Il est fort peu de personnages historiques qui n’aient suscité dès l’Antiquité autant d’admiration que de critiques. D’un côté l’image idéalisée du soldat philosophe et conquérant, sur laquelle méditait César comme nous le rapporte Plutarque. De l’autre le despote assoiffé de sang et de carnages dont Sénèque donne une image extrêmement négative : "c’était la rage de dévaster le bien d’autrui qui poussait le pauvre Alexandre et le lançait dans l’inconnu. Peut-on créditer de santé mentale un homme qui commence par ravager la Grèce, celle qui l’a instruite, et prend à chaque État ce qu’il a de plus précieux, aux Spartiates l’indépendance, aux Athéniens la parole"... (Lettres à Lucilius, XV, 94, 62).
Descendant d'Héraclès par son père et d'Achille par sa mère, Alexandre III de Macédoine naît escorté de présages de grandeur, et ses jeunes années forment un florilège d'anecdotes : le domptage de son cheval Bucéphale, son éducation par Aristote, ou encore ses faits d'armes précoces face au bataillon sacré thébain.
Après l'assassinat du roi Philippe II en 336 avant J.-C., son fils Alexandre prend la tête d'un royaume en pleine expansion. Les conquêtes et les réformes engagées par son père lui ont cependant laissé une situation délicate : il doit immédiatement réprimer les révoltes des peuples barbares du nord, tandis que les cités grecques profitent de son absence pour se soulever. Après avoir mis Thèbes à sac, il la fait raser et s'assure ainsi la soumission des puissances voisines.
Investi par la ligue de Corinthe, il tourne ensuite son regard vers l'Asie, ennemie héréditaire de la Grèce et objet de tous ses rêves de conquêtes. À la tête d'une petite armée, face à une armée perse considérable, il remporte une première victoire retentissante lors de la bataille du Granique en mai 334 avant J.-C., s'illustrant lui-même par son courage au combat. Cet exploit lui permet de poursuivre son avancée, ponctuée d'autres succès militaires : la prise de Milet et le siège d'Halicarnasse. Il finit par affronter le roi Darius lui-même lors de la bataille d'Issos. Son sens remarquable de la stratégie lui donne une victoire qui met l'armée perse en déroute avec son chef, et constitue un tournant dans cette conquête.
Il poursuit ensuite sa progression vers la Phénicie, faisant tomber Tyr à l'issue d'un siège éprouvant, et s'engage ensuite en Égypte, dans l'idée de priver les Perses de leur dernière ouverture maritime. Il y est accueilli triomphalement et proclamé Pharaon dans le sanctuaire de Zeus-Ammon à l'oasis de Siwa, sans avoir à livrer bataille. Pus tard, après une nouvelle victoire sur Darius à Gaugamèles (1er octobre 331 avant J.-C.) où il déploie sa fameuse ligne de bataille oblique, il a toute liberté de poursuivre jusqu'à Babylone, dont il s'empare, puis à Persépolis, qu'il pille. Après la mort de Darius en 330 avant J.-C., la Perse est sous son contrôle. Les ambitions d'Alexandre, en même temps que ses objectifs stratégiques, le mènent ensuite en direction de l'Inde où il conduit une longue expédition, accompagné par des savants, des philosophes et des écrivains. C'est dans la vallée de l'Indus que s'achève son périple, après une bataille violente qui le voit lui-même blessé.
Entre Suse et Babylone, il passe les dernières années de sa vie à tenter de réprimer les révoltes qui éclatent dans les différentes parties de l'immense empire qui est maintenant le sien. Mais il poursuit aussi son rêve d'hellénisation du monde et de métissage des cultures. Il fait ainsi élever à la grecque de nombreux jeunes perses des familles aristocratiques et encourage les mariages mixtes entre ses soldats et les femmes indigènes. Lui même épouse Roxane, la princesse de Bactriane (située entre l'Afghanistan, leTadjikistan, et l'Ouzbékistan actuels) dont il dit qu'elle est le "tourment de ses yeux". Son goût pour le mode de vie oriental lui vaut d'être vivement critiqué par les Macédoniens. Il meurt finalement d'une fièvre sévère en juin 323 avant J.-C. à l'âge de 33 ans.
Son règne est de très courte durée (de 336 à 323 avant J.-C.) soit à peine treize ans, mais ces treize années sont le creuset de profonds changements, et l'émergence de ce qu’on nomma la civilisation hellénistique avec Alexandrie qu'il fonda, son centre le plus fameux. C’est aussi pendant ces treize années que commence à s’élaborer le mythe d’Alexandre, le conquérant invincible à la nature quasi divine, qui connaîtra une fortune universelle dès l’antiquité et plus tard au Moyen-Âge.
Ce qu'écrit Diodore de Sicile :
Ἐν ὀλίγῳ δὲ χρόνῳ μεγάλας πράξεις οὗτος ὁ βασιλεὺς κατειργάσατο καὶ διὰ τὴν ἰδίαν σύνεσίν τε καὶ ἀνδρείαν ὑπερεβάλετο τῷ μεγέθει τῶν ἔργων πάντας τοὺς ἐξ αἰῶνος τῇ μνήμῃ παραδεδομένους βασιλεῖς·
En peu de temps, ce roi a accompli de grandes choses. Grâce à un bon sens et un courage qui l'y prédisposaient, il a surpassé, par la grandeur de ses exploits, tous les rois dont on ait gardé la mémoire.
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVII, 3