Dans le cadre d’une activité interdisciplinaire abordant le vocabulaire scientifique et son histoire, le professeur amène les élèves à s’interroger sur le sens de l’adjectif AUTOMATIQUE.
ÉTAPE 1 : LA DÉCOUVERTE DU MOT
Le professeur choisit de montrer un document présentant le système moderne des « portes automatiques » ; avec ces mots clés, on peut trouver de nombreux clichés et dossiers professionnels sur Internet, par exemple :
« Entrez dans le monde de la Porte Automatique »
Pour piquer la curiosité des élèves et susciter leurs réactions, il associe ce document à la découverte d’un extrait d’Homère, avec quelques mots en grec, sans aucune explication de sa part.
« Athéna monte sur le char et saisit sa pique.
Alors Héra, vivement, touche du fouet les chevaux ;
αὐτόμαται δὲ πύλαι μύκον οὐρανοῦ
(automatai de pulai mukon ouranou)
d’elles-mêmes, les portes du ciel mugissent,
ces portes que gardent les Heures, qui sont chargées de l’entrée de l’Olympe et du vaste ciel, avec le soin d’écarter ou de replacer tour à tour un nuage épais. »
(Homère, VIIIe siècle avant J.-C., Iliade, chant V, vers 745 - 751)
Quel point commun voyez-vous entre les deux documents ? Quel mot grec est traduit par « d’elles-mêmes » ? Où se passe la scène décrite par Homère ?
Une fois que les élèves ont découvert le lien entre les documents, le professeur peut leur expliquer que l’extrait de l’Iliade présente la première occurrence de l’adjectif automatos (d’où sont directement issus les mots « automate » et « automatique ») appliqué à un objet dans l’histoire de la littérature et de la pensée occidentale (voir les prolongements dans l’étape 5).
ÉTAPE 2 : L’HISTOIRE DU MOT
Pour démarrer cette étape et susciter l’intérêt des élèves, une citation très courte tirée d’un texte antique est donnée dans sa langue originale (en V. O., comme on dirait au cinéma) : c’est ici l’occasion de voir et d’entendre quelques mots en grec, immédiatement suivis de leur traduction.
Le mot en V. O.
Pendant la guerre de Troie, le dieu forgeron Héphaïstos reçoit la visite de Thétis : la Néréide est venue lui demander de fabriquer de nouvelles armes pour son fils Achille (les précédentes ont été gardées en butin par Hector après la mort de Patrocle).
Thétis aux pieds d’argent arrive dans la demeure d’Héphaïstos, demeure impérissable et étoilée, éclatante entre toutes aux yeux des Immortels, toute en bronze et construite par le Boiteux lui-même. Elle le trouve, tout suant, tournant autour de ses soufflets, affairé.
[...] τρίποδας γὰρ ἐείκοσι πάντας ἔτευχεν
[...] il était en train de fabriquer vingt trépieds en tout
ἑστάμεναι περὶ τοῖχον ἐϋσταθέος μεγάροιο,
qui doivent se dresser contre le mur du palais bien construit,
χρύσεα δέ σφ᾽ ὑπὸ κύκλα ἑκάστῳ πυθμένι θῆκεν,
il a mis des roulettes en or à la base de chacun d’eux,
ὄφρά οἱ αὐτόματοι θεῖον δυσαίατ᾽ ἀγῶνα
afin qu’ils puissent entrer par eux-mêmes, de manière automatique, dans l’assemblée des dieux,
ἠδ᾽ αὖτις πρὸς δῶμα νεοίατο θαῦμα ἰδέσθαι.
puis revenir à la maison de la même façon - merveille à voir !
Homère, Iliade, chant XVIII, vers 369 - 377
Inscrite ou projetée au tableau, la citation peut être écoutée grâce à un enregistrement ; elle est associée à une image qui illustre et accompagne sa découverte.
Les élèves retrouvent sans difficulté le mot qu’ils ont découvert dans l’étape 1 (automatos).
L’image : Thétis attendant les armes qu’Héphaïstos est en train de forger pour son fils Achille, fresque provenant d’un mur du triclinium de la maison de Paccius Alexander à Pompéi, Ier siècle, Naples, Musée archéologique national.
L’image disponible sur Wikimedia Commons permet de zoomer sur les détails.
Voir "Une image, une histoire : Thétis chez Vulcain".
Le dieu forgeron Héphaïstos est montré en plein travail : aidé de ses assistants (les Cyclopes, qui n’apparaissent pas chez Homère), il est précisément en train de fabriquer les pièces de la nouvelle armure pour Achille.
Le professeur fait observer et reconnaître la cuirasse, les cnémides (les jambières), le casque et, bien sûr, le bouclier que tient le dieu et dans lequel Thétis, assise sur un fauteuil ouvragé, se reflète comme dans un miroir.
De même, il fait repérer les outils du forgeron (marteaux, enclume) ainsi que sa tenue d’artisan caractéristique (tunique courte, bonnet appelé pileus en latin.
On ne voit pas ici les trépieds, mais il faut les imaginer comme de gros chaudrons de bronze artistiquement travaillés, montés sur trois haut pieds et dotés de deux grandes anses. À l’époque homérique, ils représentaient le principal signe extérieur de richesse : ils étaient les cadeaux les plus précieux que se faisaient entre elles les élites aristocratiques ou qu’elles plaçaient en offrandes aux divinités dans les sanctuaires. Ils constituaient aussi les prix à remporter dans toutes les grandes compétitions sportives et artistiques, marquant la gloire et le prestige du vainqueur. Certains d’entre eux pouvaient mesurer près de quatre mètres de hauteur. On a retrouvé des fragments de trépieds dans tous les grands sanctuaires : à Athènes, à Delphes et surtout à Olympie. Bien plus que de simples objets, ils étaient perçus comme des instruments divins d’où émanait une forme de puissance active qui pourrait expliquer la dimension merveilleuse des « automates » fabriqués par Héphaïstos.
De fait, la description de ces vingt trépieds à roulettes d’or capables d’aller et venir tout seuls ne manque pas d’intriguer : thauma idesthai (merveille à voir »), dit Homère. C’est l’occasion d’expliquer aux élèves l’origine mythique des automates et robots de plus en plus présents dans le monde d’aujourd’hui (voir étape 5).
L’histoire du mot : le sens originel
En grec ancien, l’adjectif αὐτόματος (automatos) signifie « qui agit de soi-même ». Dans les poèmes homériques, on le trouve appliqué à une personne qui se déplace de sa propre initiative, comme le roi de Sparte Ménélas (Iliade, chant II, vers 408), mais aussi à propos d’objets qui fonctionnent tout seuls, de manière « automatique », comme les portes de l’Olympe et les trépieds à roulettes fabriqués par Héphaïstos (voir ci-dessus).
Le mot grec est formé de deux radicaux :
- l’élément αὐτο- (auto-), qui vient de l’adjectif et pronom αὐτός (autos), littéralement « d’autre part celui-ci », au sens de « même » par opposition à un autre. Celui-ci est utilisé avec un pronom ou un nom, ou employé seul : par exemple, ἐγὼ αὐτός (égô autos), « moi-même » ; Ἀλέξανδρος αὐτός (Alexandros autos), « Alexandre en personne » ; αὐτὸς βαίνει (autos bainei), « il marche tout seul ». Cet élément marque donc l’idée que la personne (l’objet) concernée agit « par elle-même ».
- l’élément -ματος (-matos), dans lequel les spécialistes identifient la même racine indo-européenne que dans le nom μένος (ménos) qui désigne l’esprit en tant que principe de volonté (mens en latin, mentes au pluriel).
Les deux éléments associés signifient donc que quelqu’un / quelque chose agit « de son propre esprit », « de sa propre volonté », « de sa propre initiative ».
L’adjectif αὐτόματος est aussi utilisé pour qualifier des événements qui se produisent par accident ou par hasard, sans aucune intervention ni humaine ni divine, des phénomènes naturels qui surviennent de manière spontanée, sans cause apparente (plantes qui poussent, fleuves qui débordent, etc.).
Divers témoignages littéraires antiques montrent qu’il existait une déesse Αὐτοματία (Automatia en latin), personnifiant la volonté divine qui agit à son gré, perçue par les hommes comme une forme de hasard naturel : ainsi le général corinthien Timoléon (IVe siècle avant J.-C.) « remerciait souvent la volonté divine parce que, lorsqu’il avait voulu sauver la Sicile, elle avait attaché cette gloire à son nom, plutôt qu’à celui d’un autre. Il consacra même chez lui une chapelle à Automatia et plaça toute sa maison sous la protection de l’esprit sacré » (Plutarque, IIe siècle, Vie de Timoléon, 36, 5 - 7).
Premier arbre à mots : français
Racine : αὐτόματος (automatos), qui agit de soi-même
Branches : automate, automatique, automatiser, automatisme, automatisation
Second arbre à mots : autres langues
Italien : automatico
Espagnol et portugais : automático
Roumain : automat
Catalan : automàtic
Anglais : automatic
Allemand : automatisch
Le professeur fait remarquer la grande proximité du terme dans les différentes langues, comme c’est très souvent le cas avec le vocabulaire scientifique issu du grec ancien.
Du grec au français : notice pour le professeur
En français, l’adjectif automate apparaît en 1532 chez Rabelais : « Ils faisaient aller l’eau d’un verre en autre ; bâtissaient plusieurs petits engins automates, c’est-à-dire soi mouvant eux-mêmes » (Gargantua, chapitre XXIV, « Comment Gargantua employait le temps quand l'air était pluvieux »).
Le dictionnaire Littré (1863-1877) définit automate comme adjectif et nom : « machine, et, en particulier, machine imitant les êtres animés, qui se meut par ressorts. » Il se réfère alors aux fameuses inventions du mécanicien Jacques de Vaucanson (1709 - 1782), dont un joueur de flûte et un canard « automates », animés par des mécanismes très complexes.
Construits à partir du mot automate, d’autres termes apparaissent par la suite : au XVIIIe siècle, « automatiser », « automatisme » et « automatique » ; en 1867, « automatisation » ; en 1956, « automation ».
L’adjectif automatique est dérivé du mot « automate » avec le suffixe -ique ; avant 1872, il a le sens de « qui concerne les automates ».
ÉTAPE 3 : OBSERVATIONS ET APPROFONDISSEMENT
Selon le temps dont il dispose et les objectifs qu’il s’est fixés, le professeur part de l’observation de l’arbre à mots pour orienter sa démarche vers des points à consolider ou à développer, accompagnés d’activités en relation avec la thématique dans laquelle il s’inscrit.
Prononciation et orthographe du mot
Le professeur utilise les éléments mis en place grâce à l’étude étymologique (étape 2) pour attirer l’attention sur l’orthographe du préfixe auto- que les élèves retrouvent dans de nombreux mots (automobile, autonome, autoévaluation), à ne pas confondre avec le préfixe oto-, issu du nom grec οὖς (ous), pluriel ὦτα (ôta), « oreille », que l’on retrouve dans otorhinolaryngologiste, otite et otarie (littéralement « petite oreille »).
Polysémie, le mot et ses différents emplois
Le professeur invite les élèves à définir par eux-mêmes l’adjectif automatique. Ils peuvent ensuite consulter le site du CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales) pour enrichir leurs définitions.
Les élèves retrouvent le mot dans des phrases et expressions diverses liées au contexte de la vie quotidienne ou à celui, plus spécialisé, de la recherche scientifique : par exemple, l’adjectif est associé aux noms « réflexe », « réaction », « réponse », « prélèvement », « avancement », « distributeur », « traducteur », « système », « fermeture » ou « ouverture », « arme », « embrayage ».
Synonymie, antonymie
En lien direct avec les exercices sur les différents sens du mot, le professeur constitue avec les élèves un corpus de synonymes et d’antonymes du mot étudié pour les aider à enrichir leur vocabulaire (sur le site du CNRTL, deux onglets permettent d’accéder à une liste de synonymes et d’antonymes classés par fréquence).
Il prend soin de leur faire replacer chaque mot dans une phrase simple qui pourra être conservée comme trace écrite collective et personnelle (étape 4). Il vérifie que les termes utilisés ont été bien compris : par exemple, selon l’observation du contexte où l’adjectif automatique est employé (vie quotidienne / domaine scientifique), les synonymes « spontané », « involontaire », « instinctif », « machinal », « inconscient » sont à distinguer des termes « systématique », « programmé », « informatique », « cybernétique ». Il en est de même pour les antonymes : par exemple, on distingue les contextes où sont employés « volontaire » et « manuel ». Les élèves prennent ainsi conscience que les synonymes et les antonymes ne sont pas interchangeables mais dépendent du contexte donné.
Formation des mots de la famille (dérivation, affixation, composition)
Le professeur utilise la mise au point étymologique et le premier arbre à mots (étape 2) pour expliquer la formation du terme automatique et des mots de sa famille, comme le verbe « automatiser ».
Il attire plus particulièrement l’attention sur le radical auto- utilisé comme préfixe : les élèves sont invités à retrouver d’autres mots composés sur le même modèle, comme « autodidacte », « autocritique », « autopsie », « autonome », « autochtone » (mais pas « autorité » !).
À titre de curiosité, il peut expliquer en quoi la composition de l’adjectif / nom « automobile » peut être comparée à celle d’un monstre hybride dans la mythologie, selon le principe du mélange des espèces. En effet, alors que l’élément « auto » vient du grec, l’élément « mobile » vient du latin (adjectif mobilis, « qui peut être mû », du verbe moveo « je bouge »), l’ensemble signifiant « qui se déplace par soi-même ». Pour avoir un terme composé avec des éléments homogènes, pris dans la même langue, il faut imaginer soit la combinaison de deux éléments latins - dans ce cas « ipso » (de ipse, « lui-même ») remplacerait « auto » - , soit celle de deux éléments grecs - « mobile » serait alors remplacé par un élément tiré du verbe κινέω (kinéô), « je bouge », comme on le retrouve dans « cinéma » -. On laisse aux élèves le soin de proposer leurs solutions : ipsomobile ? autocinète ?... Signalons qu’en grec moderne, une automobile se dit αυτοκίνητο (prononcé aftokinito).
ÉTAPE 4 : APPROPRIATION, MÉMORISATION, TRACE ÉCRITE
Le professeur vérifie que les élèves ont bien compris le sens ou les sens du mot. Pour qu’ils soient en mesure de réinvestir les acquis, il veille à varier les exercices et il les aide à conserver une trace écrite de la séance.
Mémoriser, écrire et dire
Le professeur propose aux élèves de découvrir l’expérience poétique que l’on appelle « l’écriture automatique ». Formalisée en 1919 par André Breton et Philippe Soupault, qui, en une quinzaine de jours, ont écrit au fil de la plume un livre intitulé Les champs magnétiques, elle consiste à écrire spontanément et librement, sans contrôle de la raison, le plus rapidement possible.
L’écriture automatique est le moyen d’expression privilégiée du mouvement surréaliste. Dans son célèbre Manifeste du surréalisme (1924), André Breton le définit ainsi : « Surréalisme, n. m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. »
Selon le niveau de la classe et ses objectifs, le professeur peut inviter ses élèves à mémoriser un exemple de phrase « automatique » avant de leur proposer d’en écrire une à leur tour : « Suspendues à nos bouches les jolies expressions trouvées dans les lettres n’ont visiblement rien à craindre des diabolos de nos cœurs qui nous reviennent de si haut que leurs coups sont incomptables » (Les Champs magnétiques, partie I « La Glace sans tain », Littérature, n°8, Octobre 1919).
Pour expérimenter la « dictée de la pensée » sans contrôle, on peut suivre les conseils d’André Breton lui-même : « Faites vous apporter de quoi écrire, après vous être établi en un lieu aussi favorable que possible à la concentration de votre esprit sur lui-même. Placez-vous dans l’état le plus passif, ou réceptif, que vous pourrez. Faites abstraction de votre génie, de vos talents et de ceux de tous les autres. Dites-vous bien que la littérature est un des plus tristes chemins qui mènent à tout. Écrivez vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas être tenté de vous relire... » (Manifeste du surréalisme)
Pour conclure l’expérience, les élèves présentent leur production en les disant devant la classe. Ils en gardent la trace de manière individuelle et collective (cahier personnel, affichage dans la classe).
La démarche peut être poursuivie en proposant aux élèves de dessiner de manière « automatique ».
Lire et jouer
Le professeur donne à lire la nouvelle fantastique d’Ernst Theodor Amadeus Hoffmann (1776 - 1822), intitulée « L’homme au sable », parue en 1817 dans le recueil des Contes nocturnes.
Voici le moment où le héros, Nathanael, découvre que la jeune fille dont il est tombé amoureux, Olympie, n’est qu’un automate :
« Il avait monté l’escalier et pénétrait dans le vestibule, quand il entendit un tapage effrayant qui semblait venir du cabinet de travail de Spallanzani. — Des battements de pieds, un cliquetis étrange, — un bruit de ressorts, — des coups redoublés contre la porte, entremêlés de jurements et de malédictions : « Lâche… lâche-la donc, — infâme ! — Scélérat ! — Sais-tu que j’y ai sacrifié mon sang et ma vie ? — Ha ! — Ha ! — ha ! ha ! ha ! — Ce n’est pas ainsi que nous avons parié. — C’est moi, moi ! qui ai fait les yeux. — Moi les rouages ! — Maudit imbécile avec tes rouages ! stupide horloger ! — Satan ! chien damné ! sors d’ici ! — Arrête ! — Fourbe ! charlatan ! — Vieil animal ! lâcheras-tu ? — Au diable ! — Lâche donc ! »
Dans ces deux voix, sifflant et mugissant ensemble, Nathanael reconnut celles de Spallanzani et de l’affreux Coppelius. Il se précipita dans la chambre, saisi d’une angoisse indéfinissable. Le professeur tenait par les épaules et l’italien Coppola par les jambes une figure de femme qu’ils se disputaient l’un à l’autre, l’arrachant et la tiraillant avec une fureur sans pareille. [...]
Nathanael était pétrifié. Il n’avait que trop clairement vu. — Le visage d’Olympie, pâle comme la mort, était en cire, et dépourvu d’yeux : de noires cavités en tenaient la place. Ce n’était qu’une poupée inanimée. — Spallanzani se roulait à terre, les morceaux de verre lui avaient coupé et lacéré la tête, les bras, la poitrine : son sang coulait à flots. Mais rassemblant toutes ses forces : « Après lui ! cria-t-il, à sa poursuite ! sans nul délai. — Coppelius ! Coppelius ! voleur infâme ! — Mon meilleur automate ! — le fruit de vingt années de travail, le prix de ma vie et de mon sang ! — Les rouages, le mouvement, la parole ! tout m’appartient. — Les yeux… oui, je lui ai pris les yeux ! — Réprouvé ! Belzébuth ! — après lui ! cours… rapporte-moi Olympie : tiens ! voilà les yeux ! »
Nathanael vit alors deux yeux sanglants gisants par terre et le regardant fixement : Spallanzani les saisit de sa main la moins endommagée, et les lui jeta de telle sorte qu’ils vinrent frapper sa poitrine. »
Les élèves sont invités à mettre en scène un extrait du texte en se répartissant les rôles.
ÉTAPE 5 : PROLONGEMENTS
En fonction des objectifs qu’il s’est fixés et du temps dont il dispose, le professeur peut envisager divers compléments.
Des lectures et des recherches motivées par la thématique et l’étude lexicale
Pour prolonger la découverte des créatures « automates » forgées par Héphaïstos (étapes 1 et 2), le professeur donne à lire deux textes antiques :
a. Les servantes en or d’Homère peuvent être considérées comme les premiers robots imaginés par l’homme ; elles seront comparées, entre autres, au célèbre « droïde de protocole » C-3PO, lui-même doté d’une enveloppe métallique dorée, dans la saga cinématographique StarWars (initiée par George Lucas en 1977).
« Héphaïstos quitte le pied de son enclume, monstre essoufflé et boiteux, dont les jambes grêles s’agitent sous lui. Il écarte du feu ses soufflets ; il ramasse dans un coffre d’argent tous les outils dont il usait ; il essuie avec une éponge son visage, ses deux bras, son cou puissant, sa poitrine velue. Puis il enfile une tunique, prend un gros bâton, et sort en boitant. Deux servantes s’évertuent à l’étayer. Elles sont en or, mais elles ont l’aspect de vierges vivantes. Dans leur cœur est une raison ; elles ont aussi voix et force ; par la grâce des Immortels, elles savent travailler. Elles s’affairent, pour étayer leur seigneur. » (Iliade, chant XVIII, vers 410 - 421, traduction Paul Mazon, Les Belles Lettres, 1949)
b. Talos, le géant de bronze, apparaît comme un super-androïde dans divers récits mythologiques, repris au cinéma dans une belle séquence d’animation du film de Don Chaffey Jason et les Argonautes (1963).
« Les Argonautes sont empêchés d’aborder en Crète par Talos. Selon les uns, il appartenait à la race de bronze, selon d’autres, il avait été donné à Minos par Héphaïstos. C’était un homme en bronze, ou bien, selon d’autres, un taureau. Il avait une veine unique qui allait de son cou à ses chevilles, et à l’extrémité de la veine était enfoncé un clou de bronze. Ce Talos faisait trois fois par jour le tour de l’île au pas de course pour monter la garde. Aussi, quand cette fois-ci il aperçut l’Argo qui se dirigeait vers l’île, se mit-il à lui jeter des pierres. Mais il succomba aux ruses de Médée. Selon certains, Médée l’aurait rendu fou avec des drogues, selon quelques autres, elle lui aurait promis de le rendre immortel et lui aurait enlevé le clou, si bien qu’il serait mort en se vidant de son humeur. D’autres disent qu’il mourut touché à la cheville par une flèche de Poias. » (Apollodore, IIe siècle, Bibliothèque, livre I, 9, 26, 140 - 141, traduction Jean-Claude Carrière, Les Belles Lettres, 1991)
Les mots automatique et automate sont l’occasion de proposer aux élèves un large éventail de thèmes, recherches et débats ; par exemple :
- le thème de l’automate / robot / androïde dans la littérature, dans les arts et le cinéma, d’Homère au monde contemporain (voir les lectures ci-dessus).
- l’invention des machines « automatiques » par les savants et ingénieurs de l’Antiquité (en interdisciplinarité avec les sciences et la technologie) : d’Archytas de Tarente (env. 435 - 347 avant J.-C.), qui aurait créé le premier « objet volant autopropulsé » (une colombe en bois capable de voler sur une centaine de mètres), aux « machines » du fameux Archimède (287 – 212 avant J.-C.), père de la mécanique moderne, en passant par les automates de Philon de Byzance (fin du IIIe siècle avant J.-C.) et d’Héron d’Alexandrie (fin du Ier siècle après J.-C.).
- le thème de l’automatisation dans la recherche scientifique et cybernétique, les processus de contrôle et de communication chez l’être vivant et la machine, le développement de l’I.A. (intelligence artificielle).
- la question de la place de l’être artificiel parmi les êtres vivants ainsi que celle de la frontière entre illusion et réalité, nature et artifice.
Le professeur se reportera à un module très complet intitulé « La robotique aux cycles 3 et 4 » dans le cadre d’un atelier CANOPÉ : il y trouvera de très nombreuses ressources et pistes pédagogiques par matières (arts, français, histoire, langues anciennes, technologie).
Pour les réalisations et explications techniques, voir aussi le très intéressant Musée des technologies des Grecs de l’Antiquité de Konstantinos Kotsanas.
Vidéoconférence à consulter sur le site de l’Académie de Paris : « Dans l’atelier d’Héphaïstos : l’invention des robots dans l’Antiquité »
Le professeur peut aussi consulter l’ouvrage Ex Machina, Machines, automates et robots dans l’Antiquité, Annie Collognat et Bernadette Choppin (précédé d’un entretien avec Cédric Villani) dans la collection Signets aux Belles Lettres, 2020.
Et en latin ?
Décalqué sur le grec αὐτόματος, l’adjectif latin automatus a comme lui le sens de "spontané", "automatique".
C’est l’occasion de signaler l’origine de l’adjectif spontané : il vient de l’expression latine sua sponte, "de sa propre volonté", "par soi-même".
Des mots en lien avec le mot étudié : MACHINE, ART, TECHNIQUE