunde ut non honeste quoque ([Les Epicuriens] affirment que personne ne saurait vivre honnêtement sans vivre agréablement, ni agréablement sans vivre aussi honnêtement). Plutarque, Non posse suaviter vivi, 1087c : Τὸ ἡδέως ζῆν ἄνευ τοῦ καλῶς ἀνυπαρκτόν ἐστιν, ὡς αὐτοὶ λέγουσιν (Vivre avec plaisir n’existe pas en dehors de vivre selon le bien, comme ils [les Epicuriens] le disent eux-mêmes).
    Dans la Lettre à Ménécée, 132, Epicure développe le contenu de la maxime : « ...la philosophie nous enseigne qu’il n’est pas possible de vivre avec plaisir sans vivre d’une façon prudente, bonne et juste, <ni de vivre d’une façon prudente, bonne et juste sans vivre avec plaisir>; car les vertus sont naturellement associées au fait de vivre avec plaisir et le fait de vivre avec plaisir est inséparable des vertus » (συμπεφύκασι γὰρ αἱ ἀρεταὶ τῷ ζῆν ἡδέως, καὶ τὸ ζῆν ἡδέως τούτων ἐστὶν ἀχώριστον). En fait, la Maxime 5, elle aussi, est complétée, chez Diogène Laërce, par une addition : « Et celui à qui fait défaut <ce qui permet> de vivre d’une façon prudente, bonne et juste [c’est-à-dire les vertus], celui-là il n’est pas possible qu’il vive avec plaisir » (ὅτῳ δὲ τοῦτο μὴ ὑπάρχει <ἐξ> οὗ ζῆν φρονίμως καὶ καλῶς καὶ δικαίως, οὐκ ἔστιν τοῦτον ἡδέως ζῆν).
  4. La tradition manuscrite ajoute à la fin de la première phrase « et il faut ne plus être pour l’éternité » (δεῖ δὲ τὸν αἰῶνα μηκέτι εἶναι).
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