Constituer un livre audio en cours de latin (niveau seconde) autour des Métamorphoses d’Ovide. Histoire d’un projet collaboratif Histoire d’un projet collaboratif

Aux origines…

L’idée de ce projet est venue d’une rencontre entre deux envies : l’envie de faire un podcast, car j’ai toujours aimé l’audio et la radio, et celle de travailler l’oral en cours de latin. Pour terminer l’année de seconde, il m’est alors venu à l’esprit d’entreprendre avec les élèves ce projet commun : un livre audio à partir d’un texte latin. Dans le cadre de la thématique de « l’homme et l’animal », partir des Métamorphoses d’Ovide m’a alors paru intéressant. Cela nous permettait de réfléchir à la perméabilité des espèces animales, végétales et même minérales tout en mélangeant mythologie et philosophie. Qu’on se souvienne du discours de Pythagore à la fin du poème.

Extrait du discours de Pythagore : l’homme, l’animal et l’esprit
Ovide, Les Métamorphoses, XV, 165-175.

Omnia mutantur, nihil interit ; errat et illinc
Huc venit, hinc illuc et quoslibet occupat arbus
Spiritus eque feris humana in corpora transit
Inque feras noster nec tempore deperit ullo ;
Utque novis facilis signatur cera figuris
Nec manet ut fuerat nec formas seruat easdem,
Sed tamen ipsa eadem est ; animam sic semper eandem
Esse, sed in uarias doceo migrare figuras.
Ergo (ne pietas sit uicta cupidine uentris)
Parcite, uaticinor, cognatas caede nefanda
Exturbare animas, nec sanguine sanguis alatur.

 

Tout change, rien ne meurt. L'âme erre d'un corps à un autre, quel qu'il soit : elle passe de l'animal à l'homme, de l'homme à l'animal, et ne périt jamais. Comme la cire fragile reçoit des formes variées, et change de figure sans changer de substance : ainsi j'enseigne que l'âme est toujours la même, mais qu'elle émigre en des corps différents. Dans vos appétits déréglés, craignez donc de devenir impies. Je le déclare au nom des dieux, prenez garde, par le meurtre détestable des animaux, de chasser de leur nouvel asile les âmes de vos parents. Que votre sang ne se nourrisse point de votre sang.

Traduction G.T. Villenave, 1806

 

Un projet mené en classe de seconde. 
La classe se compose de latinistes confirmés et débutants.

 

Ce projet était pour moi ambitieux, voire un peu fou : je n’avais qu’une connaissance très limitée des logiciels de montage (je n’en connaissais qu’un, et de nom seulement) et l’unique matériel à ma disposition était un micro dont j’avais quand même fait l’acquisition plusieurs mois auparavant mais dont je ne savais pas vraiment me servir. Je partais de loin mais j’étais très motivée !

Réduire le corpus…

Bien entendu, il n’était pas question de travailler sur l’ensemble des Métamorphoses, mais de laisser aux élèves l’occasion d’en explorer des passages. Le livre d’Ovide se prête bien à un tel travail : il peut facilement être scindé en plusieurs morceaux, qui seraient plusieurs « chapitres » de notre livre audio.

Tout a donc commencé par une première recherche, que j’appellerais « débroussaillage » de la notion de métamorphose. Il fallait que les élèves entrent dans cette forêt de pages. Je leur ai donné une liste de métamorphoses, classées selon un niveau de célébrité plus que selon un niveau de difficulté, de manière à sortir des sentiers battus et des histoires rebattues :

Lycaon *

Daphné *

Io *

Echo *

Narcisse *

Arachné *

Syrinx **

Aréthuse **

Ocyrhoé **

Callisto **

Actéon **

Battus ***

Lyncus ***

Esaque ***

Hécube ***

Cygnus ***

 

Tous devaient faire une recherche sur l’histoire de trois métamorphoses, une pour chaque catégorie.

Lors d’une « table ronde » (séance 1), chacun a raconté une, deux ou trois histoires. À la suite de cette première découverte, leur choix s’est porté sur une métamorphose qu’ils avaient préférée. Ils ont ainsi pu former des groupes. Cinq groupes ont été créés, sur cinq histoires : Callisto, Esaque, Cygnus, Echo et Lyncus. J’étais relativement étonnée par ce choix. À part Echo et peut-être dans une moindre mesure Calisto, les métamorphoses choisies étaient tout de même les moins connues. Mais soit, après tout c’est ce que je cherchais à faire !

À la recherche du texte (perdu ?)…

La séance suivante (séance 2) a eu lieu au CDI. Les élèves devaient rechercher le texte latin de leur métamorphose ainsi que sa traduction. Les textes trouvés étaient ensuite copiés-collés sur un Pad (outil de l’ENT) que j’avais préalablement créé. Sur ce même pad, j’avais déjà ajouté plusieurs sites pour qu’ils découvrent certains outils numériques. Cela les rend ainsi autonomes s’ils ont besoin de rechercher un texte latin ultérieurement.

 

Padlet

Callisto texte

Pad

 

Une fois cela fait, les élèves devaient sélectionner quatre ou cinq vers puissants pour qu’ils soient retraduits par leurs soins. Ces cinq vers étaient mis en gras. Cela me permettait de voir si les élèves parvenaient à s’orienter dans le texte latin grâce à la traduction. Ce n’était pas évident ! Beaucoup d’entre eux ou commençaient le latin cette année ou avaient de la langue une connaissance très superficielle. Les mots-clés et notamment les noms propres les ont néanmoins aidés.

 

Pad2

 

Traduisons…

Les séances suivantes (séances 3, 4 et 5) ont été consacrées à la traduction par groupe et avec mon aide de ces courts textes. Sur un nouveau document, j’avais constitué pour chaque texte des notes particulières. Il y avait en effet de nombreux points de grammaire que nous n’avions pas vus avec les élèves. Il était impossible de les laisser traduire seuls, même pour commencer. Je ne voulais pas qu’ils soient bloqués pendant que je travaillais avec un autre groupe.

 

aide

 

Cela leur a alors permis d’arriver à une analyse du texte :

 

Callisto

 

Mise en contexte…

Quand ils ont eu fini, je leur ai demandé d’écrire un texte français permettant de situer ce cours passage en latin. Il s’agissait de rédiger un début d’histoire assez vivant, qui donne envie d’entendre la suite, puis une rapide conclusion de l’histoire (séance 6).

Essais de scansion et enregistrement

Nous avons ensuite fait un cours sur la lecture de la poésie latine (séances 7 et 8). Les élèves ont découvert la scansion et s’y sont essayés, à l’écrit avec succès, à l’oral avec un succès…relatif. La plupart n’oseront d’ailleurs pas « scander » leurs vers lors de l’enregistrement final. Il faut dire que l’idée seule de parler devant un micro faisait peur à certains donc je le comprenais parfaitement.

Cet enregistrement s’est déroulé sur les deux séances suivantes (séances 9 et 10), au CDI, dans une petite salle qui pouvait faire office de studio (sans la résonance de notre salle et l’horloge de la classe qui faisait tic-tac). Les autres pouvaient alors réviser leur passage ou faire une activité que je leur avais proposée.

J’avais emmené mon micro, ce qui a immédiatement mis les élèves dans une posture très sérieuse. C’était peut-être trop « professionnel » : de stress, certains bégayaient ou avaient des rires nerveux. Je leur demandais de reprendre à la phrase précédente, je m’en occuperai pendant le montage (j’allais m’amuser, même si je ne savais pas encore à quel point)…

Le montage final

Pour le montage, j’ai utilisé le logiciel gratuit Audacity. C’était la première fois que j’utilisais un logiciel de montage, alors bien entendu je me suis servi de tous les tutoriels trouvés sur internet, entre autres :

Il m’a fallu dans un premier temps travailler chaque piste d’histoire, en enlevant les passages en trop puis les bruits parasites (bruits de bouche, respirations, mouvements de papier). Une fois que chaque piste a été travaillée (ce qui a pris un temps très important), je les ai mises bout à bout. J’ai ajouté une sorte de « virgule » de radio entre chacune pour créer un effet d’unité (trouvée sur la sonotheque.org). J’ai opté pour un « ding » après avoir longuement hésité avec un coup de tonnerre.

Il me restait ensuite à enregistrer une introduction et une conclusion pour le livre audio, puis à ajouter des musiques de fond. Je les ai trouvées sur le site auboutdufil.com. Il recensait plusieurs musiques libres de droit, très faciles à télécharger et à ensuite replacer. Elles étaient en plus classées selon leur style ce qui m’a été d’une grande aide.

 

musique

 

Le résultat final était très amateur, rempli d’approximations, mais j’en étais tout de même fière. Il m’a alors suffi de l’exporter en format MP3 et le tour était joué : j’avais un enregistrement complet !

 

SonSon

 

Finalement, nous l’avons écouté avec les élèves, ce qui a été, je l’avoue, assez émouvant… Ce n’était pas parfait, mais une chose est sûre : je tenterai à nouveau un tel projet prochainement !

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