La division astrologique des âges de la vie selon Ptolémée

 

 

Par  sa capacité à animer la mécanique stellaire, la mythologie à livre ouvert du ciel nocturne suggère un enseignement voire une sagesse caractéristique de la Grèce. À travers les grands mythes qu’elle met en scène elle insiste sur le danger pour l’homme de “ l’hubris ”, la transgression des limites, offrant au contraire en modèle des symboles de pacification et de contrôle, l’ordre parfait du cosmos illustrant la victoire de l’ingéniosité et de la mesure sur les forces chaotiques de l’excès. C’est ainsi que les réprouvés ouraniens, Callisto ou Orion, comme les damnés de l’Hadès, Tantale ou Sisyphe, et tous les autres condamnés à perpétuité, expient perpétuellement leurs excès, tandis que le Centaure, Persée ou Argo, “  le premier navire à traverser la mer jusqu’alors infranchissable ”13 encouragent continuellement du ciel les hommes à rechercher la connaissance et la gloire.

 Le ciel apparaît ainsi comme un bréviaire mythologique, dans lequel les hommes sont inviter à venir admirer quotidiennement des légendes qui les invitent à instaurer en eux, entre eux un cosmos moral et humain. symbole d’harmonie.  Le développement d’une relation constante, codifiée et humanisée en quelque sorte entre le ciel et la terre peut être perçu comme un développement comme un dépassement et un enrichissement de livre céleste, nous passons alors de la mythologie à l’Histoire humaine et à l'astrologie  telle que la concevait  Ptolémée.

Ptolémée : la division des âges de la vie

Chez Ptolémée, dans son Tétrabible, nous assistons au développement, d'une connaissance pratique, à partir d'un savoir qui est devenu de plus en plus théorique et ésotérique, voire abstrait. Après l'image mythique est venue l'abstraction du géomètre céleste et le grand attirail des savants astronomes et astrologues à la fois. Rappelons qu’il s’agit là de notions délicates à présenter, dans la mesure où l’astrologie comme le dit fort bien Ptolémée, n’est pas une science mais un savoir conjectural. Il faut être clair à ce sujet et montrer aux élèves que si les anciens ne distinguaient guère, en général, l’astronomie de l’astrologie, l’on ne saurait pour autant cautionner cette dernière comme science.

Cependant il est possible de présenter l’astrologie aux élèves, selon la formule de Levi strauss , comme « un système à l’intérieur duquel l’homme a pensé durant des millénaires ». Si l’on prend cette distance critique, il peut alors être fructueux de faire saisir aux élèves ce qu’ont été pour les Anciens les enjeux de cette interprétation de l’univers, et la forme de sagesse qui en découlait. On leur indiquera aussi qu’il ne manquait pas d’esprits, dès l’antiquité, comme Cicéron par exemple pour la critiquer (Du Destin, De Fato, 12-16).

La division des âges de la vie liés chacun aux sphères d’influence des planètes

Les Anciens étaient, pour une partie d’entre eux, convaincus que les différents âges de la vie étaient gouvernés successivement par différentes planètes. Ptolémée, au chapitre X du Livre IV du Tétrabible, 10, 4-12, précise que les prédictions astrologiques doivent tenir compte à chaque étape de la vie de l’influence particulière d’une sphère planétaire. Il assigne ainsi donc à chacun des sept âges qu'il distingue, la sphère d'une planète. Se succèdent ainsi du plus proche au plus lointain ces cloisons d'espace :

les âges de la vie

Texte grec :

De la même manière, dans le cas de la division des Ages de la vie, il faut présupposer et examiner les différences des étapes de l’existence, déterminer si elles s’accordent avec chacun des effets des événements prévus, et veiller à ne pas généraliser et simplifier les données de la recherche. Il sera alors possible d’éviter, dans l’ignorance, d’attribuer à un enfant une activité professionnelle ou un mariage, ou quelque autre chose propre à l’adulte, et à un homme des plus âgés la procréation ou quelque chose qui convient à de plus jeunes.

Une fois pour toutes, adaptons les éléments obtenus par une étude qui se fonde sur des données temporelles à ce qui est conforme et possible pour les différentes classes d’âge. Dans la question de la division des Ages de la vie en général, il n’existe qu’une seule et même approche pour tous les âges, qui, par similarité et analogie, suit l’ordre des sept orbes planétaires.

On commence ainsi avec le premier âge de l’homme et la première sphère à partir de notre Terre - c’est-à-dire la sphère de la Lune- et on termine avec le dernier Age et avec l’ultime sphère planétaire que l’on appelle la sphère de Saturne. Or, en vérité, les propriétés qui appartiennent à chacun des âges sont conformes à la nature des planètes qui leur correspondent. Il faudra observer cela de sorte que nous puissions en déduire les caractères généraux des divers âges, tandis que nous pourrons examiner les différences des divisions temporelles plus particulières à partir des caractéristiques découvertes dans les thèmes de naissance.

 

La Lune obtient comme part, l’âge infantile qui dure environ jusqu’à la fin des quatre premières années sur la base d’un nombre qui concorde avec sa période quadriennale. Elle produit la souplesse et la tendre consistance de l'organisme et la rapidité de sa croissance. Elle lui fournit sa nourriture liquide, pour l’essentiel, et produit ce qui est changeant dans le corps ainsi que ce qui est inachevé ou encore inarticulé dans l'âme, conformément aux pouvoirs actifs de la Lune.

Durant les dix ans suivants, l'astre de Mercure, qui est second, obtient comme part le second âge, celui de l'enfance, en raison d’un nombre qui correspond à la moitié d'une période de vingt ans. Il commence à articuler et façonner les parts de l'âme propres au raisonnement et à la raison, et à semer certains germes et rudiments de science, et à rendre saillants les traits naturels et les aptitudes, éveillant l'âme, à ce moment, par l'instruction, l'éducation et les premiers exercices physiques

L'astre de Vénus prend possession du troisième âge, celui de l'adolescence, car les huit années suivant l’enfance correspondent au nombre de sa propre période. Elle commence à stimuler, comme il est naturel, l'activité des canaux séminaux qui provoque leur remplissage et pousse aux rapports sexuels. À ce moment spécialement une sorte de frénésie naît dans l'âme, ainsi qu'une perte du contrôle de soi, un désir de n'importe quelle relation sexuelle, une passion ardente, la tromperie et l'aveuglement de celui qui chute en avant.

Le souverain de la sphère du milieu, le Soleil, prend possession du quatrième âge, celui de l’adulte, qui est, dans l'ordre, celui du milieu de la vie, et s’étend sur une période de dix-neuf ans. Il implante alors dans l'âme la maîtrise et la sûreté dans l'action, le désir de ressources matérielles, de gloire et de prestige, et une transition qui mène des erreurs ingénues et plaisantes de l'enfance au sérieux, à l’honorabilité et à l'ambition.

Après le Soleil, l'astre de Mars, le cinquième dans l'ordre, s'empare de l'âge viril pour une durée de quinze ans égale à sa propre période et introduit l'austérité et les souffrances de la vie. Il implante dans l'âme et dans le corps les soucis et les tourments, en donnant comme la sensation et la conscience du déclin et pousse à accomplir avec effort quelque chose de mémorable parmi ce qu’on entreprend avant de toucher à sa fin.

Le sixième dans l'ordre, l'astre de Jupiter, obtient comme part la vieillesse pour une durée de douze ans qui correspond à sa propre période. Il fait renoncer aux activités qui impliquent son propre labeur, de la fatigue, de l’agitation, et du risque. Il introduit à la place la bienséance, la prévoyance et l’aptitude à la retraite; et outre tout ce qui inclut la prudence, le conseil et la consolation, il prépare surtout en cet âge à faire cas du désir d'honneur, de louange, d'indépendance, avec modestie et dignité.

Au dernier, l'astre de Saturne échoit comme part la dernière période, la vieillesse ultime, pour la durée de vie qui reste. Les mouvements du corps et de l'esprit sont désormais refroidis et gênés dans leurs impulsions, leurs plaisirs et la rapidité de leurs désirs ; le déclin naturel arrive sur cette vie devenue usée et atone, faible, aisément vulnérable, irritée de tout, conformément à la lenteur des mouvements.

Ptolémée embrasse là l'univers et l'homme selon des postulats que l'on pourrait dire identiques, agrandissant l'être humain aux dimensions du cosmos et condensant le cosmos en lui. L'échelle stellaire des sphères planétaires qu'il place dans le firmament nous invite à une ascension céleste : nous naissons, comme des instants d'univers et les rythmes de nos vies sont mesurés par le passage au travers de chacun de ces mondes successifs. Dans le ciel, où l'espace dessine la profondeur du temps, se dévoilent donc à nous nos plus épaisses strates temporelles. Souvenirs enfantins, amours brûlants et fugaces de l'adolescence, rêves de l'adulte, notre existence se nomme ici dans l'alphabet nocturne : conjonctions, planètes, nébuleuses, étoiles, éclipses. Dans la forêt des constellations Ptolémée, plutôt que l'éclatant bréviaire mythologique d'Ératosthène, donne à voir le lent glissement des astres où la lumière n'est parfois qu'un reflet hésitant, et entend guider l'être humain vers l'accord avec sa vérité essentielle : l'épanouissement en lui des structures qu'il a en commun avec le firmament.

Cette traversée initiatique des différentes sphères des âges de la vie, conduit l'être humain vers la révélation de l'unité du monde et du moi, vers la sphère ultime, dernière enveloppe visible du cosmos humanisé.

C’est ce souci de perfection qui conduit vraisemblablement Ptolémée à imaginer un système de calculs extrêmement intéressants. Si l’on reprend l’analyse ici de Robert Nadal (Le Livre de l’astrologie : le Tétrabible de Ptolémée, Nil éditions, Paris, 2000), sauf pour le Soleil et la Lune, les périodes des âges de la vie que donne Ptolémée correspondent à une valeur très proche d’un multiple de la période synodique des planètes (période qui sépare deux conjonctions successives avec le Soleil et qui correspond à un tour de la planète sur son épicycle). Les durées indiquées par Ptolémée sont des multiples de cette période où l’on voit deux astres (la planète et le Soleil) se retrouver aux mêmes positions qu’au départ sur l’écliptique. Ainsi lorsqu’il y a une conjonction au départ de la période, il y aura également une conjonction à la fin de cette période et cela au même point de l’écliptique et au même moment de l’année..

Pour Ptolémée, les 20 ans de mercure correspondent à 63 périodes synodiques de la planète (au bout de 10 ans il y a aussi conjonction, car il s’agit d’une planète inférieure qui a deux conjonctions par cycle, une supérieure, une inférieure, et l’on peut, comme le fait Ptolémée couper le cycle en deux, soit 10 ans). Les 8 ans de Vénus correspondent à 5 périodes ; les 15 ans de mars à 7 périodes ; les 12 ans de Jupiter à 11 périodes ; les 4 ans de la Lune correspondent à peu de chose près à 53 périodes anomalistiques. La Lune n’a fait qu’un nombre entier de tours sur son épicycle, sans parvenir à une même configuration par rapport au Soleil et aux étoiles. Ici Ptolémée est lui-même approximatif. Ainsi la signification de ces 4 ans n’est pas absolument claire. On remarquera cependant que 4 ans = 1461 jours. Or 1461 années correspondent à un cycle sothiaque (cycle égyptien d’année de 365 jours au bout duquel le lever héliaque de Sirius se reproduit au même moment de l’année vague).

Le souci de Ptolémée de choisir des périodes qui soient des cycles presque parfaits a conduit à s’interroger sur la signification ésotérique de ces choix. On pourrait y voir un subtil système de correspondances : la Lune étant maîtresse du signe du Cancer est en relation dialectique avec Saturne maître du signe du Capricorne. La durée de la période de Saturne (que ne donne pas ici Ptolémée) est de 30 ans. On aurait ainsi le rapport suivant entre la première sphère celle de la Lune et la dernière celle de Saturne : 4 ans de Lune x 30 ans de Saturne = 120 ans.

De la même manière entre Mercure, maître des Gémeaux et de la Vierge et Jupiter maître du Sagittaire et des Poissons s’instaurerait une relation dialectique et on aurait le rapport suivant entre la deuxième sphère celle de Mercure et la sixième celle de Jupiter : 10 ans x 12 ans = 120 ans.

De la même manière Vénus maîtresse de la balance et du Taureau est en relation dialectique avec Mars, maître du Bélier et du Scorpion. On aurait ainsi entre la troisième sphère, celle de Vénus et la cinquième celle de Mars : 8 ans x 15 ans = 120 ans.

Quant au Soleil dont la sphère est centrale (la quatrième) et se suffit à elle il conviendrait de multiplier son chiffre par son propre chiffre soit 19 ans x 19 ans = 361. Si l’on additionne le résultat obtenu pour les trois couples de sphères, on obtient 120 + 120 + 120 = 360. Soit le nombre de degrés du cercle, la forme parfaite par excellence.

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