• Sur le territoire de la future Rome, Janus aurait fondé une forteresse sur l’une des sept collines qui porte son nom : le Janicule. Son épouse Juturna serait une très ancienne divinité du Latium préposée aux sources.
• Le dieu Janus lui-même se présente au poète Ovide.
« Tout ce que tes yeux embrassent, les cieux, l’Océan, les nuages et la terre, c'est à ma main qu'il est donné de les fermer ou de les ouvrir ; c'est à moi qu'on a confié la garde de cet univers immense ; c’est moi qui le fais tourner sur ses gonds. […] Je garde les portes du Ciel avec l'aimable cortège des Heures : pour sortir et pour rentrer Jupiter lui-même a besoin de mes services. […] Apprends maintenant la raison de mon apparence, bien que tu la connaisses déjà en partie. Toute porte possède deux faces : l’une regarde les gens vers l’extérieur, l’autre le Lare de la maison vers l’intérieur. Et de même que votre portier, assis près du seuil de la maison, voit les entrées et les sorties, de même moi, portier du palais céleste, j’examine en même temps l’Orient et l’Occident. Pour ne pas perdre de temps à tourner la tête, je peux suivre des yeux sans bouger le corps. »
Ovide (43 av.-18 ap. J.-C.), Fastes, livre I, vers 117-144 (traduction Nisard, revue A. C.).
• Janus est aussi présent dans un jeu de "pile ou face" très apprécié des enfants romains.
« Janus fut le premier qui frappa des monnaies de bronze et il témoigna un tel respect pour Saturne qu’il fit frapper d’un côté un navire, parce que Saturne était arrivé sur un bateau, et de l’autre l’effigie du dieu à deux têtes, pour transmettre son souvenir à la postérité. On en trouve une preuve dans cette espèce de jeu de hasard où les enfants jettent des deniers en l'air en disant capita aut navia ("têtes ou vaisseaux").
Macrobe (env. 370-430), Saturnales, livre I, 7 (traduction A. C.).
Janus bifrons, le dieu "aux deux visages", est une divinité purement italique. Honoré chez les Étrusques (avec le nom de Culsans), les peuples du Latium et les Samnites, il devint très populaire à Rome, où il aurait été introduit par Romulus, le fondateur mythique de la cité. Il est célébré comme "le dieu des dieux" (deorum deus) par les chants des Saliens, les prêtres créés par Numa Pompilius, le deuxième roi de Rome, qui lui fit construire un temple sur le Forum.
Selon la tradition légendaire, Janus régnait dans le Latium quand arriva Saturne, chassé de l’Olympe par son fils Jupiter. Il offrit l’hospitalité au Titan déchu, qui, en retour, lui apprit les bienfaits de l’agriculture, mais aussi la construction des bateaux et la fabrication de la monnaie. Janus et Saturne gouvernèrent alors ensemble, offrant aux Aborigènes, les premiers habitants du pays latin, le bonheur d’un âge d’or fait d’abondance, d’honnêteté, de justice et de paix. Chaque année, la fête des Saturnales (17-24 décembre) perpétue le souvenir de ces temps de prospérité mythique.
Dieu des commencements et des passages, Janus protège tout ce qui a un rapport concret ou symbolique avec la porte (janua en latin) : les entrées et les sorties, les départs comme les retours. Il garde le seuil de chaque maison, surveille les portes des villes signalées par de grands arcs de pierre. C’est pourquoi ses deux attributs distinctifs sont la clé et le bâton qui permettent au "portier" (janitor) d’ouvrir ou de fermer la porte et de chasser les visiteurs indésirables. Pour cette même raison, il est traditionnellement représenté avec deux visages (Janus bifrons) : un dans chaque direction à surveiller (dedans et dehors, devant et derrière).
Toujours nommé le premier dans les prières et cérémonies religieuses, il est le dieu du matin (Matutinus Pater), du premier jour de chaque mois et surtout celui qui ouvre la porte de l’année, d’où le nom de son mois, januarius (« janvier » en latin).
Pour bien augurer de l’année à venir et la placer sous d’heureux présages, on se livre ainsi à tout un cérémonial associé au culte de Janus : on orne les portes de branches de laurier, car cette plante est toujours verte ; on y suspend des lanternes allumées en plein jour ; on échange salutations, embrassades, vœux et cadeaux, appelés strenae (d’où vient notre mot « étrennes ») : on offre des dattes, des figues sèches et du miel pour garder le goût de la douceur toute l’année, des noix enveloppées d’or ou d’argent, des pièces de monnaie en présage d’une richesse souhaitée par chacun. C’est ce rite proprement romain du Nouvel An dont nous perpétuons la tradition encore aujourd’hui.
Les Romains attribuaient aussi à Janus, leur plus ancienne divinité nationale, une intervention miraculeuse pendant la guerre qui les opposait aux Sabins peu de temps après la fondation de la cité par Romulus (753 avant J.-C.) : alors que les Sabins allaient investir la citadelle du Capitole, le dieu aurait fait jaillir une source d’eau bouillante qui mit les assaillants en fuite. C’est pour commémorer ce miracle, qu’il fut décidé de laisser ouvertes les portes du temple de Janus en temps de guerre : le dieu pouvait ainsi venir au secours de son peuple ; une fois les combats terminés, on refermait les portes pour conserver la paix le plus longtemps possible.
Ce qu'écrit Ovide :
Quem tamen esse deum te dicam, Jane biformis ?
nam tibi par nullum Graecia numen habet.
Ede simul causam, cur de caelestibus unus
sitque quod a tergo sitque quod ante vides.
Mais quel dieu es-tu, Janus à double forme ? Comment le dirai-je ?
En effet la Grèce n’a aucune divinité qui te ressemble.
Dévoile aussi la raison : pourquoi seul des immortels,
tu vois en même temps ce qui est dans ton dos et ce qui est devant toi.
Ovide, Fastes, Livre I, vers 89-92 (trad. A.C).