Dionysos, dieu du vin, des fêtes, de l'extase et du délire

  • Dionysos est le dieu « aux trois naissances » dans cette prière  orphique. Il est fait allusion ici aux deux autres naissances de Dionysos : Héra jalouse avait chargé les Titans d'enlever Dionysos / Zagreus. Ceux-ci attirèrent l’attention de Dionysos avec des jouets puis le démembrèrent et le dévorèrent en partie cru et en partie cuit. Athéna réussit à sauver le coeur de Dionysos / Zagreus que, selon une tradition, Zeus fit absorber à Sémélè, la fécondant ainsi du second Dionysos.
  • Les pratiques rituelles du démembrement (sparagmos) et de l'omophagie consistent, aux origines du culte, à déchirer avec les mains et les dents une victime sacrificielle vivante, souvent un taurillon ou un chevreau. Dans l'orgie dionysiaque, l'exaltation que créent l'omophagie, la danse et le vin, permettent au bacchant de sortir de son moi titanique, pour s'unir au dieu. C'était une des deux façons de devenir un Bacchos. L'autre est l'ascèse orphique qui réclame une discipline rigoureuse, un mode de vie impliquant, entre autres, le végétarisme, afin de faire mourir en soi le « moi » titanique, et de libérer ainsi le « soi » dionysiaque, l'élément divin enclos dans l'homme. Dès l'époque hellénistique, cette manducation de viande crue prend la forme d'un rituel symbolique. 
  • Quelle que soit son origine exacte, qu'il vienne de Thrace ou soit autochtone, Dionysos est éprouvé à chaque fois comme « l'étranger ». Peu présent dans l'épopée homérique, le dieu délirant, le dieu de la transe affirme son importance, en déferlant comme un conquérant sur la Grèce. Il apparaît dans les cultes à mystères ainsi que dans de nombreux épisodes mythologiques qui favoriseront  le développement de formes artistiques, dans l'antiquité comme notamment dans l'art des XVIe et XVIIe siècles. 

Dionysos, comme les autres dieux grecs, est naturellement perçu à travers une pluralité de visages. Aussi est-il souvent, par exemple, à la fois Dionysos Liknitès (le dieu au berceau) élément clef des fêtes bisannuelles, les Triétéries), Dionysos Bassareus (vêtu de peaux de renard), Dionysos Perikionios (enroulé autour d’un pilier), Dionysos Lysios-Lenaios (le dieu qui  libère et le dieu du pressoir). Aristote dénombre ainsi 420 appellations de Dionysos. Fils ici de Zeus et Perséphone, il est dans cet hymne assimlilé à Zagreus le dieu orphique. À l’époque impériale romaine le mythe orphique de Dionysos-Zagreus est toujours vivace, et Dionysos est le dieu le plus important dans les croyances orphiques. Du fait que les Titans mangèrent, autrefois, la chair de Dionysos, l’homme, étant issu des Titans, détient en lui également, d'après Orphée, un élément divin lui permettant de réclamer sa place auprès des dieux. Mais pour retrouver sa véritable origine, s'identifier avec le dieu, l'homme doit se libérer des éléments titaniques qu'il porte en lui. C'est à cela que tendent, de manière diverse, l'orgie dionysiaque (les bacchanales) et l'ascèse orphique. C'est pourquoi, malgré le contraste apparent de ces deux croyances, dès le IIIe siècle avant J.-C., on fait d'Orphée le fondateur des mystères dionysiaques.

Une autre tradition veut qu’après la mort de Sémélè, foudroyée par l'apparition de Zeus dans son éclat insoutenable, le roi des dieux sauve l'enfant qu'elle porte et qui n'est encore qu'au sixième mois en le cousant dans sa cuisse. L'enfant y achève sa gestation et sort parfaitement formé (né ainsi de la cuisse de Jupiter). Aussi Dionysos est-il le dieu qui meurt et renaît plusieurs fois. Le jeune dieu est ensuite élevé sur l’île de Nysa par des nymphes et le vieillard Silène. Devenu adulte, Dionysos voyage de cité en cité, mais est souvent mal reçu, comme en Thrace, où le roi Lycurgue jette en prison ses prêtresses, les ménades (mainades, terme dérivé du verbe mainomai, délirer). Le dieu les libère et frappe le roi de folie meurtrière. 

Après avoir voyagé jusqu’en Inde, Dionysos revient sous la forme d'un homme, d'un étranger dans sa cité natale, Thèbes, où le roi Penthée refuse d’introduire son culte. Il est bien alors cette divinité hybride, à la fois dieu et homme (l'étranger). Dionysos en metteur en scène, lucide et distancié, de l'extase et du délire, manipule Penthée, en le poussant à se travestir en femme et déchaîne les Thébaines qui croient servir le dieu. L’extase tourne au délire, « quand le dieu entre entier dans le corps » ainsi que le dit Tirésias (Euripide, Les Bacchantes, vers 300). Celles-ci ravagent des villages entiers avec à leur tête la mère du roi, Agavé. Les ménades dans leur folie démembrent Penthée, croyant qu’il s’agit d’un lion. Un peu plus tard, la mère du roi, Agavé, contemple, accablée et les yeux  enfin lucides, la tête de son fils qu'elle tient entre ses mains, l'ayant prise pour celle d'un lion. Dionysos est enfin reconnu comme un dieu à part entière. 

Plus tard lorsque Thésée abandonne Ariane sur l’île de Naxos, Dionysos en tombe amoureux et l’emmène sur l’Olympe pour l'épouser. Dionysos lui offre une constellation « la Couronne ». « Il s'agit, dit-on, de la couronne d'Ariane. » Dionysos la plaça parmi les constellations, à l'occasion de ses noces que les dieux célébrèrent dans l'île appelée Dia, voulant manifester à tous sa gloire (Ératosthène, Catastérismes, La couronne). 

Dionysos est, par excellence, le dieu de la fête et du vin. Il est, à la fois Bacchos et Lusios, source de folie et libérateur, et il conserve presque toujours un caractère sauvage. Cet aspect prend une dimension prédominante dans l'iconographie : innombrables sont les reproductions des fêtes et des ménades échevelées qui, au son de la flûte et du tambourin, dansent pour le dieu. Il est le dieu de l'Extase et du Délire. Mais il est aussi paradoxalement le dieu « couronné de lierre », celui que l’on dit « à la crinière de lierre ». Or le lierre est une plante de l'ombre, plantée sur les tombes, que Plutarque oppose à  la vigne, plante ardente, (Propos de table, 647 A). Dionysos, couvert de lierre et paré de raisins, manifeste ainsi qu'il est à la fois du côté du soleil et du monde d'en-bas.

Dionysos est encore et surtout le dieu du masque ; et le théâtre est né des fêtes que l'on célébre en son honneur. La comédie et la tragédie sont étroitement associées aux fêtes religieuses du dieu et au sacrifice effectué à cette occasion. Les Grandes Dionysies sont  l'occasion pour les Athéniens d'affirmer l'excellence de leur cité et c'est avec Dionysos que le lien entre le politique et le religieux est le plus sensible.

Dans Les Euménides d’Eschyle, les Érynies, sous l’éclat des torches, vont clore la pièce par un long cri rituel qui nous dit, là encore, le triomphe de l’inarticulé et du dionysiaque.

La prière d'un disciple d'Orphée à Dionysos :

 

J'invoque Dionysos le rugissant, lui qui hurle euai !

Né le premier, le dieu double, aux trois naissances, Bacchus le roi,

sauvage, mystérieux, secret, aux deux cornes et à la double  forme,

couvert de lierre, à la face de taureau, saint et martial, lui qui hurle euai !

Mangeur de chair crue, paré de raisins et d'un péplos de feuilles.

 

Hymne à Dionysos, Recueil de Pergame, n°30, Traduction P. C.

  • Dionysos est le dieu « aux trois naissances » dans cette prière  orphique. Il est fait allusion ici aux deux autres naissances de Dionysos : Héra jalouse avait chargé les Titans d'enlever Dionysos / Zagreus. Ceux-ci attirèrent l’attention de Dionysos avec des jouets puis le démembrèrent et le dévorèrent en partie cru et en partie cuit. Athéna réussit à sauver le coeur de Dionysos / Zagreus que, selon une tradition, Zeus fit absorber à Sémélè, la fécondant ainsi du second Dionysos.
  • Les pratiques rituelles du démembrement (sparagmos) et de l'omophagie consistent, aux origines du culte, à déchirer avec les mains et les dents une victime sacrificielle vivante, souvent un taurillon ou un chevreau. Dans l'orgie dionysiaque, l'exaltation que créent l'omophagie, la danse et le vin, permettent au bacchant de sortir de son moi titanique, pour s'unir au dieu. C'était une des deux façons de devenir un Bacchos. L'autre est l'ascèse orphique qui réclame une discipline rigoureuse, un mode de vie impliquant, entre autres, le végétarisme, afin de faire mourir en soi le « moi » titanique, et de libérer ainsi le « soi » dionysiaque, l'élément divin enclos dans l'homme. Dès l'époque hellénistique, cette manducation de viande crue prend la forme d'un rituel symbolique. 
  • Quelle que soit son origine exacte, qu'il vienne de Thrace ou soit autochtone, Dionysos est éprouvé à chaque fois comme « l'étranger ». Peu présent dans l'épopée homérique, le dieu délirant, le dieu de la transe affirme son importance, en déferlant comme un conquérant sur la Grèce. Il apparaît dans les cultes à mystères ainsi que dans de nombreux épisodes mythologiques qui favoriseront  le développement de formes artistiques, dans l'antiquité comme notamment dans l'art des XVIe et XVIIe siècles. 
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