Pénélope en littérature et dans les arts d'Homère à la Renaissance  ou l'image d'une femme mythique dans la société à travers le temps

Notes : 

  1. Françoise Frontisi-Ducroux, « Idéaux féminins : le cas de la Grèce ancienne », dans Topique, n°82, 2003, p.111-119, consulté en ligne sur CAIRN
  2. Dominique Godineau, Les femmes dans la France Moderne : XVIe-XVIIIe siècle, Armand Colin, 2015, p.13.
  3. Ibid., p.17.
  4. Ibid., p.19.

Une question de réception

La figure de Pénélope resurgit au fil des siècles en littérature et dans les arts. Cette résurrection se fait parfois au détour d'une comparaison anodine, comme chez Rostand, dans Cyrano de Bergerac, où Roxane est comparée à Pénélope. Celle-ci apparaît alors comme la femme idéale. C'est cette image de Pénélope qui nous reste, à nous, lecteurs du XXIème siècle. Pourtant, d'autres visions plus ambivalentes de l'héroïne coexistent depuis les premiers récits. Dans son roman, Naissance de l'Odyssée, Giono propose ainsi une version de l'Odyssée dans laquelle Pénélope trompe Ulysse sans vergogne.

Pénélope, à la fois femme et figure de pouvoir, a longuement inspiré les commentateurs et les auteurs de l’Antiquité à nos jours. En tant que femme, l'héroïne devient successivement un modèle à suivre pour les uns, qui louent tantôt sa chasteté, sa vertu, tantôt son courage, sa sagesse et sa modération. Pour les autres, le personnage incarnerait la faiblesse des femmes et finirait par représenter le type de l’épouse volage qui tromperait son mari pendant son absence. Au centre de la réception du mythe se trouvent ainsi quelques thèmes majeurs récurrents, dont la ruse « de la toile tissée et détissée » n’est pas l’un des moindres.

Dans cette étude, nous reviendrons sur les origines de cette ambivalence qui de nos jours est souvent méconnue et tenterons de cerner le dévelopement historique de ce mythe très politique.

 

1. Le personnage de Pénélope dans l'Odyssée

 

Trois sources originelles lourdes d’ambiguïté ont contribué à façonner l'ambivalence de la figure de Pénélope.

Tout d'abord, l'ambiguïté concernant le statut social de Pénélope. En effet, la narration de l’Odyssée présente un certain nombre de femmes dont les actions se font écho suivant leur statut. Présentées comme mères, comme filles, comme reines, comme épouses, comme bonnes ou mauvaises, les femmes possèdent des points communs et des différences que l'on retrouve dans les attentes et les normes fixées au sein de la société grecque et permet ainsi de situer le discours général porté sur Pénélope. Pénélope, en l’absence d’Ulysse doit composer entre plusieurs statuts. Femme mariée, elle attend le retour de son époux, femme esseulée, elle reste sous la loi des hommes de la famille, son père et son fils. Ainsi Télémaque lui parle-t-il sans ménagement : 

Ἀλλ' εἰς οἶκον ἰοῦσα τὰ σ' αὐτῆς ἔργα κόμιζε,
ἱστόν τ' ἠλακάτην τε, καὶ ἀμφιπόλοισι κέλευε
ἔργον ἐποίχεσθαι· μῦθος δ' ἄνδρεσσι μελήσει
πᾶσι, μάλιστα δ' ἐμοί· τοῦ γὰρ κράτος ἔστ' ἐνὶ οἴκῳ
.

Va! rentre à la maison, et reprends tes travaux, ta toile, ta quenouille ; ordonne à tes servantes de se remettre à l'oeuvre, le discours, c'est à nous, les hommes, qu'il revient, mais à moi tout d'abord, qui suis maître céans. 

Odyssée, I, 356-359, trad. V. Bérard

Tout à la fois libre et assumant son devoir d'épouse royale, elle doit s’accommoder de son sort et accepter la cour des prétendants. Également mère en charge de de son fils et potentielle nouvelle épouse, Pénélope doit trouver une place qui n’existe guère dans la société.

ὣς καὶ ἐμοὶ δίχα θυμὸς ὀρώρεται ἔνθα καὶ ἔνθα,
ἠὲ μένω παρὰ παιδὶ καὶ ἔμπεδα πάντα φυλάσσω,
κτῆσιν ἐμήν, δμῶάς τε καὶ ὑψερεφὲς μέγα δῶμα,
εὐνήν τ᾽ αἰδομένη πόσιος δήμοιό τε φῆμιν,
ἦ ἤδη ἅμ᾽ ἕπωμαι Ἀχαιῶν ὅς τις ἄριστος
μνᾶται ἐνὶ μεγάροισι, πορὼν ἀπερείσια ἕδνα.

C'est ainsi que mon coeur tiraillé se déchire : dois-je rester ici, auprès de mon enfant, tout garder en l'état, défendre mon avoir, mes femmes, ce palais aux grands toits, ne songer qu'aux droits de mon époux, à l'estime du peuple ? ou dois-je faire un choix et suivre l'Achéen dont les présents sans fin viendront, en ce palais, faire le mieux sa cours ? 

Odyssée, XIX, 524-529, trad. V. Bérard

Pénélope est aussi une reine et se doit d’accomplir les devoirs liés à son rang, à savoir, la sauvegarde des biens et du titre de son époux et l’héritage de son fils. Par son statut même, Pénélope occupe donc une place exceptionnelle au sein de l’Odyssée.

L'enchevêtrement de plusieurs versions au sein même du poème rend les choses plus complexes : deux versions issues de traditions orales antérieures à la fixation du texte, caractérisent  Pénélope de manière antithétique. D’un côté, l’accumulation des signes et indices tout au long du poème ne laisse pas place au doute sur le retour d’Ulysse. De l'autre, Pénélope persiste à ne pas vouloir reconnaître son mari.

Ulysse se présentant à Pénélope

Ulysse se présente à Pénélope en mendiant. Derrière Pénélope, à gauche, Télémaque, Laerte et Eumée. Plaque de terre cuite, Grèce, 460-450 av. J.-C. © Metropolitan museum of art

 

C'est pourtant bien Pénélope qui se trouve à l’origine du concours de l’arc qui permet le retour définitif d’Ulysse. Aussi, que l’on s’interroge soit sur la froideur de Pénélope soit sur sa connivence avec Ulysse, deux versions et deux rôles s’opposent-ils assez clairement.

Enfin, le poème orchestre une polyphonie de voix dont chacune tend à décrire Pénélope et à la caractériser à la fois dans sa nature et dans ses actions. Si l’on suit Françoise Frontisi-Ducroux, "L’individu antique ne se définit que par l’extériorité, ne se pense, ne s’appréhende que dans un groupe, par et sous le regard que les autres portent sur lui "1. Si cette formule peut paraître un peu excessive dans sa forme elle n’en exprime pas moins une forme de vérité sur les représentations de la femme dans la Grèce antique. Ainsi dans le poème d’Homère, les personnages parlent presque autant de Pénélope entre eux que le personnage n’apparaît réellement dans le récit. Cette pluralité de regards portés sur elle participe à la création non pas d’une image singulière du personnage, mais de plusieurs images contrastées faisant ressortir les différentes figures qu'elle incarne. Selon que s’expriment les prétendants, Télémaque ou Ulysse, elle apparaît ainsi à la fois comme la femme fourbe mais aussi  femme courtisée pleine de qualités, mère et femme sous l’autorité masculine, mais aussi épouse et maîtresse du foyer. Son comportement se trouve à la fois loué et critiqué selon l’énonciateur et selon des intérêts divergents. Tous ces discours concourent à brouiller l’image d’un personnage déjà complexe.

 

2. Réception et réutilisation littéraire dans l'Antiquité grecque et romaine

 

Pénélope appartient aux temps héroïques et les Anciens la considèrent à la fois comme un personnage historique, mais aussi comme un personnage mythologique dont la vision est brouillée, déformée par le passage du temps, embellie d’éléments surnaturels. Le personnage n’est cependant pas une héroïne au sens grec du terme mais intervient au premier plan et joue un rôle important dans le succès d’Ulysse. Pénélope est aussi reconnue comme la mère de Pan et fait l'objet d'un culte en Arcadie. Pénélope, comme les autres héros homériques a donc un statut mixte, à la fois perçue comme historique et aussi en partie fictionnelle.

Pénélope apparaît, chez les auteurs grecs postérieurs à Homère, principalement sous un jour positif mais aussi, plus rarement sous un jour négatif. Ainsi, femme exemplaire et fidèle, épouse qui attend et plaint son mari, femme rusée et sage utilisant tout ce qui est en ses moyens – la ruse de la toile – pour garantir sa chasteté, Pénélope du point de vue des prétendants peut  paraître néfaste pour les homme qui la désirent. Elle devient dès lors pour les uns, un exemple de femme idéale, un modèle à suivre et à surpasser, un nom plein de qualités reconnues communément, auquel les femmes souhaitent rattacher le souvenir de leur vie – de nombreuses épitaphes en sont un exemple frappant –, et pour les autres une incarnation de toutes les femmes que l'on attaque à travers elle. Elle rejoint par là le modèle d'Hélène femme fatale par excellence.

Les auteurs romains reprennent la figure de Pénélope. Les élégiaques célèbrent l'amour du couple Ulysse, Pénélope et la douleur de la séparation. Les auteurs satiriques utilisent son exemple pour se moquer de la société et de la Rome de leur époque. Les moralistes relisent l’Odyssée au prisme de leur philosophie pour donner une portée didactique au personnage. Ainsi, Pénélope incarnerait un idéal que les prétendants ne sauraient atteindre, sachant limiter son univers quotidien à celui de ses servantes.  

Ovide dans ses Héroïdes imagine que Pénélope écrit à Ulysse son amour et son impatience à le revoir sur fond de guerre de Troie.

Haec tua Penelope lento tibi mittit, Ulixe
nil mihi rescribas attinet : ipse veni !
Troia jacet certe, Danais invisa puellis ;
vix Priamus tanti totaque Troia fuit.
O utinam tum, cum Lacedaemona classe petebat,
obrutus insanis esset adulter aquis !
non ego deserto jacuissem frigida lecto,
nec quererer tardos ire relicta dies ;
nec mihi quaerenti spatiosam fallere noctem
lassaret viduas pendula tela manus.
Quando ego non timui graviora pericula veris ?
res est solliciti plena timoris amor.
In te fingebam violentos Troas ituros ;
nomine in Hectoreo pallida semper eram.


"Ta Pénélope t'envoie cette lettre, Ulysse qui tarde trop : ne me réponds rien, mais viens toi-même. Elle est certainement tombée, cette Troie odieuse aux filles de la Grèce. Priam et Troie tout entière valent à peine tout ce qu'ils me coûtent. Oh ! que n'a-t-il été enseveli dans les flots furieux, Paris  le ravisseur adultère, alors que sa flotte l'emportait vers Sparte  ! Je n'aurais pas, sur un lit froid et solitaire, pleuré l'absence d'un époux ; je n'accuserais pas, loin de lui, la lenteur des jours ; et, dans ses efforts pour remplir le vide des nuits, ta veuve ne verrait pas une toile toujours inachevée entre ses mains fatiguées. Quand m'est-il arrivé de ne pas craindre des dangers plus grands que la réalité ? L'amour s'inquiète et craint sans cesse. Je me figurais les Troyens tombant sur toi avec violence ; le nom d'Hector me faisait toujours pâlir d'effroi."

Ovide, Héroïdes, I, v. 1-14.

Les autres versions de la légende – Pénélope mère de Pan – ne disparaissent pas à l’époque romaine et se trouvent même renforcées pour certaines.

Mercurius (...) ex quo et Penelopa Pana natum ferunt. 
Pan est né de Mercure et de Pénélope, rapporte-ton. 

Cicéron, De la nature des dieux, III, 22,56

Les différentes versions cohabitent parfois sous la plume des mêmes auteurs.

 

3. Pénélope, enjeu de société : la « Querelle des femmes » entre Moyen Âge et Renaissance

 

La place des femmes et leur image dans la société à la fin du Moyen Âge et au début de l’Époque Moderne sont très contrastées. Suivons le rapide panorama proposé par Dominique Godineau. Tout d’abord, le discours médical du XVIe siècle, issu de la théorie des humeurs d’Aristote, permet de comprendre le point de vue de la société sur le caractère dit « peu fiable » des femmes2. Ensuite, le discours religieux, très à charge, éclaire une relation plus qu’ambiguë à la femme. Dans la traditionnelle image religieuse de la femme, deux figures s’opposent. D’un côté, Marie est convoquée pour montrer à la fois une image positive et un idéal inatteignables pour la femme. Et de l’autre, Ève est représentée en pécheresse, responsable de la Chute et des maux de l’humanité3.

Dans la littérature et l’iconographie, la femme est également présente dans le moment littéraire amorcé au Moyen-Âge et qui se poursuit au XVIe siècle qu’est la « Querelle des femmes ». Cette Querelle est avant tout un jeu littéraire né à la cour portant sur l’amour, le mariage et l’instruction4 qui oppose défenseurs et détracteurs des femmes. Pénélope est un modèle par excellence, modèle pour les femmes qui revendiquent leur vertu de chasteté et de fidélité, mais aussi leur piété. Ainsi, les princesses et les reines n’hésitent pas à commander puis se faire dédicacer des ouvrages où l’histoire de l’illustre modèle est rappelée. De même, le modèle dont se revendiquent les puissantes doit être appliqué à la cour où les mœurs sont en train de changer, où le comportement et les relations entre les hommes et les femmes se modifie, influencé par les cours italiennes, au retour des expéditions des guerres d’Italie alors qu’Anne de Bretagne reçoit textes et artistes, intellectuels venus de l’autre côté des Alpes. Appliqué à la cour, le modèle s’élargit jusque dans les classes aisées de la société où les humanistes relaient, au travers des manuels d’instruction pour les femmes, le comportement à adopter. Pénélope joue un rôle majeur dans la conception de cette doxa de plus en plus prégnante dans la société. On retrouve ainsi Pénélope remobilisée dans la tradition des recueils de femmes illustres destinés à promouvoir un personnage puissant comme la reine Anne de Bretagne qui n'hésite pas à légitimer son pouvoir en prenant pour autorité les vertus de ces dames. La reine a commandé à Antoine Dufour Les Vies des femmes célèbres que l'auteur compose avant de devenir son prédicateur officiel. Réinvestir Pénélope, un modèle de vertu et de chasteté, c’est aussi pouvoir célébrer les grands événements comme les mariages princiers sous les comparaisons les plus flatteuses. Du Bellay prend ainsi part à cette vision positive du personnage en le comparant à la princesse Marguerite de France dans son Épithalame sur le mariage du très illustre Prince Philibert Emanuel, duc de Savoye :

Telle comme Lucrèce,
Ou que l'honneur de Grèce
Pénélope se lit,
Sera, mais plus heureuse,
Ceste vierge songeuse
De l'honneur de son lict.

Les misogynes, à l'inverse, s'en prennent, à travers Pénélope, aux femmes de leurs temps. Ainsi, en 1551, André Misgyne, un auteur anonyme, publie La Louenge des femmes : Invention extraite du commentaire de Pantagruel sus l'Androgyne de Platon. L'Epigramme XXXI fait mention de Pénélope aux côtés d'Hélène.

Mesme Homere, adoré en ses vers,
La dit pendue aux nues à l'envers :
Et qu'on t'ha veu, bien que ta sœur soit elle,
Car femme, tant bonne et honneste soit,
Mille malheurs, & mille maux conçoit :
Pénélope, & la troyenne Heleine
De ce nous font, pour toutes, preuve pleine.
Ceste cy, fit pour ses plaisirs tresords
Bruler Troye homme, murs, & tresors :
Ceste là, vid la salle au sang baignee

Nous retrouvons au Livre II des Amours de Ronsard la vieille légende qui fait de Pénélope la mère de Pan, version reprise par le poète pour s'en prendre à toutes les femmes :

Que dirons-nous d'Ulysse ? Encores qu'une trope
de jeunes poursuyvans aimassent Penelope,
Devorans tout son bien, si est-ce qu'il brusloit
D'embrasser son espouse, et jamais ne vouloit
Devenir immortel avec Circe la belle,
Pour ne revoir jamais Penelope, laquelle
Pleurant luy rescrivoit de son fascheux sejour,
Pendant qu'en son absence elle fesoit l'amour :
Si bien que le Dieu Pan de ses jeux print naissance,
(D'elle et de ses muguets la commune semence)
Envoyant tout expres, pour sa commodité,
Le fils chercher le père en Sparte la cité.

Remobiliser Pénélope comme modèle de vertu ou comme contre-modèle permet ainsi aux défenseurs de la femme comme aux misogynes de la « Querelle des femmes » d’attaquer ou de défendre les femmes en général.

 

4. Pénélope illustrée au Moyen Âge et à la Renaissance

 

Les textes connaissent de nombreuses utilisations, mais l’image constitue une autre part importante de la diffusion de la culture et des valeurs que les humanistes entendent imposer à la société de la fin du Moyen-Âge. Ainsi, les textes eux-mêmes se voient souvent accompagnés d’iconographies, de miniatures. Les images illustrent tant les rééditions de textes antiques que les nouvelles parutions de textes contemporains. Pénélope est représentée aussi bien dans les peintures, dans les miniatures, dans les dessins, dans les estampes que dans les céramiques.

 

Pénélope

Pénélope, Miniature extraite des Héroïdes d'Ovide, traduction d'Octavien de Saint-Gelais © BNF Gallica 

Quelques points communs apparaissent néanmoins à travers ces différentes représentations. Tout d’abord, mises à part les illustrations des Héroïdes d’Ovide, la plupart des iconographies portent à la fois sur des thèmes et des moments communs de l’Odyssée. Ainsi, les artistes représentent principalement et presque exclusivement la dernière partie du poème d’Homère. La « Télémachie », c’est-à-dire la première partie du poème, n’est jamais présentée, tout comme la deuxième partie, c’est-à-dire l’attente de Pénélope pendant le retour d’Ulysse et l’absence de Télémaque. En revanche, le retour d’Ulysse et les retrouvailles entre les époux sont souvent mis en avant.

 

Pénélope et Ulysse

Ulysse et Pénélope sur le lit nuptial, F. Primatice, 1563 © Wikimedia Commons

 

On trouve également d’autres scènes célèbres comme celle du massacre des prétendants. Le fait que ce soient souvent les mêmes scènes qui soient représentées peut s’expliquer en partie par le caractère exemplaire de ces représentations.

 

Pénélope, Larte, Télémaque

Pénélope, Laerte et Télémaque, Miniature extraite des Héroïdes d'Ovide, traduction d'Octavien de Saint-Gelais © Wikimedia Commons 

 

Aussi certaines iconographies comme celles du Primatice ont-elles inspiré d’autres artistes qui les ont copiées, et donc, qui ont eu tendance à représenter les mêmes scènes.

Ensuite, il s’agit toujours d’une Pénélope chaste et vertueuse fidèle à Ulysse qui se trouve digne d’une représentation. On peut alors dire que seule une face de la légende se trouve représentée dans les arts picturaux. Ainsi, outre les retrouvailles avec Ulysse ou les messages que Pénélope envoie à son mari absent, plusieurs illustrations font place aux objets représentants le caractère vertueux de Pénélope que sont la quenouille et le métier à tisser, symboles de la ruse célèbre mise en place par le personnage pour échapper à ses prétendants. De même, Pénélope apparaît même en allégorie de la chasteté, ce qui montre bien le caractère à la fois illustre et représentatif du personnage tel que le conçoivent les artistes.

Enfin, c’est le caractère exemplaire de plusieurs iconographies qu’il conviendrait de souligner. Il est frappant de voir à quel point certaines représentations de Pénélope ont été reprises par la suite et ce dans différents arts. C’est le cas des peintures formant la Galerie d’Ulysse à Fontainebleau, malheureusement disparue. Mais les œuvres de la Galerie, copiées dans des estampes et sur des céramiques, ne sont pas les seules représentantes de cette mode dédiée au moins en partie au personnage de Pénélope. Ainsi, dans notre échantillon, une iconographie était dédiée expressément à la copie et à la reproduction.

Pénélope

Recueil de dessins ou cartons, avec devises, destinés à servir de modèles pour tapisseries ou pour peintures sur verre (XVIe siècle) © BNF Gallica

Ce caractère exemplaire n’est finalement pas étonnant lorsque l’on songe à l’utilisation du personnage en littérature, mais ce qui frappe, c’est l’importance accordée à Pénélope dans tous les arts.

Cependant, certaines différences témoignent à la fois de l’évolution dans la conception de l’art pictural et de l’objectif que souhaitent atteindre les artistes. Ainsi, de notables différences se font percevoir au cœur de la représentation de Pénélope. Dans les miniatures du Moyen-Âge, on se trouvera plutôt en présence d’une Pénélope vêtue comme une femme contemporaine, alors qu’à la Renaissance, et notamment dans les copies du Primatice, Pénélope se trouve affublée d’habits renvoyant à l’Antique. De même, si Pénélope apparaît majoritairement comme toujours jeune aux côtés de son mari, au moins quelques exemples iconographiques prennent le parti de représenter le couple âgé qui se retrouve enfin.

Notes : 

  1. Françoise Frontisi-Ducroux, « Idéaux féminins : le cas de la Grèce ancienne », dans Topique, n°82, 2003, p.111-119, consulté en ligne sur CAIRN
  2. Dominique Godineau, Les femmes dans la France Moderne : XVIe-XVIIIe siècle, Armand Colin, 2015, p.13.
  3. Ibid., p.17.
  4. Ibid., p.19.
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