Bataille de Marathon : célèbre victoire des Grecs sur les Perses Μάχη τοῡ Μαραθῶνος

Une victoire avec des répercussions politiques

Marathon a conféré un grand prestige à Athènes : ses dirigeants en ont fait un symbole et une justification idéologique pour soutenir l’hégémonie dont la cité s’est peu à peu prévalue sur ses alliés (notamment avec la fondation, en 472 avant J.-C., de la ligue de Délos qui est peu à peu devenue un empire dans lequel les alliés versaient un tribut à Athènes).

Marathon est aussi la victoire des hoplites, c’est-à-dire du peuple en armes, des citoyens-soldats les plus pauvres (alors que la cavalerie est le corps de l’aristocratie) : c’est la consécration militaire de la démocratie.

Enfin, Marathon devient un mythe auquel se réfère toute une génération : celle des Marathonomaques, vantée par certains auteurs (ainsi dans les Acharniens d’Aristophane, v. 180-181, les vieillards du chœur sont-ils présentés comme « des vieillards, vrais Acharniens, de vieux racornis, en cœur de chêne, des durs à cuire, des Marathonomaques, durs comme l’érable »), et celle des futurs dirigeants d’Athènes, notamment Aristide, Miltiade et Thémistocle.

 

De Marathon … au marathon 

Le marathon a été créé à partir des légendes qui ont entouré la bataille. Deux exploits – et deux héros – rivalisent : 

  • selon Hérodote, le coursier athénien Phidippidès aurait parcouru, avant la bataille, les 246 kilomètres séparant Athènes de Sparte pour prévenir les Spartiates que les Perses avaient débarqué à Marathon et pour leur demander de l’aide, qu’ils ne purent octroyer (Hérodote, Histoires, VI, 105-106) ; la course de Phidippidès est encore honorée aujourd’hui par le spartathlon ; 

  • selon Plutarque, qui s’appuie sur des historiens antérieurs, l’hoplite Euclès aurait couru la distance Marathon-Athènes pour prévenir la cité de la victoire. Euclès serait mort d’épuisement à l’arrivée : « On dit qu’il arriva à Athènes encore tout fumant du sang des ennemis ; qu’il tomba de fatigue à la porte des magistrats, à qui il ne dit que ces paroles : « Réjouissez-vous, nous avons vaincu (Nενικήκαμεν) » et qu’il tomba mort à leurs pieds » (in Œuvres moralesLa gloire des Athéniens). C’est cette version qui a obtenu le plus de crédit, à tel point qu’aujourd’hui encore, la course du marathon s’étend sur l’exacte distance séparant Marathon d’Athènes (42,195 kilomètres) et que le marathon d’Athènes reprend le parcours antique, de Marathon à Athènes.

Marathon était un important dème (une communauté locale) de la côte Nord-Est de l’Attique. Proche d’une baie profonde, il contrôlait une plaine fertile et bénéficiait d’une liaison avec Athènes par une route principale passant au Sud du mont Pentélique.

Toutefois, ce nom est surtout demeuré dans l’Histoire pour désigner une bataille décisive de la première Guerre médique. Et tout s’est alors joué… près d’une plage.

Depuis 499 avant J.-C., les cités ioniennes (sur la côte Ouest de l’Asie mineure), soumises à l’autorité perse, souhaitent prendre leur autonomie ; aidées par les seules cités d’Athènes et d’Érétrie, elles sont balayées par l’armée du Grand Roi Darius, qui entend réaffirmer son pouvoir. Mais Darius voit plus grand : il a déjà conquis la Thrace et contraint le royaume de Macédoine à se soumettre. Pour supprimer toute opposition à sa domination en mer Égée, il décide de lancer une expédition contre les cités grecques.

Les forces perses, parties avec 600 trières, entre 20 000 et 30 000 combattants et une puissante cavalerie, soumettent les îles et s’emparent d’Érétrie. Elles débarquent ensuite au Nord de Marathon, le 12 septembre 490 avant J.-C. 

Darius bénéficie d’un conseiller précieux : Hippias, ancien tyran d’Athènes, déposé et exilé en 510 avant J.-C., qui espère par cette campagne reprendre ce qui ne pourrait être qu’un semblant de pouvoir. Hippias recommande au Grand Roi d’aborder par la plage qui longe la plaine de Marathon : par sa longueur, quelque 4 kilomètres, elle se prête aux manœuvres de cavalerie.

Les Grecs répondent en ordre dispersé : alors que les Platéens rejoignent les Athéniens pour résister, les Spartiates célèbrent les karnéias en l’honneur d’Apollon ; or ces fêtes impliquent une trêve militaire jusqu'à la pleine lune suivante. Les forces grecques, sans les Spartiates donc, prennent position sur la colline qui domine la plaine.

La bataille s’engage le 17 septembre. Elle oppose 10 000 Grecs environ et une armée perse dont les dimensions ont donné lieu aux estimations les plus variées, allant jusqu’à 500 000 hommes ! Les historiens contemporains penchent plutôt pour une armée d’environ 25 000 fantassins et 1 000 cavaliers.

Mais des paramètres contrebalancent cette infériorité numérique à un contre deux. Les soldats grecs, les hoplites, sont dotés d’un armement lourd : une cuirasse complète (θώραξ), un bouclier solide (ἀσπίς), une épée courte (ξίφος) et une longue lance (δόρυ). Ils sont exercés à se regrouper en phalange pour combattre en rangs serrés. L’infanterie perse, quant à elle, est légère : elle ne dispose que de boucliers en osier et de courtes piques qui rendent les fantassins vulnérables dans les combats rapprochés. Un autre aspect doit être pris en compte : l’armée perse est composée de soldats d’origines diverses, ne parlant pas la même langue et peu habitués à combattre ensemble. 

Enfin, il faut compter sur un paramètre psychologique : les Athéniens, qui ont dû mobiliser tous les hoplites disponibles, savent que leur défaite signerait la fin de leur cité ; ils combattent donc avec l’énergie du désespoir.

Miltiade, un des stratèges athéniens, impose sa tactique : il fait bloquer les sorties de la plaine de Marathon pour empêcher l’armée perse de progresser dans les terres. Apprenant que les Perses ont commencé à embarquer de nuit leurs chevaux, il soupçonne leur intention de débarquer en un point encore non défendu afin de contourner les hoplites, de s’emparer d’Athènes et ensuite de prendre en tenaille l’armée grecque. 

Miltiade déclenche donc l’offensive : il étend la ligne grecque, place sa phalange athénienne, la plus aguerrie, au centre et renforce les flancs avec huit rangs de soldats, afin d’éviter des débordements par la cavalerie perse.

La bataille est un franc succès pour les Grecs. Les Perses, surpris par le choc de la phalange, parviennent cependant à l’enfoncer. Mais les flancs grecs défont facilement les troupes diverses qui leur sont opposées et qui s’enfuient ; ils se rabattent ensuite, dans une manœuvre de tenaille, sur le centre de l’armée perse qui s’effondre : les Perses s’enfuient vers leurs navires, poursuivis par les Grecs qui les massacrent jusque dans la mer. Les Athéniens ne compteraient que 192 morts alors que des milliers de Perses (6 400 selon Hérodote) auraient disparu, notamment par noyade. Les Athéniens se sont même emparés de sept trières perses. 

Après la bataille, la rapidité de déplacement des troupes athéniennes leur permet de rejoindre Phalère, où elles dissuadent les Perses de tenter un nouveau débarquement et, ainsi, d’engager une nouvelle bataille.

Ce qu'écrit Aristophane :

 

Ἐσμὲν ἡμεῖς, οἷς πρόσεστι τοῦτο τοὐρροπύγιον,

Ἀττικοὶ μόνοι δικαίως ἐγγενεῖς αὐτόχθονες,

ἀνδρικώτατον γένος καὶ πλεῖστα τήνδε τὴν πόλιν

ὠφελῆσαν ἐν μάχαισιν, ἡνίκ᾽ ἦλθ᾽ ὁ βάρβαρος,

τῷ καπνῷ τύφων ἅπασαν τὴν πόλιν καὶ πυρπολῶν,

ἐξελεῖν ἡμῶν μενοινῶν πρὸς βίαν τἀνθρήνια.

εὐθέως γὰρ ἐκδραμόντες ξὺν δορὶ ξὺν ἀσπίδι

ἐμαχόμεσθ᾽ αὐτοῖσι, θυμὸν ὀξίνην πεπωκότες,

στὰς ἀνὴρ παρ᾽ ἄνδρ᾽, ὑπ᾽ ὀργῆς τὴν χελύνην ἐσθίων ·

ὑπὸ δὲ τῶν τοξευμάτων οὐκ ἦν ἰδεῖν τὸν οὐρανόν.

ἀλλ᾽ ὅμως ἐωσάμεσθα ξὺν θεοῖς πρὸς ἑσπέραν.

 

Nous, avec cet appendice postéro-caudal, c'est nous, oui nous seuls, les Attiques de pure et authentique lignée, vrais fils du terroir - des hommes, et de quelle trempe ! C'est notre race qui a si bien servi la patrie dans les batailles, quand les Barbares sont venus vomir sur toute la ville la fumée et l'incendie, rêvant de violer et d'anéantir nos nids. Aussitôt, nous nous sommes rués dehors, avec pique et cuirasse, pour les combattre : ivres d'une âcre fureur, nous nous sommes dressés homme contre homme, grinçant rageusement des mandibules. 

Le ciel était voilé sous un rideau de traits ;

pourtant, au soir tombant, nous les avons chassés.

 

Aristophane, Les Guêpes, v. 1075-1085 - Texte établi par Victor-Henry Debidour, Le livre de poche, 1965-1966 

Une victoire avec des répercussions politiques

Marathon a conféré un grand prestige à Athènes : ses dirigeants en ont fait un symbole et une justification idéologique pour soutenir l’hégémonie dont la cité s’est peu à peu prévalue sur ses alliés (notamment avec la fondation, en 472 avant J.-C., de la ligue de Délos qui est peu à peu devenue un empire dans lequel les alliés versaient un tribut à Athènes).

Marathon est aussi la victoire des hoplites, c’est-à-dire du peuple en armes, des citoyens-soldats les plus pauvres (alors que la cavalerie est le corps de l’aristocratie) : c’est la consécration militaire de la démocratie.

Enfin, Marathon devient un mythe auquel se réfère toute une génération : celle des Marathonomaques, vantée par certains auteurs (ainsi dans les Acharniens d’Aristophane, v. 180-181, les vieillards du chœur sont-ils présentés comme « des vieillards, vrais Acharniens, de vieux racornis, en cœur de chêne, des durs à cuire, des Marathonomaques, durs comme l’érable »), et celle des futurs dirigeants d’Athènes, notamment Aristide, Miltiade et Thémistocle.

 

De Marathon … au marathon 

Le marathon a été créé à partir des légendes qui ont entouré la bataille. Deux exploits – et deux héros – rivalisent : 

  • selon Hérodote, le coursier athénien Phidippidès aurait parcouru, avant la bataille, les 246 kilomètres séparant Athènes de Sparte pour prévenir les Spartiates que les Perses avaient débarqué à Marathon et pour leur demander de l’aide, qu’ils ne purent octroyer (Hérodote, Histoires, VI, 105-106) ; la course de Phidippidès est encore honorée aujourd’hui par le spartathlon ; 

  • selon Plutarque, qui s’appuie sur des historiens antérieurs, l’hoplite Euclès aurait couru la distance Marathon-Athènes pour prévenir la cité de la victoire. Euclès serait mort d’épuisement à l’arrivée : « On dit qu’il arriva à Athènes encore tout fumant du sang des ennemis ; qu’il tomba de fatigue à la porte des magistrats, à qui il ne dit que ces paroles : « Réjouissez-vous, nous avons vaincu (Nενικήκαμεν) » et qu’il tomba mort à leurs pieds » (in Œuvres moralesLa gloire des Athéniens). C’est cette version qui a obtenu le plus de crédit, à tel point qu’aujourd’hui encore, la course du marathon s’étend sur l’exacte distance séparant Marathon d’Athènes (42,195 kilomètres) et que le marathon d’Athènes reprend le parcours antique, de Marathon à Athènes.

Pour aller plus loin 

  • Hérodote, VI, 91-119
  • Plutarque, Œuvres morales, La gloire des Athéniens
  • Pierre Briant, Darius : Les Perses et l’Empire, Découvertes Gallimard
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